Secteur agricole : entente sur les prix

Le 23 mai 2018, l’Autorité de la concurrence a sanctionné le syndicat général des vignerons réunis des Côtes du Rhône pour entente, considérant qu’il n’avait pas la nature d’une organisation professionnelle (ci-après « OP ») ou d’une association d’organisations de producteurs (ci-après « AOP »).

La décision de l’Autorité de la concurrence, sanctionnant le syndicat général des vignerons réunis des Côtes du Rhône (ci-après le « SGVRVR ») pour avoir mis en œuvre une entente anticoncurrentielle intervient quelques jours après la clarification apportée sur les conditions d’application du droit de la concurrence au secteur agricole dans son avis n° 18-A-04 du 3 mai 2018 (voir article « Droit de la concurrence et secteur agricole »).  

Rappelons qu’à l’occasion de sa saisie par le ministre de l’économie et des finances, l’Autorité avait insisté sur le fait que, bien que des dérogations aux règles de concurrence soient tolérées dans le secteur agricole afin de susciter les regroupements de producteurs ou la structuration des filières, sous la forme d’OP ou d’AOP – tous deux considérés comme des moyens pertinents pour remédier aux dysfonctionnements structurels du secteur – le secteur ne peut fonctionner de façon optimale sans les règles de concurrence : le secteur agricole ne peut être perçu comme un espace sans concurrence. 

En l’espèce, l’Autorité de la concurrence a été informée par la DGCCRF de ce que le SGVRVR avait diffusé, entre 2010 et 2017, des consignes tarifaires à ses membres en la forme de grilles de prix minimum relatifs aux vins en vrac AOC des Côtes du Rhône, selon leur couleur (blanc, rosé et rouge), et pour les vins rouges, selon les gammes de produit (« entrée de gamme », « cœur de gamme », et « haut de gamme »).  

Ces consignes tarifaires ont été diffusées par le biais du magazine « Le Vigneron », de réunions de « secteurs » et de newsletters envoyées aux adhérents. L’Autorité a relevé que cette diffusion des prix a été systématiquement assortie d’un discours incitant les vignerons à se référer à ces grilles lors des négociations commerciales.

Le SGVRCDR a fait valoir plusieurs arguments afin de justifier sa pratique. 

1) En premier lieu, le SGVRCDR rappelle la crise traversée par le secteur en 2002 et ses effets. 

Néanmoins, si l’Autorité n’ignore pas le contexte de crise rappelé par le syndicat, elle rappelle que selon une jurisprudence constante qu’il ne ressort, ni des termes de l’article 105, paragraphe 1, du TFUE, ni de la jurisprudence que l’existence d’une crise sur le marché serait de nature à enlever à des ententes sur les prix leur caractère anticoncurrentiel » (arrêt de la Cour de justice du 15 octobre 2002, affaire C-238/99, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a. c/ Commission, point 57).

Conformément à ce principe, les recommandations tarifaires adoptées dans le cadre de filières en crise sont régulièrement sanctionnées (décision du Conseil n° 05-D-10 du 15 mars 2005, relative à des pratiques mises en œuvre sur le marché du chou-fleur de Bretagne, décision du Conseil n° 07-D-16 du 9 mai 2007, relative à des pratiques sur les marchés de la collecte et de la commercialisation des céréales, décision de l’Autorité n° 12-D-08 du 6 mars 2012, relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la production et de la commercialisation des endives). 

2) En deuxième lieu, le syndicat invoque certaines évolutions législatives, réglementaires et jurisprudentielles récentes ou à venir au soutien de sa pratique en ce qu’elles permettent des exceptions aux règles de concurrence concernant le secteur agricole

Le syndicat invoquait ainsi les exceptions expressément prévues par les articles 209 et 210 du règlement n° 1308/2013 du 17 décembre 2013 (« règlement OCM ») à l’application de l’article 101, paragraphe 1, du TFUE concernant les possibilités d’actions en commun ouvertes aux OP et AOP reconnues.   

Or, d’une part l’Autorité relève que ces exceptions ne trouvent pas à s’appliquer à un syndicat de producteurs, qui n’a pas la nature d’une OP ni d’une AOP, structures respectivement constituées à l’initiative de producteurs ou d’organisations de producteurs et qui poursuivent des objectifs principalement économiques. 

Le SGVRCDR ne dispose donc pas des mêmes prérogatives que ces organismes. En outre, quand bien même les OP et AOP peuvent être autorisées à déroger à l’article 101 TFUE, et négocier des conditions contractuelles communes voire un prix commun pour la production de leurs membres, cela ne vaut que sous réserve de respecter certaines conditions, notamment celle de concentrer l’offre et mettre sur le marché la production de leurs membres. En dehors de ce cadre juridique strictement défini, il n’est pas possible de déroger au droit des ententes pour négocier un prix commun.  

Ainsi, si les organisations interprofessionnelles reconnues peuvent diffuser des indicateurs, c’est sous réserve notamment que ces derniers ne s’apparentent pas à des consignes tarifaires.  

D’autre part, l’Autorité de la concurrence considère que si un syndicat professionnel peut diffuser des informations destinées à aider ses membres dans la gestion de leur entreprise, l’aide ainsi apportée ne doit pas exercer d’influence directe ou indirecte sur le libre jeu de la concurrence à l’intérieur de la profession, de quelque manière que ce soit (voir décision n° 16-D-20 du 29 septembre 2016 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des prestations réalisées par les agences de mannequins, paragraphe 235).  

En particulier, les indications données ne doivent pas avoir pour objet ou pouvoir avoir pour effet de détourner les entreprises d’une appréhension directe de leurs propres coûts qui leur permette de déterminer individuellement leur prix de vente.  

Or l’Autorité considère qu’en élaborant et diffusant des consignes générales de prix minimum, le SGVRCDR a incité ses adhérents à se détourner d’une appréhension directe de leur stratégie commerciale leur permettant d’établir leur prix de façon indépendante et a faussé les négociations avec les clients. 

3) En troisième lieu, le syndicat soutient que l’effet des pratiques sur le cours des vins AOC CDR vendu en vrac n’est pas avéré, d’autres facteurs pouvant expliquer la hausse des prix constatée sur la période infractionnelle.

À cet égard, l’Autorité de la concurrence rappelle que l’objet et l’effet anticoncurrentiels d’une pratique sont des conditions alternatives pour l’appréciation de la validité de celle-ci au regard des articles 101 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce. Dès lors que l’objet anticoncurrentiel des pratiques a été démontré en l’espèce, l’Autorité n’est pas tenue de caractériser par surcroît leurs effets

L’Autorité de la concurrence a donc infligé une amende de 20.000 € au syndicat général des vignerons réunis des Côtes du Rhône pour avoir élaboré et diffusé entre 2010 et 2017 des consignes tarifaires à ses membres. 

Avis 18d06 – Autorité de la concurrence.

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Et les ressources sur le même thème : "Contrôles Autorité de la concurrence – DGCCRF"

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