Du recours à la lettre recommandée en matière de baux commerciaux

Le recours à la LRAR en matière de baux commerciaux est en apparence une source de simplification. Pourtant, les multiples modifications législatives et règlementaires à ce sujet depuis 2 ans montrent qu’il convient de la manier avec prudence.

Le décret n°2016-296 publié au JO le 13 mars 2016, relatif à la simplification des formalités en droit commercial contient en son chapitre III des dispositions relatives au recours à la lettre recommandée AR dans les relations entre bailleurs et locataires.

Afin de permettre aux praticiens de s’y retrouver, il convient de rappeler avant toutes choses les récentes évolutions législatives et règlementaires intervenues dans ce domaine.

Pour mémoire, la loi Pinel du 18 juin 2014 avait introduit à l’article L. 145-9 du Code de commerce, la faculté pour le bailleur de donner congé par lettre recommandée AR dans le cadre d’un bail prolongé tacitement au-delà du terme contractuel.

Le décret du 3 novembre 2014 précisait la date à prendre en compte dans cette hypothèse.

La loi Macron du 6 août 2015 avait ensuite supprimé cette possibilité offerte au bailleur par la loi Pinel mais avait omis d’abroger le décret d’application de ce texte.

Le nouveau décret publié le 13 mars 2016 corrige cet oubli.

Surtout, il ajoute une section 6 à l’article R. 145-37 du Code de commerce, intitulée « Dispositions relatives au recours à la lettre recommandée avec demande d’avis de réception ».

Il résulte de la succession de ces textes que la lettre recommandée AR peut désormais être utilisée, en matière de baux commerciaux, dans les cas suivants :

–    congé donné à l’expiration d’une période triennale par le preneur (art. L. 145-4 du C. com.),

–    demande de renouvellement du bail par le preneur en l’absence de congé donné par le bailleur (art. L. 145-10 du C. com.),

–    Notification du droit d’option du bailleur renonçant à son refus de renouvellement (art. L. 145-12 du C. com.),

–    Acceptation par le preneur, dans le délai de 3 mois, des nouvelles conditions de location proposées par le bailleur qui a donné congé pour construire ou reconstruire l’immeuble ou effectuer des travaux nécessitant l’évacuation des lieux (art. L. 145-18 du C. com.),

–    Exercice du droit de priorité par le locataire, dans les 3 mois de son départ des lieux, en cas de reconstruction de l’immeuble par le bailleur (art. L. 145-19 du C. com.),

–    Exercice du droit à déspécialisation partielle par le preneur (art. L. 145-47 du C. com.),

–    Dans le cadre de la demande de déspécialisation plénière faite par le preneur : demande faite au bailleur, dénonciation faite aux créanciers inscrits sur le fonds de commerce, information des autres locataires disposant d’une clause de non-concurrence (art. L. 145-49 du C. com.),

–    Renonciation du locataire à sa demande en déspécialisation (art. L. 145-55 du C. com.).

Dans toutes ces cas, la notification peut être faite, au choix, par lettre recommandée AR ou par exploit d’huissier.

Le preneur peut-il recourir à la lettre de recommandée pour notifier un congé à l’échéance contractuelle ou en cours de tacite prolongation ?

La réponse semble être négative. En effet, les dispositions de l’article 145-4 du Code de commerce ne visent que le congé à l’expiration de la période triennale. Or, un congé donné pour l’échéance contractuelle n’équivaut pas à un congé donné pour l’échéance triennale, même si la date d’échéance du bail correspond à l’expiration d’une période triennale.

Le congé donné pour l’échéance contractuelle est régi par les dispositions de l’article 145-9 du Code commerce, lequel ne prévoit que la signification par acte extrajudiciaire. Il est de même pour le congé donné en cours de tacite prolongation.

L’apport principal du décret publié le 13 mars 2016 est d’instituer un article R 145-38 du C

ode de commerce qui distingue deux dates pour l’appréciation des délais légaux :

–    à l’égard de celui qui y procède : la date de notification est celle de l’expédition de la lettre,
–    à l’égard de celui à qui elle est faite : la date est celle de la date de première présentation de la lettre.

La date de l’expédition en cause est celle figurant sur le cachet du bureau de poste d’envoi. La date de remise est celle de la première présentation par la poste à la bonne adresse et non la date du récépissé ou de l’émargement.

L’objectif du législateur est d’éviter d’anéantir les effets de la notification par lettre recommandée par le jeu du destinataire qui s’abstiendrait volontairement de retirer le recommandé auprès des services postaux.

Rappelons que ces dispositions sont dans la lignée de la jurisprudence de la Cour de cassation en matière de notification de mémoire préalable par lettre recommandée : la cour de cassation avait admis que « la formalité de notification (…) est remplie lorsque son destinataire est à même de retirer la lettre recommandée présentée à son domicile », la remise effective n’étant pas une condition nécessaire (Cass. civ. 3e, 16 octobre 2013 n°12-20.103)

Si les précisions apportées par le décret confèrent d’avantage de sécurité juridique, le recours à la lettre recommandée AR demeure toutefois risqué car le destinataire n’a donc pas nécessairement été informé des termes du courrier.

C’est pourquoi le décret prévoit à tout le moins que lorsque la lettre n’a pas pu être présentée à son destinataire, la démarche doit être renouvelée par acte extrajudiciaire.

Ceci implique qu’il ne faut pas notifier au dernier moment pour avoir le temps de signifier par exploit d’huissier au retour du courrier recommandé non réceptionné par le bailleur (courrier qui ne revient en principe à l’expéditeur qu’après environ 15 jours).

Par ailleurs, le preneur devra être particulièrement vigilent à respecter les formes éventuellement prescrites, notamment les mentions obligatoires prévues à peine de nullité pour les demandes de renouvellement.

En conclusion, le législateur a sans doute atteint le but poursuivi d’alléger les charges et obligations des commerçants en permettant dans certains cas le recours à la lettre recommandée.

Il est beaucoup moins évident que le recours à la lettre recommandée constitue une simplification, si l’on en croit la succession de dispositions règlementaires intervenues depuis 2014 et les risques qu’elle présente. Le preneur qui souhaite y recourir devra donc être particulièrement avisé.

Nous vous invitons à lire ici notre page sur la gestion du renouvellement du bail.

La pratique des professionnels devrait maintenir le recours à l’acte extrajudiciaire. C’est le prix de la sécurité juridique.

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