
Indemnité d’éviction accessoires et âge du locataire
En matière d’éviction, et notamment s’agissant des frais de remploi, il est maintenant acquis qu’il appartient au bailleur de prouver que le preneur ne se réinstallera pas pour que ceux-ci ne soient pas dus. Quid lorsque le preneur est âgé de 80 ans ?!?
L’indemnité d’éviction comprend deux principales composantes.
L’indemnité principale : Il s’agit soit d’une indemnité de remplacement lorsque le fonds de commerce est amené à disparaître, soit d’une indemnité de déplacement lorsque le fonds peut être déplacé.
Les indemnités accessoires : Au-delà de la seule indemnité d’éviction principale, il existe dans certains cas, des indemnités accessoires telles que l’indemnité de remplacement ou l’indemnité de déplacement.
Ces deux composantes résultent de l’article 145-14 du code de commerce qui dispose :
« Le bailleur peut refuser le renouvellement du bail. Toutefois, le bailleur doit, sauf exceptions prévues aux articles L. 145-17 et suivants, payer au locataire évincé une indemnité dite d’éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement.
Cette indemnité comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre ».
Les termes « sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre » posent en fait une présomption de perte de fonds, et il appartient au bailleur de démontrer que le fonds est transférable, l’indemnité pour déplacement étant généralement moins importante que l’indemnité pour perte de fonds.
Cela étant, et dans les deux cas, le juge doit également fixer les indemnités accessoires, et notamment les frais de réinstallation.
En effet, depuis un arrêt du 21 mars 2007 de la Cour de cassation (arrêt Monoprix), la position constamment suivie de la jurisprudence est la suivante :
« Mais attendu, d’une part, que la cour d’appel a exactement retenu que le locataire n’avait pas à supporter les frais d’une réinstallation coûteuse à proportion du degré d’amortissement des investissements qu’il abandonnait par la contrainte et qu’il convenait de tenir compte de ces frais de réinstallation pour évaluer le préjudice subi par le locataire évincé tant dans l’hypothèse du remplacement du fonds de commerce que dans celle de son déplacement ;
Attendu, d’autre part, qu’ayant relevé que les nouveaux locaux acquis par la société Monoprix pour transférer son fonds de commerce lui avaient été livrés sans aucun aménagement et qu’il était indispensable pour elle de les adapter à son activité, la cour d’appel en a déduit que la société Sophia devait supporter une partie de ces travaux d’aménagement qu’elle a souverainement fixée » (Cass. 3e civ., 21 mars 2007, n° 06-10780).
On sait que la jurisprudence constante considère que le seul moyen pour le bailleur, d’échapper au paiement d’une indemnité au titre des indemnités accessoires, est de démontrer une absence de réinstallation (pour illustration : Cass., 3ème civ, 12 janvier 2017, n° 15-25939).
Dans cette décision en date du 13 février 2025, le bailleur tentait de dénier le droit du preneur, personne physique, de percevoir les indemnités accessoires et ce, au regard de son âge.
En effet, le preneur était âgé de 80 ans, ce qui aurait pu laisser supposer qu’il ne se réinstallerait pas.
Toutefois, le tribunal a suivi la position de la Haute juridiction, en considérant qu’à défaut pour le bailleur, de rapporter la preuve de la non-réinstallation du preneur, les indemnités accessoires restaient dues :
« Sur les indemnités accessoires
Le fait que l’indemnité d’éviction prenne le caractère d’une indemnité de remplacement ne fait pas obstacle à l’appréciation des indemnités dites accessoires que subit le preneur évincé du fait de l’éviction.
La bailleresse s’oppose à l’allocation de toutes indemnités accessoires hormis une indemnité pour couvrir les frais déménagement, faisant soutenir que du fait de son âge, M. [X] ne se réinstallera pas.
Il convient de rappeler que c’est au bailleur de rapporter la preuve que le preneur ne se réinstallera pas, preuve qui n’est pas rapportée en l’espèce puisque M. [X] n’a à ce jour pas fait valoir ses droits à la retraite et que bien qu’âgée de plus de 80 ans, il exploite actuellement son fonds de commerce, ce qui démontre contrairement à ce qu’il est soutenu que l’âge n’est pas un obstacle irrémédiable à l’exploitation d’un fonds de commerce et partant, à une réinstallation ».
Ces questions ne se posent certes pas lorsque le gérant d’une société est âgé, puisque la société ne peut être qualifiée de « âgée », sauf à se référer à sa date de création sur son Kbis.
Tribunal judiciaire, Paris, 18e chambre, 1re section, 13 Février 2025 – n° 17/11459
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