
Evolution importante en matière de responsabilité délictuelle fondée sur la violation d’un contrat
a Cour de cassation fait prévaloir la prévisibilité contractuelle sur l’effet relatif des contrats.
Le principe de l’effet relatif des contrats fait que seules les parties à un contrat peuvent se prévaloir des stipulations dudit contrat. Toutefois, depuis un arrêt de l’Assemblée plénière du 6 octobre 2006, la Cour avait déjà jugé qu’un tiers à un contrat peut invoquer un manquement contractuel, mais sur le fondement de la responsabilité délictuelle et non pas contractuelle, dès lors que ce manquement lui cause un dommage (pourvoi nº 05-13.255). De plus, dans un arrêt du 13 janvier 2020, la Cour avait précisé que le tiers n’est pas tenu de démontrer une faute délictuelle distincte du manquement contractuel (pourvoi nº 17-19.963). Cette situation est différente de celle dans laquelle c’est une partie au contrat qui l’invoque contre une personne qui n’est pas partie audit contrat ; par exemple l’enseigne créancière d’une clause de non-concurrence post-contractuelle qui assigne un concurrent pour tierce complicité, pour avoir conclu un contrat avec un ancien distributeur, en violation de la clause de non- concurrence qui avait été souscrite par cet ancien distributeur.
En l’espèce, la société Aetna Group Spa a fait transporter plusieurs machines d’Italie en France pour une exposition à Paris. La manutention et le déchargement de ces machines ont été confiés à la société Clamageran expositions par un contrat passé en novembre 2014. Lors de la manipulation, une machine a été endommagée par un employé de Clamageran. Aetna Group Spa a alors obtenu une indemnité de son assureur, Itas Mutua, qui, subrogée dans les droits de son assurée, a assigné Clamageran en paiement de dommages et intérêts. Ici la compagnie d’assurance, tiers au contrat de manutention, assigne l’une des parties audit contrat.
La question juridique centrale posée en l’espèce concerne l’opposabilité des clauses limitatives de responsabilité contractuelles à un tiers : lorsqu’un tiers invoque la responsabilité extra-contractuelle pour l’inexécution d’une obligation contractuelle, les conditions et limites de responsabilité prévues dans le contrat initial sont opposables à ce tiers.
La cour d’appel avait jugé que les clauses limitatives de responsabilité issues des conditions générales du contrat entre Clamageran et Aetna Group France étaient inopposables à Itas Mutua. La Cour de cassation a estimé pour sa part que cette décision violait les articles 1134 et 1165 du Code civil (dans leur rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016) et l’article 1382 (devenu 1240) du même code.
La Cour de cassation a donc cassé partiellement l’arrêt de la cour d’appel de Paris. Elle a rappelé que, selon sa jurisprudence constante, un tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage. Cependant, pour ne pas déjouer les prévisions du débiteur et ne pas conférer au tiers une position plus avantageuse que celle du créancier, les conditions et limites de la responsabilité contractuelle sont opposables à ce tiers.
Ainsi, les conditions et limites de la responsabilité contractuelle sont opposables au tiers qui invoque un manquement contractuel sur le fondement de la responsabilité délictuelle.
Cette jurisprudence est importante pour les réseaux de distribution, dans lesquels un distributeur peut vouloir invoquer un manquement au contrat de distribution commis par un autre distributeur, lorsque ce manquement lui cause un tort. Prenons ainsi l’exemple d’un distributeur exclusif A dont le contrat comporterait une clause lui interdisant de réaliser des ventes actives sur le territoire des autres distributeurs exclusifs du réseau. Un distributeur B estime avoir subi un dommage du fait que le distributeur aurait réalisé des ventes actives interdites sur son territoire. Il n’est pas partie au contrat entre l’enseigne et le distributeur A. Il agit donc sur le fondement de la responsabilité délictuelle. Sur la base de cet arrêt, l’enseigne pourra lui opposer les limitations de responsabilité qui figureraient au contrat qu’elle a conclu avec le distributeur A. Par exemple en cas d’existence d’une clause de prescription anticipée, imposant d’agir dans un délai plus court que la prescription de droit commun de 5 années, ou limitant la responsabilité du franchisé en cas de violation, ces stipulations seront opposables au distributeur B.
(Cass. com., 3 juillet 2024, n°21-14947)
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