Application de l’interdiction de revente à perte aux relations centrale d’achat/détaillants

Par un arrêt en date du 22 novembre 2017, la Cour de cassation se prononce sur l’application de l’interdiction de la revente à perte aux relations entre une centrale d’achat et des détaillants.  

L’arrêt met en scène deux centrales d’achat opérant dans le secteur de l’optique – la société Club Opticlibre et la société Alliance – qui ont pour activité d’acquérir sur la base de conditions commerciales négociées avec les fournisseurs, des produits qu’elles revendent ensuite à leurs adhérents, des opticiens indépendants.  

La société Club Opticlibre reprochait à la société Alliance de revendre les produits à ses adhérents à un prix inférieur auquel elle l’avait acquis auprès de leur grossiste. Elle l’a donc assignée en paiement de dommages et intérêts, sur le fondement de l’interdiction de la revente à perte telle que prévue par l’article L442-2 du code de commerce.  

La société Alliance quant à elle invoquait le fait que cette disposition légale ne lui était pas applicable pour deux raisons.  

La première raison invoquée tenait au fait que l’article L 442-2 du code de commerce interdisant la revente à perte, serait contraire à la directive européenne 2005/29 sur les pratiques commerciales déloyales.  

En effet, cette directive s’oppose à toute disposition nationale qui prévoit l’interdiction « per se » d’une pratique commerciale.  

Selon la directive, la pratique doit s’apprécier concrètement au regard de son caractère éventuellement déloyal à l’égard des consommateurs.  

La société Alliance soutenait donc que dans la mesure où l’article L442-2 prévoit une interdiction per se de la revente à perte, il est contraire à la directive 2005/29 et ne peut donc pas s’appliquer. 

La Cour de cassation rejette cet argument. Elle relève que la directive s’applique aux pratiques des entreprises vis-à-vis des consommateurs, et non pas aux pratiques commerciales entre une centrale d’achat et des détaillants.  

Selon la Cour de cassation, l’interdiction per se prévue par l’article L442-2 du code de commerce trouve donc à s’appliquer aux transactions conclues entre professionnels.  

Deuxièmement, pour échapper à l’interdiction de revente à perte, la société Alliance invoque le bénéfice de l’abaissement du seuil de revente à perte prévu par le code de commerce pour les grossistes.   

Or, la Cour de cassation refuse d’octroyer le bénéfice de cet abattement à la société Alliance dans la mesure où elle ne remplissait pas les conditions pour être qualifiée de grossiste : en effet, 

  • Si elle avait bien une activité de distribution de produits à des professionnels exerçant une activité de revendeur au détail / prestataire de services final,   
     
  • Elle ne disposait en revanche pas de l’indépendance exigée par l’article L442-2.  

La Cour a relevé en effet que les conditions générales d’adhésion et de vente de la société Alliance faisaient peser différentes obligations à la charge de l’adhérent, renforçant les liens existant entre celui-ci et la centrale et dépassant celles existant entre un grossiste et son client.  

Une centrale d‘achat n’est donc pas un grossiste, du moins au sens de la réglementation relative à la revente à perte.  

Le fait pour une centrale d’achat de revendre ses produits à perte à ses détaillants est bien constitutif d’une restriction de concurrence au sens de l’article L. 442-2 du code de commerce. 

Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 22 novembre 2017, 16-18.028 16-18.124

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