entente

Analyse d’une clause de non-concurrence dans un accord de partenariat

Faisant application de jurisprudences constantes, la CJUE guide la Cour de renvoi dans l’analyse de la conformité d’une clause de non-concurrence au regard du droit des ententes. Le cas d’espèce porte sur une clause insérée dans un accord de partenariat dans un contexte de marché en cours de libéralisation. 

Le 26 octobre 2023, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a rendu un arrêt, dans l’affaire C-331/21, répondant aux questions préjudicielles posées par la Cour d’appel portugaise concernant la conformité d’une clause de non-concurrence au droit des ententes.  

L’affaire oppose le régulateur national de la concurrence portugais d’une part et un fournisseur d’électricité et un distributeur détaillant de produits alimentaires d’autre part, lesquelles avaient conclu un contrat de partenariat visant à développer leurs activités respectives.  

Le litige porte sur la clause de non-concurrence insérée au sein de cet accord de partenariat. Cette clause interdit au distributeur détaillant de produits alimentaires d’entrer sur le marché portugais de la fourniture d’électricité – sur lequel son partenaire est un acteur majeur – pendant la durée de l’accord et pendant un an après sa résiliation. Considérant que la clause de non-concurrence litigieuse avait pour objet un partage de marchés, de surcroît mis en œuvre lors du processus de libéralisation du marché national de la fourniture de l’électricité, l’Autorité de la concurrence du Portugal a condamné les deux entreprises à des amendes d’un montant total de 38 millions d’euros pour violation de l’article 101 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE). Cette condamnation a été confirmée par le tribunal de la concurrence, de la régulation et du contrôle – et le montant de l’amende réduit – et c’est dans le cadre de l’appel que la Cour d’appel de Lisbonne a saisi la CJUE de questions préjudicielles relatives à la conformité de la clause de non-concurrence au droit des ententes ; l’occasion pour la Cour de rappeler sa jurisprudence. 

Reformulant les questions posées, la CJUE rappelle dans un premier temps les critères pertinents pour déterminer si deux entreprises présentes sur des marchés de produits distincts sont en situation de concurrence potentielle ; critères déjà posés dans son arrêt Generics du 30 janvier 20201. Ainsi, elle confirme que le distributeur alimentaire peut être considéré comme un concurrent potentiel du fournisseur d’électricité, même s’il n’opère pas sur le marché de l’électricité au moment de la conclusion de l’accord, s’il existe « des possibilités réelles et concrètes » pour le distributeur d’entrer sur le marché de l’électricité.  

Dans un second temps, la CJUE a examiné la question portant sur l’assimilation de cet accord de partenariat à un accord vertical ou un contrat d’agence commercial. En effet, les entreprises en cause soutenaient qu’elles pouvaient bénéficier du règlement d’exemption par catégorie puisque bien que présentent sur des marchés distincts qui ne se situent pas en amont ou en aval l’un de l’autre, l’accord consiste à favoriser le développement des ventes des produits de ces deux entreprises au moyen d’un mécanisme de promotion et de réductions croisées, tel « deux contrats d’agences croisés ». En réponse, la Cour de Justice rappelle d’une part que constituent des accords verticaux, les accords conclus entre deux entreprises à un niveau différent de la chaîne de production ou de distribution, en amont ou en aval l’un de l’autre. D’autre part, pour être qualifié de contrat d’agence commercial, l’agent ne doit pas supporter de risque, ou n’en supporte qu’une partie négligeable dans le cadre des contrats qu’il négocie ou qu’il conclut pour le compte du commettant. Or, retenant que les parties partageaient les frais de promotions des ventes, elles partageaient nécessairement les risques, si bien que le contrat de partenariat ne pouvait être qualifié de contrats d’agence croisés, et les parties ne pouvaient se prévaloir du règlement d’exemption par catégorie n° 330/2010. 

Dans un troisième temps, la juridiction de renvoi interrogeait la Cour sur l’assimilation de la clause de non-concurrence à une restriction accessoire au contrat de partenariat, en ce qu’elle favorise le développement des vente et produits des entreprises par des promotions et réductions croisées. Pour mémoire, la restriction accessoire échappe au principe de prohibition prévu à l’article 101§1 TFUE lorsque l’accord principal est dépourvu de caractère anticoncurrentiel. Faisant application de sa jurisprudence constante, elle rappelle que pour être qualifiée d’accessoire, la restriction doit être objectivement nécessaire à la mise en œuvre de l’accord de partenariat en cause au principal et proportionnée aux objectifs visés par cet accord.  

Enfin, la dernière interrogation de la Cour d’appel portugaise portait sur la qualification de la clause de non-concurrence en restriction par l’objet, alors même qu’elle présente des avantages pour les consommateurs et est limitée dans le temps. Pour y répondre, la CJUE rappelle les principes fondamentaux de l’analyse concurrentielle des ententes. Tout d’abord, elle rappelle que la qualification d’une entente comme restriction par objet dépend de son degré de nocivité pour la concurrence, en tenant compte de son contexte économique et juridique ; et que cette notion de restriction par objet droit être interprétée de manière restrictive2. En présence d’une restriction par objet, il n’y a pas lieu de rechercher les effets de l’accord litigieux sur la concurrence. Néanmoins, ces effets doivent, en tant qu’éléments du contexte de cet accord, être pris en compte aux fins de sa qualification de « restriction par objet », dans la mesure où ils sont susceptibles de remettre en cause l’appréciation globale du degré suffisamment nocif de la pratique collusoire concernée à l’égard de la concurrence et, en conséquence, sa qualification de « restriction par objet ». Ainsi, la CJUE offre à la Cour d’appel portugaise un guide pour parvenir à son analyse3.  

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