Reprise des engagements et circulation du contrat de franchise

La Cour d'appel de Rennes a rendu un arrêt éclairant sur des points cruciaux du droit des contrats de franchise concernant les modalités de reprise d'un contrat de franchise par une société en formation et la validité de sa transmission dans le cadre d'une TUP du franchiseur.

Dans une décision du 10 juin 2025, la cour d’appel de Rennes (cour d’appel de Rennes, 10 juin 2025, n°24/01837) apporte une nouvelle analyse des modalités de reprise d’un contrat de franchise par une société en formation au moment de sa conclusion. Cet arrêt est également l’occasion pour la cour de se prononcer sur la validité de la transmission d’un contrat de franchise dans le cadre d’une opération de transmission universelle de patrimoine du franchiseur.

Les faits

En juin 2007, la société K. – franchiseur – conclu un contrat de franchise avec la société D. – franchisée – alors en cours de constitution et représentée par Monsieur D. son gérant. Le contrat de franchise est arrivé à terme le 8 juin 2019, après renouvellement.

Dans le cadre de la relation contractuelle, plusieurs avenants et protocoles d’accord transactionnels sont régularisés par les parties. L’un des protocoles, conclu à effet rétroactif au 1er janvier 2014, a notamment pour objet la modification du montant des redevances et le règlement des différends y afférents.

En novembre 2017, la société K. assigne la société D. en référé afin d’obtenir la communication des chiffres de ses ventes en 2015 et en 2016, ainsi que le listing des clients correspondant à ces ventes. Du fait de l’existence de contestations sérieuses, cette demande est rejetée par le juge des référé.

En avril 2018, la société K. est absorbée par la société L. par transmission universelle de patrimoine, celle-ci prendra le nom de société K.

En avril 2023, la société K., estimant que le franchisé avait gravement manqué à ses obligations contractuelles, l’assigne devant le tribunal de commerce de Rennes afin d’obtenir le paiement de dommages et intérêts et la communication de chiffres de vente et listes de client correspondants.

Par jugement du 21 mars 2024, le tribunal a fait droit en partie aux demandes du franchiseur.

La société D. a donc fait appel de la décision.

A l’appui de son appel, la société D. soutient notamment que le contrat de franchise serait nul (1), et qu’elle n’aurait pas accepté sa transmission dans le cadre de la transmission universelle du patrimoine intervenue en avril 2018 (2).

Sur les modalités de reprise d’un contrat de franchise par une société en formation

La société D. fait valoir que le contrat de franchise serait nul car il a été signé par une société en cours de constitution.

Il convient de rappeler qu’en principe une société n’acquiert la personnalité morale qu’au moment de son immatriculation (article 1842 du Code civil). Les engagements souscrits par une personne physique au nom et pour le compte d’une société en formation ne peuvent être repris par cette dernière que sous certaines conditions.

Ainsi, pour que la reprise ait lieu, il faut en principe :

  • que la personne physique ait indiqué agir pour le compte de la société en formation avec mention des renseignements permettant de l’identifier ;
  • qu’un état des engagements pris soit annexé aux statuts avec l’indication pour chacun d’eux des obligations en résultant pour la société, ou qu’une décision prise à la majorité́ des associés après l’immatriculation de la société́ décide de la reprise des engagements (article 6 du décret n° 78-704 du 3 juillet 1978).

Sur la première condition, la Cour de cassation a admis que le juge puisse analyser l’intention des parties pour savoir si elles souhaitaient que la société créée postérieurement reprenne bien l’acte signé, lorsqu’il n’est pas expressément indiqué que le signataire a agi pour le compte de la société en formation (Cass. com., 29 nov. 2023, n° 22-12865, n° 22-18295 et n° 22-21623 Cass. com., 9 oct. 2024, n° 23-12.401 ; Cass. civ. 3ème, 17 oct. 2024, n° 22-21.616 ; Cass. com., 6 nov. 2024, n° 23-20089).

En l’espèce, si la cour relève que le contrat a été signé par la société D. en cours de constitution, elle ne fait pas application des critères ci-dessus.

La cour relève que :

  • l’avenant n°2 au contrat a été signé par le franchiseur et la société D. régulièrement immatriculée, et qu’il fait référence au contrat de franchise et en modifie l’article 5 ;
  • l’avenant n°4 au contrat a été signé par le franchisé et la société D., il fait référence au contrat de franchise et en modifie les modalités de calcul des redevances.

Elle conclut, au regard de ces éléments que la société D. une fois constituée à entendu prendre à son compte le contrat de franchise, et qu’il n’y a donc pas lieu d’examiner une éventuelle nullité dès lors que la société D. s’est régulièrement engagée au contrat par la suite.

La cour semble ainsi interpréter la signature des avenants comme un indice témoignant de la volonté des parties que la société D. reprenne les engagements du contrat à son compte. Cette analyse s’inscrit dans le mouvement d’assouplissement de la jurisprudence quant aux exigences de formes initialement imposées à cet égard.

Pour autant, malgré cet assouplissement, il apparait que les juridictions continuent d’exiger que l’acte passé pour le compte de la société en formation soit expressément repris par la société dans les formes de l’article 6 du décret n° 78-704 du 3 juillet 1978 (Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 30 mars 2023, 21-25.920 ; Cour d’appel de Paris 1er février 2023, n° 21/02674).

La cour ne fait, en l’espèce, toutefois pas application de cette dernière condition.

Sur la validité de la transmission d’un contrat de franchise dans le cadre d’une transmission universelle de patrimoine

La société D. fait valoir que son contrat aurait été transmis à un nouveau franchiseur à la suite d’une opération de fusion avec transmission universelle du patrimoine sans son accord, et que par conséquent, cette transmission ne serait pas valable.

La cour rappelle que si, en principe, le contrat de franchise conclu en considération de la personne du franchiseur ne peut être transmis par fusion-absorption à une société tierce qu’avec l’accord du franchisé, les parties peuvent conventionnellement choisir d’opter pour sa transmissibilité en cas d’opération de restructuration concernant celui-ci.

Une telle clause a pour effet de recueillir par anticipation l’accord du franchisé à ce que le franchiseur fasse l’objet d’une opération de restructuration type fusion, apport partiel d’actif, ou scission.

Or, en l’occurrence, le contrat prévoyait la liberté pour le franchiseur de modifier sa structure financière. Il stipulait à cet effet qu’en cas de modification de sa structure juridique, la nouvelles entité se substituerait à l’ancienne pour tous les droits et obligations stipulés au contrat, et que les changements intervenus seraient opposables au franchisé.

La cour relève en outre l’existence de clauses contractuelles restreignant la liberté du franchisé en matière de restructuration. Elle interprète cette différence d’intuitu personae attaché au franchiseur et attaché au franchisé, comme une volonté pour les parties de laisser une plus grande liberté de restructuration au franchiseur qu’au franchisé.

La cour en déduit que le fait que la société franchiseur ait été restructurée à travers une opération de fusion avec transmission universelle du patrimoine ne constitue pas un manquement à ses obligations. Par conséquent, le contrat a été valablement transmis dans le cadre de cette opération.

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