La modification substantielle des conditions commerciales de distribution de produits par le fournisseur constitue un préjudice réparable pour le distributeur exclusif. (Juillet 2015)
Un distributeur considérait qu’une exclusivité de vente de produits de protection anti-bruit lui avait été accordée par le fournisseur de ces produits. Après 17 années de relations commerciales, le fournisseur décide d’organiser un réseau de distribution sélective pour la distribution des produits concernés et propose au distributeur de devenir un des distributeurs spécialisés du réseau.
Considérant que les conditions commerciales de distribution des produits avaient été soudainement et substantiellement modifiées, le distributeur assigne le fournisseur en réparation du préjudice subi de ce fait.
La Cour d’appel de Paris, dans un arrêt en date du 6 mai 2015, confirme le jugement rendu par le Tribunal de commerce ayant condamné le fournisseur à indemniser le distributeur du fait du caractère brutal des modifications des conditions commerciales précédemment entretenues.
Pour ce faire, la Cour d’appel constate dans un premier temps qu’une exclusivité avait été accordée par le fournisseur au distributeur pour la vente des produits. Aucun accord d’exclusivité n’avait été conclu entre les parties. Toutefois, les écrits successifs échangés entre le distributeur et le fournisseur, dans lesquels le fournisseur indique clairement qu’il a accordé une exclusivité de distribution au distributeur, suffisent à caractériser l’exclusivité au profit du distributeur.
Le passage de l’exclusivité à la distribution sélective, associé à une augmentation des prix d’achat des produits par le distributeur, constituent, pour la juridiction, une modification substantielle des conditions commerciales existantes entre les deux sociétés. Cette modification équivaut, toujours selon la Cour, à une volonté du fournisseur de rompre, même partiellement, les relations commerciales antérieures.
De plus, aucun préavis n’avait été respecté par le fournisseur dans le cadre de la modification des conditions commerciales. Eu égard à la durée des relations commerciales entre les parties – d’une durée de 17 années -, la Cour estime qu’un préavis de 24 mois aurait dû être respecté.
Le fournisseur est donc condamné à indemniser le distributeur du préjudice subi, à hauteur de 17.500 euros, cette somme correspondant à la perte de marge totale du distributeur du fait de la commercialisation des produits, soumis à accord exclusif, par d’autres distributeurs.
On s’étonnera cependant du fait que la Cour d’appel ne se soit pas fondée sur la rupture brutale des relations commerciales établies prohibée par l’article L.442-6 I 5° du Code de commerce, alors même qu’elle en avait caractérisé les conditions.
Le distributeur avait par ailleurs assigné son fournisseur sur le fondement de l’abus de dépendance économique, prohibé par l’article L.420-2 du Code de commerce. Comme souvent, faute de preuve de la dépendance économique par la partie lésée, la Cour d’appel a refusé de caractériser un abus du fournisseur ici.
Les fournisseurs, comme les distributeurs, doivent donc, dès lors qu’ils entretiennent des relations commerciales exclusives avec un partenaire et qu’ils souhaitent en modifier les conditions, veiller à respecter un délai de prévenance suffisant, sous peine de voir leur responsabilité engagée. Une indemnisation de la partie lésée ne pourra toutefois être prononcée qu’en cas de préjudice effectivement subi, notamment – comme en l’espèce – du fait d’une perte de marge importante.
Cour d’Appel de Paris, 6 mai 2015, RG n° 13/01886
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Rupture d'une relation commerciale
On peut toujours rompre une relation commerciale, mais la rompre brutalement engage la responsabilité de celui qui est à l’origine de la rupture.
La liberté du commerce implique de pouvoir choisir ses fournisseurs et donc de demeurer ou non client d’un fournisseur.
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