Cessation des signes distinctifs et clause de non-concurrence

La Cour d’appel de Paris s’est récemment prononcée sur une clause à effet post-contractuel permettant à un franchiseur de contraindre, en fin de contrat, le franchisé à cesser d’utiliser les signes distinctifs de son réseau.

L’arrêt en question du 1er juillet 2020 concernait le réseau de franchise de centres de lavage rapide d’automobile « Eléphant Bleu ». A l’origine, en suite du non-renouvellement de deux contrats, un ancien franchisé a assigné le franchiseur tête de réseau en rupture brutale de relations commerciales établies. Le débat s’est toutefois porté sur la clause du contrat de franchise soulevé par le franchiseur qui obligeait le franchisé, à la cessation du contrat, à ne plus utiliser la marque et surtout à cesser d’utiliser les éléments distinctifs du réseau. A ce titre, l’ancien franchisé avait l’obligation de repeindre ses centres dans d’autres couleurs que celles bleue et blanche des stations Eléphant Bleu.

En défense, le franchisé a toutefois soulevé la nullité de la clause et avançait qu’elle devait être déclarée non écrite en application de l’article L. 341-2 du Code de commerce.

Pour rappel, cet article édicte qu’une clause de non-concurrence post-contractuelle est valable dès lors qu’elle respecte quatre conditions, à savoir :

être limitée géographiquement, soit au local où le franchisé exerce son activité pour le commerce au détail, soit au territoire sur lequel l’activité de services est pratiquée ; 

être limitée à l’activité commerciale de l’exploitant exercée en vertu du contrat ; 

être indispensable à la protection du savoir-faire transmis dans le cadre du contrat ; et enfin

être limitée dans le temps à une durée d’un an maximum. 

Dans l’arrêt en question, la Cour d’appel a considéré que l’article L. 341-2 avait vocation à s’appliquer : 

(i) d’une part, la juridiction retient « la clause litigieuse, interdisant pour plus d’une année à compter de l’échéance du contrat non renouvelé d’utiliser ces mêmes couleurs, est de nature à restreindre la liberté d’exercice de l’activité commerciale de l’exploitant qui l’a précédemment souscrite » ;

(ii) d’autre part, se posait la question de l’application dans le temps de l’article L. 341-2 du Code de commerce. Cette disposition a été créée par la loi Macron du 6 août 2015, entrée en vigueur depuis le 6 août 2016. Les contrats de franchise en cause étaient, eux, arrivés à leur terme en 2008. Pourtant, la Cour d’appel retient que l’article leur était bien applicable, dès lors que la clause de non-concurrence post-contractuelle ne prévoyait « aucune limite dans le temps pour l’interdiction d’utiliser les couleurs bleue et blanche » et continuait donc à produire ses effets. 

Cet arrêt est doublement critiquable :

d’une part, la clause annulée ne restreint pas la possibilité d’exercer l’activité concurrente dans le même local avec les mêmes matériels, pas plus que la liberté de s’affilier à un réseau concurrent, mais elle tend seulement à éviter que le consommateur assimile l’offre de l’ancien franchisé à celle du franchiseur du fait de la poursuite de l’usage des deux couleurs distinctives de l’enseigne, connues de tous ; la qualification de clause de non concurrence est ici trop extensive et menace les investissements du franchiseur et la distinctivité de son concept ;

d’autre part, l’article L. 341-2 du Code de commerce est applicable aux seules activités de commerce, et les sources d’interprétation disponibles de cette disposition permettant de conclure que ces activités sont celles dont le débiteur de la clause pratique l’achat revente et en tire l’essentiel de ses revenus ; l’article L. 341-2 du Code de commerce ne devrait donc pas s’appliquer aux activités de service.

Cet arrêt est, dans tous les cas, inopportun pour les franchiseurs et la franchise.

Cour d’appel de Paris, Pôle 5 – chambre 4, 1er juillet 2020, n° 17/21498

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