Sortie du réseau d’un franchisé l’Onglerie : de l’intérêt de la prévision contractuelle (Officiel de la Franchise novembre 2015)

Un franchisé de l’enseigne L’Onglerie annonce au franchiseur son intention de ne pas renouveler son contrat de franchise. Un protocole d’accord organisant les modalités de sortie du réseau est signé entre le franchiseur et le franchisé.

Les parties prévoient  dans ce contrat le paiement de certaines sommes par le franchisé, ainsi que la reprise de produits par le franchiseur l’Onglerie. Le protocole transactionnel comporte une clause pénale aux termes de laquelle, en cas de manquement à l’exécution d’une seule de ses dispositions, le franchisé devra verser de plein droit une somme fixée dans la clause, à titre de « dommages et intérêts irréductibles (…) correspondant au préjudice réellement subi par le franchiseur en raison du coût de la recherche d’un nouveau franchisé et de la perte commerciale enregistrée par la perte du centre L’Onglerie de (…). ». Il s’agit donc d’une clause pénale.

Par suite, L’Onglerie a assigné son ancien franchisé au motif que le protocole n’avait pas été exécuté. Le franchiseur reproche au franchisé d’avoir conservé des stocks de produits et continué à utiliser la marque. Il réclame :

l’application de la clause pénale et le paiement de l’indemnité prévue ;
le paiement de dommages et intérêts supplémentaires pour résistance abusive, mauvaise foi et concurrence déloyale

La Cour d’appel de Versailles, dans une décision du 27 octobre 2015, considère qu’il y a bien eu manquement aux termes du protocole transactionnel et condamne le franchisé à verser la somme convenue, selon les termes de la clause pénale du protocole. La Cour rejette pour cela l’argumentation du franchisé qui soutenait que le préjudice mentionné dans la clause pénale était sans lien avec la restitution totale ou partielle. 
L’argumentation du franchisé était fondée sur l’article 1152 du Code civil, lequel prévoit que « Lorsque la convention porte que celui qui manquera de l’exécuter payera une certaine somme à titre de dommage-intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie de somme plus forte, ni moindre. 
Néanmoins, le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la peine qui a été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Toute stipulation contraire serait réputée non écrite. »

La Cour d’appel de Versailles relève que la mise en œuvre de la clause pénale n’est pas conditionnée à la réalisation d’un préjudice mais qu’elle vise à sanctionner une inexécution contractuelle. Cette solution est classique, la clause pénale sanctionnant une inexécution contractuelle, indépendamment du préjudice effectivement subi. Par exception, le juge peut décider de modérer ou d’augmenter la sanction si celle-ci paraît manifestement disproportionnée. Il appartient néanmoins à la partie défaillante de démontrer que la sanction serait disproportionnée. En l’espèce la Cour d’appel a rejeté la demande du franchisé à ce titre, considérant qu’il « ne produit aucun élément pour caractériser la disproportion de cette sanction ».

Comme les juges de première instance, la Cour d’Appel rejette en revanche, la demande du franchiseur en vue de l’octroi d’une somme complémentaire pour résistance abusive, mauvaise foi et concurrence déloyale. La Cour considère que des faits de concurrence déloyale ne peuvent être caractérisés par la seule référence de la marque L’Onglerie à l’adresse de la société franchisée sur des sites internet , faute pour le franchiseur l’Onglerie de justifier d’une poursuite de l’utilisation frauduleuse effective de cette marque à l’adresse du local commercial exploité par l’ancien franchisé.

La reconnaissance d’actes de concurrence déloyale du fait de la mention de la marque à l’adresse du franchisé sur des sites des tiers, comme des annuaires, est réalisée au cas par cas, en fonction des faits de l’espèce. Par exemple, pour ce qui est du maintien de marques sur des annuaires, les tribunaux ont pu considérer que le franchisé ne pouvait être considéré comme ayant commis des actes de concurrence déloyale s’il démontrait avoir demandé le retrait de la marque sur l’annuaire en ligne et que le maintien résultait d’une erreur du site en question. 

Le référencement sur des sites Internet pouvant aboutir à drainer de la clientèle vers le point de vente et risquer ainsi de détourner de la clientèle, cette solution peut paraître rigoureuse pour les franchiseurs. Ils auront en conséquence tout intérêt à contractualiser l’obligation pour les franchisés d’obtenir le retrait de la marque de tous les sites Internet. Ainsi, ils pourront ainsi agir sur le fondement de la responsabilité contractuelle du franchisé, et non pas de sa responsabilité délictuelle. La mise en œuvre les clauses pénales qui pourraient être prévues serait ainsi possible, sous réserve que la sanction ne soit pas disproportionnée. Il pourra également être prévu de solliciter des astreintes le temps qu’il soit remédié à l’inexécution. 

Cour d’Appel de Versailles, 27 octobre 2015 (RG N° 13/09306)

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