concurrence déloyale

L’indemnisation du préjudice subi en concurrence déloyale par l’appréciation du manque à gagner

Dans un arrêt du 2 avril 2025, la Cour d’appel de Paris s’est prononcée sur l’évaluation du préjudice économique résultant d’actes de concurrence déloyale par la prise en considération du manque à gagner.

Dans le cadre de cette affaire opposant deux grands acteurs du marché de la literie, la société TEDIBER reproche à la société EMMA d’avoir mis en place à partir de 2018 une politique commerciale trompeuse et déloyale reposant sur des promotions présentées comme temporaires mais qui, étant systématiquement renouvelées, sont en réalité des promotions permanentes. 

Alors que la Cour d’appel de Paris a reconnu la matérialité des faits reprochés, cet arrêt soulève la problématique de la quantification du préjudice résultant d’actes de concurrence déloyale du fait de pratiques commerciales trompeuses.  

La société TEDIBER soutient qu’elle a subi nécessairement un préjudice économique du fait des pratiques commerciales déloyales dès lors que, celles-ci visent, en altérant le comportement économique du consommateur, à capter indûment des clients, ce qui se traduit par la réalisation par l’opérateur fautif d’un chiffre d’affaires qu’il n’aurait pas réalisé s’il avait été loyal. Elle invoque que la réparation intégrale du dommage se calcule par la différence entre la situation dite « contrefactuelle » de la victime (qui aurait été en l’absence de faute) et sa situation dite « réelle » ou « factuelle » (consécutive à la faute).  

Traditionnellement, la Cour de cassation opère une distinction selon les actes de concurrence déloyale par parasitisme ou par désorganisation de l’entreprise, dont le préjudice peut être, dans les deux cas aisément démontré en se traduisant par des pertes directement subies par l’entreprise concurrencée, et les actes de concurrence déloyale par manquement à la loi, dont la manifestation se matérialise par l’octroi d’un « avantage concurrentiel indu dont les effets, en termes de trouble économique, sont difficiles à quantifier avec les éléments de preuve disponibles, sauf à engager des dépenses disproportionnées au regard des intérêts en jeu ». En présence d’actes de concurrence déloyale par manquement à la loi, la Cour de cassation en sa chambre commerciale, a considéré qu’ «  il y a lieu d’admettre que la réparation du préjudice subi peut être évaluée en prenant en considération l’avantage indu que  s’est octroyé l’auteur des actes de concurrence déloyale, au détriment de ses concurrents, modulé à proportion des volumes d’affaires respectifs des parties affectés par ces actes » (Cass. com., 12 février 2020, n° 17-31.614). 

Dans ce cas, afin de faciliter la quantification du trouble économique, la réparation du préjudice est évaluée par la Cour de cassation, en prenant en considération l’avantage indu que s’est octroyé l’auteur des actes de concurrence déloyale, au détriment de ses concurrents, modulé à proportion des volumes d’affaires respectifs des parties affectés par ces actes. 

Or, dans le cadre de l’affaire opposant EMMA à TEDIBER, la Cour d’appel de Paris propose une méthode de quantification du préjudice distincte et a entendu l’argumentaire de la société TEDIBER, selon lequel « la croissance du nombre de ses visiteurs aurait été beaucoup plus importante en l’absence des pratiques relevées, alors que le marché du « bed in box » était en pleine croissance et qu’elle bénéficiait d’une excellente réputation ». 

Ce faisant, la Cour d’appel de Paris admet que « le préjudice résultant des pratiques de la société EMMA pour la société TEDIBER s’analyse en un manque à gagner et non en une perte de chance. Le consommateur étant amené à penser, à tort, que la société EMMA propose des offres mieux-disantes que celles de ses concurrents, ce qui altère substantiellement son comportement à l’achat sur un marché exclusivement en ligne très sensible au prix, son choix se portera sur les produits EMMA plutôt que sur ceux proposés par les concurrents, ce qui a nécessairement un impact sur les ventes, et donc la marge, réalisées par ceux-ci, parmi lesquels la société TEDIBER ». 

Dès lors,  pour quantifier le préjudice subi, la Cour d’appel de Paris va tenir compte de l’étude menée par TEDIBER visant à mettre en avant que sur la période considérée, d’une part, la croissance des visiteurs du site TEDIBER a été beaucoup moins importante que ce qu’elle aurait dû être, parce que les internautes sont attirés par les fausses promotions d’EMMA et que, d’autre part, le taux de conversion des visiteurs du site TEDIBER a chuté drastiquement sur la période considérée, ce qui a causé à TEDIBER un préjudice de manque à gagner.  

Dans cette affaire, la Cour d’appel de PARIS rappelle que la réparation du préjudice économique résultant d’actes de concurrence déloyale doit rétablir, aussi exactement que possible, l’équilibre concurrentiel détruit par le comportement fautif et replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l’acte dommageable n’avait pas eu lieu. Pour déterminer cette réparation, il est « loisible à la victime des actes de concurrence déloyale de proposer une méthode contrefactuelle consistant à tenter de reconstituer la situation économique qui aurait été en l’absence des pratiques litigieuses », et en tire la conséquence qu’elle dispose des éléments nécessaires lui permettant d’évaluer le gain manqué subi par la société TEDIBER résultant des pratiques trompeuses mises en œuvre par la société Emma.  

 

Ainsi, en ne faisant pas application de la méthode de quantification du préjudice établie par la jurisprudence de la Cour de cassation du 12 février 2020, reposant sur la prise en considération de l’avantage indu, la Cour d’appel de Paris, propose une méthode de quantification du préjudice économique innovante, par la prise en compte d’un scenario contrefactuel basé sur le manque à gagner. 

 

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