
L’oeuvre se distingue de son support
Une décision de la chambre criminelle de la Cour de cassation apporte une illustration très pratique à ce principe.
L’auteur d’une oeuvre originale bénéficie de la protection prévue au titre des droits d’auteur (article L.111-1 et suivants du Code de la propriété intellectuelle). Ceux-ci se composent de droit patrimoniaux, cessibles, et du droit moral de l’auteur, incessible. Il s’agit d’une prérogative puissante puisqu’elle peut aller jusqu’au droit de repentir et de retrait de l’oeuvre par son auteur, sous réserve notamment d’indemniser l’acheteur de celle-ci. Si la protection offerte par les droits d’auteur permet à un auteur de s’assurer du respect de l’intégrité de son oeuvre, ils ne permettent toutefois pas à l’auteur de faire ce qu’il veut sur celle-ci. C’est ce qu’illustre cette décision.
Dans cette affaire, le barman d’un café-concert lyonnais avait réalisé pour ledit bar une oeuvre apposée sur deux panneaux de bois destinés à recouvrir la vitrine du bar quand celui-ci était fermé. Les droits d’auteur, dont l’existence n’est pas contestée par les juridictions saisies, n’avaient pas été cédés par le barman à l’employeur.
Un litige est survenu avec cet employé, lequel a par la suite été licencié. Dans le contexte de ce litige, ce barman est revenu taguer des dessins complémentaires, peu flatteurs dira-t-on, sur les panneaux qu’il avait déjà peint. Le propriétaire du café a porté plainte et le barman a été poursuivi pour dégradation sur le fondement de l’article 322-1 alinéa 2 du Code pénal. Il faisait valoir pour sa défense que puisque les droits d’auteur n’avaient pas été cédés, il pouvait modifier son oeuvre comme il l’entendait, sans autorisation préalable de son employeur.
La Cour d’appel avait fait droit aux arguments du barman. La Cour de cassation casse cet arrêt rappelant que « la propriété incorporelle définie par l’article L.111-1 du code de la propriété intellectuelle est indépendante de la propriété de l’objet matériel ». L’auteur d’une oeuvre ne dispose pas du droit d’exiger du propriétaire l’objet matériel sa mise à disposition pour l’exercice de ses droits. La Cour d’appel aurait donc du rechercher si le propriétaire de la façade avait donné son autorisation pour l’apposition des nouveaux éléments, indépendamment de savoir s’il disposait des droits d’auteur sur l’oeuvre précédemment apposée. La Cour d’appel avait ainsi violé les articles L.111-3 du code de la propriété intellectuelle, 322-1 alinéa 2 du Code pénal et 544 du code civil. Pour mémoire cet article dispose que « la propriété est le droit de jouir et disposer des éléments de la manière la plus absolue, pourvu qu’on en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements ».
Cet arrêt vient donc illustrer une limite des droits d’auteur. Le titulaire d’un bien sur lequel est apposé une oeuvre peut s’opposer à une modification de celle-ci. Toutefois, la propriété du support ne confère pas les droits d’auteur au propriétaire du support. Ainsi par exemple pour les enseignes, si une oeuvre a été réalisée sur le mur d’un établissement, le propriétaire de l’établissement pourra certes s’opposer à toute modification de celle-ci, mais il ne pourra pas reproduire l’oeuvre pour la diffuser auprès des autres établissements du réseau, que ceux-ci lui appartiennent ou soient des franchisés, sans l’accord express de l’auteur. Il devra pour cela avoir obtenu préalablement une cession de droits d’auteur à son profit.
Il est donc essentiel pour les enseignes de sécuriser leurs droits d’auteur sur l’ensemble des éléments distinctifs qui peuvent être qualifiés d’oeuvres (logo, charte graphique, charte architecturale, photographies, slogans etc.) nécessaires au développement du réseau. Nous rappellerons à cet égard qu’un contrat de cession de droits d’auteur doit être écrit et comporter un certain nombre de précisions et de mentions portant notamment sur l’étendue de la cession opérée, sa durée ou encore les droits cédés.
Découvrez nos services et outils associés

Réseaux de distribution, Concurrence
Maîtriser les droits d'auteurs sur les éléments du concept
La singularité de chaque entreprise et de ses produits ne se limite pas à la marque. Elle tient également à tous les signes distinctifs de l’enseigne et des produits qui participent de l’image de la marque : logos, slogans, agencement et mobilier original..
Il convient de protéger les oeuvres de l'esprit au titre du droit d'auteur pour développer sereinement votre réseau de distribution sur la base de ces éléments.
La singularité de chaque entreprise et de ses produits ne se limite pas à la marque. Elle tient également à tous les signes distinctifs de l’enseigne et des produits qui participent de l’image de la marque : logos, slogans, agencement et mobilier original..
Il convient de protéger les oeuvres de l'esprit au titre du droit d'auteur pour développer sereinement votre réseau de distribution sur la base de ces éléments.
Et les ressources sur le même thème : "Droits d'auteur"
Réseaux de distribution, Concurrence
Les jeux vidéos en ligne ne peuvent être revendus d’occasion
La Cour de cassation a tranché sur la question de l’épuisement du droit de distribution d’un jeu vidéo fourni en ligne.
Réseaux de distribution, Concurrence
Création de réseau, les vérifications à faire en lien avec les droits d’auteur
Bonjour, Bienvenue pour cette nouvelle vidéo relative à la manière dont nous intervenons en pratique auprès de nos clients. Prenons la situation suivante : plusieurs franchisés reçoivent une sommation par acte de commissaire de justice, d’avoir à cesser l’usage du logo et de la charte gra…
Réseaux de distribution, Concurrence
La contrefaçon d’un « Fait d’Hiver »
La décision récente du Tribunal de Grande Instance de Paris rendue dans le cadre d’une affaire de contrefaçon concernant l’artiste Jeff Koons est l’occasion de rappeler quelques principes utiles en matière de droits d’auteur. Ce litige oppose un directeur artistique qui revendique des droits…
Réseaux de distribution, Concurrence
L’appréciation de l’originalité ne peut être globale
Le caractère original de plusieurs photographies doit être apprécié pour chacune d’elles, et pas globalement. Afin de pouvoir agir en contrefaçon de droit d’auteur, il est nécessaire en premier lieu de pouvoir faire la démonstration que l’on est bien l’auteur de l’œuvre concernée, et que la …