COVID 19 : Faut-il payer les charges locatives puisque vous ne payez pas les loyers ?

L’hypothèse est celle où le bail est suspendu temporairement du fait de la force majeure. Le preneur doit-il encore payer les charges ?

La suspension du contrat, due à laforce majeure, n’empêche pas que le contrat suspendu continue de lier les parties. Il a toujours force obligatoire, ce qui force les parties, ou celle qui bénéficie seule de la suspension, à ne rien faire qui pourrait compromettre l’exécution future du contrat. Par exemple le bailleur ne peut pas relouer le bien à un tiers, car il est toujours tenu vis-à-vis du preneur initial. Les parties se doivent toujours une certaine loyauté (Cass. soc., 5 juin 1996 : Bull. civ. 1996, V, n° 231).

Mais le contrat suspendu cesse provisoirement de produire, tout ou partie, de ses effets normaux, la suspension pouvant être partielle. Dans notre cas, il y a suspension de l’obligation de fournir la jouissance d’un local ouvert au public, en contrepartie de la suspension de l’obligation de payer le loyer. 

Mais qu’en est-il des charges ?

1.- On sait que le bail commercial n’est pas régi par la loi du 6 juillet 1989 sur le bail d’habitation, et donc que les charges locatives ne sont pas forcément les mêmes. Avec la loi Pinel du 18 juin 2014, on est passé d’un régime de liberté en matière de charges dans le bail commercial, à un régime de liberté encadrée, mais différent du bail d’habitation.

On peut cependant s’appuyer sur la loi du 6 juillet 1989 (qui constitue en quelque sorte le droit commun du bail d’immeuble) pour en déduire la nature des charges locatives.

Or, aux termes de l’article 23 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, les charges locatives récupérables sont des accessoires au loyer principal.
Dès lors, que la loi les qualifie d’accessoire du loyer, on doit pouvoir en déduire que si le loyer est suspendu , les charges le sont aussi.

En outre, L’article L. 145-40-2 du code de commerce impose, selon son alinéa premier, outre l’établissement d’un inventaire, de préciser dans le bail la répartition des différentes catégories de charges, impôts, taxes ou redevances liés à ce bail entre le bailleur et le locataire : dans le prolongement, l’envoi d’un état récapitulatif annuel adressé par le bailleur au locataire est prévu dans un délai fixé par voie réglementaire.

Corrélativement, le paragraphe 2° du texte légal impose dans un ensemble immobilier comportant plusieurs locataires, que le contrat de location précise la répartition des charges et le coût des travaux entre les différents locataires occupant cet ensemble, en précisant que “cette répartition est fonction de la surface exploitée (…)”.

On s’est naturellement interrogé sur la notion de “surface exploitée”, le projet initial de décret proposant la définition suivante : « la surface exploitée au sens de l’article L. 145-40-2 du Code de commerce, permettant la répartition entre locataires des charges, travaux, impôts, taxes et redevances des parties communes et des parties privatives non vacantes, correspond à la surface visée au bail ou, à défaut de mention expresse dans le bail, à la surface effectivement mise à la disposition du locataire… » ; ceci laissait aux parties la possibilité de déterminer dans le contrat de bail commercial, la surface qui serait prise en compte pour la répartition des charges et à défaut, il s’agissait de la surface effectivement mise à la disposition du locataire, sans qu’une distinction ne soit faite entre les surfaces de vente ou les surfaces de locaux annexes à usage d’entrepôt, dépôt, réserve.

On ne peut manquer de constater qu’en cas de suspension du bail par force majeure, il n’y a plus de surface effectivement exploitée, ce qui justifierait encore la suspension des charges

Enfin, il faut tenir compte aussi de la notion de charges exorbitantes. L’article R. 145-8 du Code de commerce fait obligation, pour déterminer la valeur locative des lieux loués, de prendre en considération “les restrictions à la jouissance des lieux et les obligations incombant normalement au bailleur dont celui-ci se serait déchargé sur le locataire sans contrepartie…”, tandis qu’il convient également de prendre en compte les obligations découlant de la loi dès lors que l’une ou l’autre des parties est tenue de les assumer. Tel est le cas, de la prise en charge par le preneur de l’impôt foncier, dont le paiement incombe légalement au propriétaire des lieux loués, qui a néanmoins la faculté de se décharger de cette obligation conventionnellement : il s’agit alors de ce que l’on qualifie généralement de “charge exorbitante de droit commun”, par référence à l’article R. 145-8 du Code de commerce, dont l’incidence peut être prise en compte pour déterminer la valeur locative des lieux loués en révision ou en renouvellement, selon les critères énoncés par l’article L. 145-33 du Code de commerce.

En d’autres termes, on est face à un supplément de loyer (une charge augmentative du prix), plus qu’à un accessoire du loyer.

A fortiori, si le loyer est suspendu, la charge exorbitante équivalent à un supplément de loyer est suspendue.

Donc, tous ces textes conduisent à suspendre tant les charges accessoires aux loyers, que les charges équivalentes à un supplément de loyers, en cas de suspension du bail par cas de force majeure.

2.- Il reste que la force obligatoire du contrat suspendu demeurant, l’obligation d’exécuter le contrat de bonne foi demeure.

Il ne paraîtrait donc pas déraisonnable de proposer que le preneur supporte les charges simples accessoires du loyer, dès lors qu’il continue d’en profiter.
Par exemple, il continue de profiter des charges d’électricité s’il a des congélateurs remplis de marchandises. Par exemple encore, il continue de profiter des charges de gardiennage s’il a des stocks dans ses locaux fermés, qui doivent être protégés contre le vol ou les destructions. 

Cela peut concerner toute charge dont il souhaite que la contrepartie soit maintenue pendant toute la période de suspension du contrat. Ce point est un point de négociation entre commerçants, enseignes et bailleurs.

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