
Droit à indemnité de fin de contrat pour l'agent commercial personne morale en cas du décès de son associé-gérant unique
L’agent commercial personne morale bénéficie du droit à indemnité de fin de contrat du fait de l’impossibilité de poursuivre son activité en raison du décès de son associé-gérant unique.
Si l’agent commercial a droit à une indemnité de fin de contrat (article L.134-12 du Code de commerce, 1er alinéa), il perd ce droit lorsque la cessation du contrat résulte de son initiative, à moins que cette cessation ne soit justifiée par des circonstances imputables au mandant ou dues à l’âge, l’infirmité ou la maladie de l’agent commercial, par suite desquels la poursuite de son activité ne peut plus être raisonnablement exigée.
En outre, les ayants droit de l’agent commercial bénéficient également du droit à indemnité lorsque la cessation du contrat est due au décès de l’agent (article L.134-12, 3° du Code de commerce).
Alors que les dispositions de l’article L.134-13 2° du Code de commerce ne semblent applicables qu’aux seuls agents commerciaux personnes physiques, la Cour d’appel d’Aix en Provence a confirmé dans son arrêt du 21 décembre 2017 (CA Aix en Provence, 21 décembre 2017, n°17/00924) un jugement ayant fait application de ces dispositions au profit d’un agent commercial personne morale.
Dans cet arrêt, une personne physique conclut un contrat d’agence commerciale pour la représentation d’un mandant, et fait ensuite apport du droit de présentation de sa clientèle à une société à responsabilité limitée, dont elle est le gérant et le seul associé. La société unipersonnelle est alors réputée être l’agent commercial, sans que cela ne soit contesté par aucune des parties.
Au décès de l’associé-gérant, l’agent commercial, représentée par un administrateur provisoire, assigne le mandant en paiement de l’indemnité de fin de contrat, sur le fondement de l’article L.134-13 2° du Code de commerce, en faisant valoir que le décès de l’associé unique a empêché la poursuite de son activité.
Condamné en premier instance à payer l’indemnité de fin de contrat sur le fondement de l’article L.134-13 2° du Code de commerce, le mandant interjette appel de la décision en faisant notamment valoir que tant l’article L.134-12 3° que l’article L.134-13 2° du Code de commerce étaient inapplicables en l’espèce, dès lors que l’agent commercial n’était pas une personne physique, mais une personne morale, laquelle ne peut pas décéder, pas plus qu’elle ne peut être atteinte d’infirmité, de maladie, ou être atteinte par un âge avancé.
La Cour observe tout d’abord que « à partir du moment où le législateur n’a pas entendu réserver un sort différent à l’agent commercial personne morale et à l’agent commercial personne physique, il convient d’appliquer les textes les concernant de manière équivalente, et ce d’autant plus que dans le cas présent l’agent commercial est une EURL société unipersonnelle ».
Elle observe ensuite que du fait du caractère unipersonnel de la société, qui implique qu’il n’y ait qu’un seul gérant et qu’un seul associé, la société n’est plus en mesure d’exercer son activité en cas de décès de ce dernier.
Enfin, elle juge que « l’objectivité commande, par suite, de constater que si l’EURL est juridiquement l’agent commercial dans le cadre de la relation contractuelle, cette activité est en pratique exercée par le gérant et associé unique », de sorte que, compte tenu du caractère unipersonnel de la société, le décès de l’associé gérant entraînait de fait « l’impossibilité de poursuivre l’activité ».
La Cour confirme en conséquence le jugement de première instance ayant octroyé une indemnité à l’agent commercial sur le fondement de l’article L.134-13 2° du Code de commerce.
D’un point de vue strictement juridique, le raisonnement de la Cour est fragile.
En effet, l’article L.134-12 du Code de commerce précise que l’indemnité n’est due que lorsque la poursuite de l’activité de l’agent commercial ne peut plus être exigée du fait de l’âge, de l’infirmité ou de la maladie de l’agent commercial.
Le décès de l’agent, et a fortiori celui de son associé-gérant unique, ne fait donc pas partie des cas qui ouvrent droit à indemnité, quand bien même ce décès ne permet plus la poursuite de l’activité de l’agent commercial.
En cas de décès de l’agent, il appartient en effet à ses ayants droits et non pas à l’agent lui-même (lequel ne peut plus agir du fait de son décès) de solliciter l’application de l’article L.134-12 3° du Code de commerce.
Mais c’était ici impossible car l’agent commercial n’était pas décédé, et que l’action fondée l’article L.134-12 3° du Code de commerce ne peut pas être introduite par l’agent commercial mais par ses seuls ayants droits.
Si l’application de l’article L.134-12 3° n’était pas possible, celle de l’article L.134-13 2° semblait également difficilement envisageable.
Pourtant, niant le fait que le législateur a entendu implicitement réserver les dispositions de l’article L.134-13 2° aux agents commerciaux personnes morales, la Cour juge d’abord qu’elles sont applicables tant aux personnes physiques qu’aux personnes morales au motif qu’il n’est pas expressément indiqué que cet texte est réservé aux seules personnes physiques. Ensuite, une personne morale ne pouvant être atteinte d’infirmité, de maladie, ou être atteinte par un âge avancé, la Cour juge que l’article L.134-13 2° du Code de commerce est applicable en l’espèce, au seul motif que la poursuite de l’activité de l’agent commercial était impossible. La Cour s’est ainsi affranchie de l’une des deux conditions d’application de l’article L.134-12 du Code de commerce.
Elle élargie ainsi le champ d’application de l’article L.134-13 2° du code de commerce, tout agent commercial, qu’il soit personne physique ou morale, pouvant alors solliciter sur ce fondement une indemnité de fin de contrat dès lors que la poursuite de son activité ne peut plus être raisonnablement exigée.
La décision est encore critiquable au motif que, bien que ce n’était semble-t-il pas le cas en l’espèce, l’exploitation de l’activité d’une entreprise unipersonnelle peut être poursuivie, malgré le décès de son associé gérant unique.
La décision de la Cour s’explique donc plus par le fait que l’activité de l’agent commercial reposait exclusivement sur le seul associé gérant unique décédé que par sa qualité d’associé-gérant unique elle-même.
Est-ce à dire qu’un agent commercial aurait droit à une indemnité de fin de contrat dès lors que la personne physique sur laquelle repose seule l’exploitation de l’activité de l’agent commercial, quel que soit son statut, viendrait à décéder ?
Dénaturant les dispositions légales applicables, cette décision traduit une volonté manifeste des juges du fond d’indemniser indirectement les ayants droits de l’agent commercial, compte tenu des circonstances spécifiques de l’espèce, tenant au décès de l’associé-gérant unique de l’agent commercial, qui assurait seul l’exploitation de l’activité de l’agent commercial.
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