Abus de position dominante par dénigrement dans le secteur pharmaceutique

La Cour de cassation précise les critères du dénigrement constitutif d’un abus de position dominante

Dans l’Affaire Lucentis/Avastin, La Chambre commerciale vient de rendre un arrêt intéressant qui redéfinit les contours du dénigrement constitutif d’un abus de position dominante.

Le contexte de cet arrêt est celui d’une concurrence atypique. D’un côté, le Lucentis, qui dispose d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) pour traiter la Dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) ,  commercialisé par Novartis a un prix élevé; de l’autre, l’Avastin, utilisé hors AMM,  commercialisé par le laboratoire Roche, également dans le traitement de la DMLA mais à un coût radicalement inférieur.

Les deux laboratoires disposent de liens capitalistiques et contractuels forts entre eux, ainsi qu’avec Genentech, le développeur des deux molécules concernées.

En 2020, à l’issue de son enquête, Autorité de la concurrence, prend une décision de sanction pour abus de position dominante collective et dénigrement.

Cependant, la Cour d’appel de Paris n’avait pas suivi l’Autorité estimant que les discours des laboratoires n’étaient pas dénigrants, leur reprochant une communication alarmiste, dénigrante et trompeuse au sujet de l’Avastin auprès de autorités publiques et des professionnels de santé.

L’Autorité de la Concurrence avait alors formé  un pourvoi devant la Cour de cassation qui aboutit à cet arrêt qui offre des enseignements utiles sur l’appréhension de la concurrence potentielle (I) sur la notion de position dominante collective au regard l’importance des liens capitalistiques et contractuels des entités concernées (II), et enfin point central de l’arrêt sur la notion d’abus par dénigrement (III).

Sur la notion de concurrence potentielle

La Cour de cassation commence rappelle une régie de portée générale concernant l’examen des conditions de concurrence, à savoir qu’il importe peu que les entreprises concernées se trouvent dans lin rapport de concurrence effectif, mais qu’il convient d’appréhender la situation de concurrence potentielle.

La Cour d’appel avait écarté la situation de concurrence après 2011 en raison d’une interdiction légale de prescription en dehors d’une autorisation de mise sur le marché.

Cependant la Cour de cassation censure considérant qu’il fallait rechercher s’il subsistait des possibilités réelles et concrètes « pour que l’Avastin concurrence le Lucentis, malgré l’obstacle légal.

Sur la position dominante collective

Une position dominante collective peut être établie dès lors que des entreprises ont ensemble le pouvoir d’adopter une même ligne d’action sur le marché et d’agir  indépendamment des autres concurrents, de leur clientèle et des consommateurs.

Sur ce point, la Cour de cassation estime que la Cour d’appel n’a pas suffisamment analysé les liens capitalistiques et contractuels unissant Novartis, Roche et Genentech.

Les trois laboratoires – Novartis, Roche et Genentech – doivent être regardés comme formant une « entité collective » au sens du droit de la concurrence, compte tenu de leurs liens capitalistiques et contractuels : en particulier, les contrats de licence liant, d’une part, Genentech et Novartîs pour la commercialisation du Lucentis el, d’autre part, Genentech et Roche pour la commercialisation de l’Avastin

Or, il apparait bien que. sur le marché du traitement de la DMLA, celte entité collective occupe une position dominante en raison des parts de marché cumulées et des spécificités du secteur en cause.

Sur l’Appréciation du dénigrement constitutif d’un abus

C’est sur ce point que ce situe l’apport le plus important de l’arrêt.

Le comportement en cause était la diffusion par les trois entreprises de discours alarmistes sur les risques liés à l’utilisation de l’Avastin en ophtalmologie auprès des autorités publiques et des professionnels de santé. La Cour d’appel avait validé le discours des laboratoires au nom de la liberté d’expression et du débat d’intérêt général sur la santé publique.

La Cour de cassation balaye cet argument rappelant que le discours d’une entreprise dominante, même sur un sujet d’intérêt général, peut constituer un abus.  Elle énonce clairement qu’un discours, même reposant sur des faits, constitue un abus dès lors qu’il recourt à des moyens « différents de ceux qui gouvernent la concurrence par les mérites » et qu’il vise à évincer un concurrent.

La Cour rappelle que le comportement doit être analyse à l’aune de l’article 102 TFUE seulement et non sous le prisme de la liberté d’expression consacrée par la CESDH .

La Cour se réfère à une approche « par les effets », consacrée par l’arrêt Super League de la CJUE, et considère que la fourniture d’informations trompeuses aux autorités administratives ainsi que l’usage de procédures réglementaires de façon à empêcher ou rendre plus difficile l’entrée de concurrents sur le marché, en l’absence de motifs tenant à la défense des intérêts légitimes, constituent des éléments pertinents pour établir si une pratique s’écarte de la concurrence par les mérites, souligne la Cour de cassation.

Implications Pratiques :

  1. Fin de l’immunité du « débat d’intérêt général »: La finalité anticoncurrentielle d’une communication est le critère déterminant.
  2. Approche économique renforcée: L’analyse « par les effets » est désormais la norme. Une pratique est abusive si elle nuit à une concurrence saine.
  3. Vigilance accrue pour les entreprises dominantes sur toute communication concernant des concurrents (directs ou potentiels), même si le discours est factuellement exact.

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