Pénalités logistiques

Conformité de l’article L. 441-17 du code de commerce à la Constitution

Le Conseil constitutionnel dit conforme à la Constitution l’article L. 441-17 du code de commerce qui ne définit pas la notion de « marge d’erreur suffisante ».

La loi n° 2021-1357 du 18 octobre 2021, dite « EGAlim 2 » a introduit au Code de commerce et au Code rural et de la pêche maritime plusieurs mécanismes visant à protéger la rémunération des agriculteurs face à la grande distribution.

Elle a notamment créé les articles L. 441-17 et suivants du Code de commerce relatifs aux pénalités appliquées par les distributeurs (article L. 441-17) et aux pénalités appliquées par les fournisseurs (article L. 441-18) en cas d’inexécution d’engagements contractuels par leurs cocontractants.

En application de l’article L. 441-17 du Code de commerce, seuls deux cas peuvent désormais justifier l’application de pénalités logistiques par le distributeur : (i) les situations ayant entraîné des ruptures de stocks peuvent justifier l’application de pénalités logistiques et (ii) « d’autres cas dès lors qu’il démontre et documente par écrit l’existence d’un préjudice ». En outre, le texte prévoit notamment que, dès lors qu’il est envisagé d’infliger des pénalités logistiques, il est tenu compte des circonstances indépendantes de la volonté des parties.

Le non-respect des dispositions de l’article L. 441-17 du Code de commerce (pénalités appliquées par les distributeurs) constitue une pratique restrictive de concurrence au sens de l’article L. 442-1, 3° du Code de commerce. A ce titre, elle engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé. Elle encourt en outre le prononcé d’une amende civile dont le montant ne peut excéder le plus élevé des trois montants suivants :

– cinq millions d’euros ;

– le triple du montant des avantages indument perçus ou obtenus ;

– 5 % du chiffre d’affaires hors taxes réalisé en France par l’auteur des pratiques lors du dernier exercice clos.

L’article L. 441-19 du Code de commerce prévoit la publication et l’actualisation régulière d’un guide des bonnes pratiques pour l’application des articles L. 441-17 et L. 441-18.

C’est dans ce contexte que la DGCCRF avait publié, le 11 juillet 2022, une « foire aux questions portant sur les lignes directrices en matière de pénalités logistiques » qu’elle présente comme constituant la doctrine de l’administration en matière de pénalités logistiques entre entreprises et étant établies sous réserve de l’appréciation souveraine des tribunaux.

Malheureusement, ces lignes directrices n’ont pas permis de lever les incertitudes portées par plusieurs expressions imprécises du texte (notions de « marge d’erreur suffisante », « délai suffisant », « autres cas » de pénalité envisageables », « circonstances indépendantes de la volonté des parties »).

Dans un dossier dans lequel le groupement d’achat E. Leclerc demande à l’annulation d’une décision du 27 septembre 2022 ainsi que d’un courrier du 29 novembre 2022 confirmant celle-ci, par laquelle le directeur régional et interdépartemental de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités d’Ile-de-France a prononcé à son encontre une injonction, sous astreinte en cas d’inexécution, de modifier les clauses des contrats passés avec ses fournisseurs relatives aux pénalités logistiques, le groupement d’achat E. Leclerc a soulevé, devant le tribunal administratif de Melun, une question prioritaire de constitutionnalité dirigée contre les dispositions de l’article L. 441-17 du code de commerce, de l’article L. 442-4 de ce code et du III de l’article L. 470-1 du même code.

Par une décision du 9 février 2024, le Conseil d’Etat a considéré que « Le moyen tiré de ce qu’elles portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, notamment au principe de légalité des délits résultant de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, en tant qu’elles ne définissent pas la « marge d’erreur suffisante » que le distributeur est tenu d’accorder à son fournisseur dans les contrats conclus avec lui, soulève une question présentant un caractère sérieux »  et renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée

Par une Décision n° 2024-1087 QPC du 30 avril 2024, le Conseil Constitutionnel dit conforme à la Constitution la deuxième phrase du premier alinéa de l’article L. 441-17 du code de commerce en considérant que :

« 8. Il résulte des termes mêmes de ces dispositions que le caractère suffisant de la marge d’erreur doit s’apprécier au cas par cas au regard du volume de livraisons prévues par le contrat. Dès lors, la notion de « marge d’erreur suffisante » ne présente pas de caractère imprécis ou équivoque.

9. Ainsi, en faisant référence à cette notion, le législateur a défini avec une précision suffisante les éléments essentiels de l’obligation dont, sous le contrôle du juge, la méconnaissance est sanctionnée.

10. Le grief tiré de la méconnaissance du principe de légalité des délits et des peines doit donc être écarté.

11. Par conséquent, les dispositions contestées, qui ne sont pas entachées d’incompétence négative et qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution. »

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