
Cumul des amendes administratives : attention danger
Le Conseil Constitutionnel a rendu le 25 mars 2022 une décision extrêmement importante pour les enseignes mais aussi extrêmement dangereuse en autorisant le cumul des amendes administratives.
Cette décision est relative à l’application de l’article L 470-2-VII du Code de Commerce qui dispose que lorsque plusieurs sanctions administratives ont été prononcées à l’encontre d’un même auteur pour des manquements en concours, ces sanctions s’exécutent cumulativement.
Une question prioritaire de constitutionnalité a été posée par une société du groupement Leclerc et par Intermarché ; il s’agissait de savoir si, en application de ce texte pour des infractions en concours, les amendes administratives pouvaient se cumuler de manière illimitée.
Le Conseil Constitutionnel affirme d’une manière claire qu’aucune exigence constitutionnelle n’impose que des sanctions administratives prononcées pour des manquements distincts soient soumises à une règle de non-cumul ; en d’autres termes, il pose le principe du cumul sans limite des amendes administratives. Pour cela, il écarte le fait que ce texte puisse être contraire aux principes de légalité des délits et des peines ; pour que le principe de légalité des délits et des peines soit respecté, encore faut-il que l’incrimination soit définie avec une précision suffisante ; c’est un prérequis indispensable à l’application de toute sanction.
Or, que signifie au juste dans l’article L 470-2-VII du Code de Commerce les termes « manquement en concours » ? Est-ce qu’il s’agit d’un fait unique ? Est-ce que l’on vise au contraire non pas un fait unique mais plusieurs faits et doivent-ils alors forcément recevoir la même qualification ? C’est à dire est-ce que l’on vise une répétition de fait qui soit différent ou au contraire identique ? Le Conseil Constitutionnel exige qu’un manquement aux règles ait été commis par une personne avant que celle-ci ait été définitivement sanctionnée pour un autre manquement. La règle « non bis in idem » n’est donc pas applicable. En effet ne sont satisfaits ni « l’idem » puisque les faits en question étaient en l’occurrence multiples, ni le « bis » en l’absence de décisions antérieures définitives. La notion de manquement au concours pour le Conseil Constitutionnel répond à trois conditions.
Une pluralité des manquements de nature identique ou distincte, dès lors qu’ils sont saisis à l’occasion d’une même procédure ou de procédures séparées mais sans condamnation définitive de l’un d’entre eux.
Le second principe constitutionnel auquel cet article du Code de Commerce est confronté est celui de la nécessité des délits et des peines.
Ici, le cumul, qui pourtant ne connaît pas de limite particulière, est considéré comme ne violant pas le principe de nécessité des délits et des peines.
Le Conseil Constitutionnel tente d’apporter une limite au pouvoir de l’administration en disant qu’il existe « une exigence de proportionnalité de la sanction administrative au manquement. »
Pour autant, cette exigence est à peu près vide de toute portée ; en effet, le Conseil s’en remet à l’administration et aux juges pour apprécier cette proportionnalité ; c’est donc à celui qui poursuit et qui inflige l’amende d’apprécier la proportionnalité. Et il nous dit « seulement pour définir les critères de cette proportionnalité que peut être prise en compte la nature des manquements », je ne vois pas très bien en quoi cela est d’utilité, puisque c’est la nature des manquements qui justifie la sanction dans son principe, la gravité des manquements et enfin leur répétition. Cela n’apporte pas grand-chose, puisque la gravité peut à la limite servir d’étalon mais leur caractère répétitif est précisément ce qui justifie le cumul de sanctions administratives en cas de concours d’infractions. Cela n’a donc pas de sens particulier en tout cas ne donne pas de critère utile à l’appréciation de la proportionnalité.
Il existe donc finalement un contrôle de la proportionnalité qui sera rendu extrêmement difficile. La disproportion ne dit pas son nom et il est intéressant de remarquer que l’avocat d’Intermarché dans ce dossier expliquait que finalement pour 3180 conventions uniques qui ne seraient pas conclues au 1er mars de l’année, c’est une sanction d’1,2 milliards qui serait encourue. Le critère de proportionnalité est donc finalement une limite assez illusoire au pouvoir de l’administration.
Cette décision est d’une portée générale, c’est à dire qu’elle devrait essaimer en droit de la consommation, puisqu’en droit de la consommation vous avez la même règle pour les amendes administratives, puisque tout plafond a été supprimé dans l’article L 100 522-VII du Code de la Consommation.
Mon associé Guillaume Gouachon avait déjà eu l’occasion de s’exprimer à cet égard ; la toute puissance administrative s’affranchit donc du pouvoir judiciaire. Bienvenue en état de droit.
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