
Loyers : quel argumentaire soutenir pour le locataire quand le commerce a dû fermer mais que le bailleur a continué à appeler les loyers ?
Alors qu’il a été contraint à la fermeture administrative et qu’il n’a pas pu exploiter ses locaux, le locataire ne pourrait pas, selon le Tribunal Judiciaire de Paris, obtenir le remboursement des sommes payées au titre de son bail lors du premier confinement en invoquant le principe de l’exception d’inexécution.
Non-renouvellement du bail, indemnité d’éviction et 1er confinement
Des locaux commerciaux à Paris sont donnés à bail pour une activité de vente d’objets d’art et de décoration. Le locataire signifie une demande de renouvellement qui est refusée par le bailleur. Le locataire assigne le bailleur en condamnation au paiement d’une indemnité d’éviction et avant dire droit, en désignation d’un expert judiciaire. Ultérieurement, le bailleur fait usage de son droit de repentir.
Le contentieux, qui portait sur le montant de l’indemnité d’occupation due par le locataire, entre la date d’effet du refus de renouvellement et la date de l’exercice du droit de repentir par le bailleur, était encore en cours lors du premier confinement ayant imposé la fermeture des locaux loués entre le 15 mars et le 11 mai 2020.
COVID 19 et loyers commerciaux : l’argument de l’exception d’inexécution
• Le principe de l’exception d’inexécution ne permet pas au locataire d’obtenir le remboursement des sommes payées au titre de son bail lors du premier confinement, alors qu’il a été contraint à la fermeture administrative et qu’il n’a pas pu exploiter ses locaux.
Il est jugé que :
– l’exception d’inexécution énoncée aux articles 1217 et 1219 du Code civil doit être étudiée à la lumière de l’obligation de délivrance du bailleur de l’article 1719 du Code civil.
– l’article 1719 du Code civil imposant au bailleur la délivrance des locaux loués « n’a pas pour effet d’obliger le bailleur à garantir au preneur la chalandise des lieux loués et la stabilité du cadre normatif, dans lequel s’exerce son activité ». En outre, dans la mesure où le locataire ne conteste pas la consistance des locaux, et qu’il ne discute pas le fait que son local lui permettait d’exercer l’activité prévue au bail, il est jugé que le locataire ne pouvait pas se prévaloir de l’exception d’inexécution.
• Le preneur doit justifier de difficultés pour obtenir des délais de paiement, même s’agissant du paiement du 3e trimestre 2020, faisant suite à la fermeture administrative des locaux durant le premier confinement.
Le juge a refusé d’accorder 6 mois de délais de paiement pour le 3e trimestre 2020, considérant que le locataire ne pouvait pas prétendre à une situation financière dégradée sans le démontrer par des pièces, et notamment par des pièces comptables.
Cette décision rendue par un juge du premier degré nous apparait contestable. Elle ne doit pas décourager les Preneurs dans leur argumentation.
COVID 19 et loyers commerciaux : Argumentation à tenir face aux bailleurs
1. Certes, l’obligation de délivrance du bailleur n’oblige pas le bailleur à garantir au preneur la chalandise des lieux loués. Cependant, lorsque les locaux loués ne peuvent plus être exploités, il n’est pas question de chalandise mais de possibilité d’exploitation des locaux. Peu importe la qualité de la chalandise, dès lors que les locaux sont contraints à la fermeture administrative sans faute du preneur, cela doit être assimilé à un défaut de délivrance. La décision commentée nous semble donc particulièrement contestable.
2. Il convient de démontrer que par l’effet de la fermeture administrative des locaux, le locataire a été dans l’impossibilité d’exploiter les locaux loués pour l’activité prévue au bail.
3. La fermeture administrative des locaux, par application des mesures gouvernementales pour lutter contre l’épidémie de COVID 19, empêche le preneur de jouir paisiblement des locaux loués conformément à leur destination, de sorte qu’il ne reçoit plus la contrepartie des loyers. Le principe de l’exception d’inexécution est ainsi justifié.
4. Lorsque le bailleur poursuit le paiement de ses loyers, charges et accessoires devant le Tribunal pour des périodes proches des dates de fermetures administratives, le locataire doit à titre subsidiaire solliciter des délais de paiement sur le fondement de l’article 1343-5 du Code civil. Or, les délais de paiement ne sont accordés que si le locataire fournit des justificatifs, notamment des documents comptables démontrant les difficultés économiques. Les circonstances sanitaires ne suffissent pas à elles-seules.
Jugement du Tribunal judiciaire de Paris du 25 février 2021 (RG n° 18/02353)
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