Quelle portée pour les contrats sur la preuve ?

S’il est possible d’organiser contractuellement les modalités de preuve, quelle est la portée exacte de ces stipulations

Les principes applicables en matière de preuve des obligations sont fixés par le Code civil. Celui-ci, dans sa rédaction actuelle issue de la réforme du droit des obligations de 2016, pose le principe que sauf disposition expresse contraire, la preuve peut être apportée par tous moyens. Différents modes de preuve sont reconnus par le code civil : 

  • La preuve par écrit, en distinguant notamment l’acte authentique de l’acte sous seing privé ;
  • La preuve par témoins ; 
  • La preuve par présomption judiciaire ; 
  • La preuve par l’aveu ; 
  • La preuve par le serment. 

La question peut se poser de savoir si les parties à un contrat peuvent contractualiser les modalités de preuve admise entre elles. Une jurisprudence ancienne avait admis cette possibilité, qui avait par ailleurs été introduite dans le code civil par la loi n°2000-230 du 13 mars 2000. Cette loi avait en effet ajouté un article 1316-2 au Code civil qui stipulait : « Lorsque la loi n’a pas fixé d’autres principes, et à défaut de convention valable entre les parties, le juge règle les conflits de preuve littérale en déterminant par tous moyens le titre le plus vraisemblable, quel qu’en soit le support. » 

En pratique ce type de convention sur la preuve est relativement fréquent. C’est ainsi par exemple le cas dans un contrat relatif à un logiciel informatique comportant une clause selon laquelle la procédure de recette incombe au licencié du logiciel et qu’à défaut d’observations adressées dans un certain délai, le logiciel doit être présumé comme recetté. 

C’est sur la portée d’une telle clause que la cour de cassation s’est prononcée dans un arrêt du 6 décembre dernier. Un litige était né sur l’exécution correcte d’un contrat de licence et de distribution portant sur un progiciel. L’éditeur faisait notamment valoir cette clause pour s’opposer à la résiliation du contrat opérée par l’acquéreur de la licence dudit logiciel, au motif de nombreux dysfonctionnement de celui-ci. 

La Cour de cassation rappelle dans un attendu de principe que « si les contrats sur la preuve sont valables lorsqu’ils portent sur des droits dont les parties ont la libre disposition, ils ne peuvent établir au profit de l’une des parties une présomption irréfragable ; (…) ». Elle relève que la Cour avait estimé que le licencié, malgré la présomption prévue contractuellement, avait apporté la preuve contraire et avait ainsi renversé la présomption.  

Pour rappel, une présomption irréfragable est une présomption qui ne peut pas être combattue par la preuve contraire, alors qu’une présomption simple est une présomption qui n’est valable que tant que la preuve contraire n’a pas été rapportée.  

La solution de la Cour de cassation est conforme à l’article 1356 du Code civil tel qu’il résulte de la réforme du droit des obligations survenue en 2016. Celui-ci est en effet rédigé comme suit : « Les contrats sur la preuve sont valables lorsqu’ils portent sur des droits dont les parties ont la libre disposition. 

Néanmoins, ils ne peuvent contredire les présomptions irréfragables établies par la loi, ni modifier la foi attachée à l’aveu ou au serment. Ils ne peuvent davantage établir au profit de l’une des parties une présomption irréfragable. » A la date des présentes il ne semble pas que le projet de loi de ratification de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ayant modifié le droit des contrats, le régime général et la preuve des obligations ait prévu de modifier cet article. 

Il convient de retenir de cet arrêt ainsi que de l’article 1356 du Code civil qu’il est possible de prévoir contractuellement des stipulations spécifiques en matière de preuve et notamment de prévoir contractuellement des présomptions. 

Cass. com. 6 déc. 2017, n° 16-19.615

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