
L’irrecevabilité de la preuve résultant de l’usage de faux clients
La preuve résultant du recours à de faux clients pour démontrer une violation contractuelle est irrecevable car déloyale.
Le 6 juin 2023, la Cour d’appel de Montpellier a rendu un arrêt dans lequel elle s’est prononcée sur l’irrecevabilité d’une preuve obtenue de manière déloyale.
Une société spécialisée dans la commercialisation d’abris de piscine d’une marque hongroise (ci-après le « Fournisseur » a conclu un contrat de distribution exclusive, portant sur ces produits, avec une société ayant pour activité la vente et l’installation à domicile d’abris de piscine (ci-après le « Distributeur ») sur un territoire défini.
Ce contrat comportait notamment une clause aux termes de laquelle le Distributeur s’engageait à s’approvisionner auprès du Fournisseur pour l’ensemble des produits contractuels, et à ne pas représenter, ni vendre, ni s’approvisionner directement ou indirectement par tout autre marque, revendeur, fabricant des produits contractuels.
Lui reprochant d’une part de ne pas avoir atteint les quotas de vente décidés contractuellement, et d’autre part de commercialiser des produits équivalents aux produits contractuels sur le territoire contractuel, le Fournisseur a mis en demeure le Distributeur d’avoir à respecter ses engagements contractuels, et lui a notifié son intention de se prévaloir de la résiliation anticipée du contrat un mois après que celle-ci soit restée sans effet.
La mise en demeure a été suivie d’une assignation du Fournisseur, devant le Tribunal de commerce de Nîmes, aux fins de voir prononcer la résiliation unilatérale du contrat de distribution aux torts exclusifs du Distributeur, et de condamner ce dernier au paiement de plusieurs sommes au titre du préjudice subi du fait de la cessation du contrat et de la violation de la clause de non-concurrence.
Le Fournisseur, débouté de ses demandes principales par le Tribunal de commerce, interjette appel de cette décision. La Cour d’appel de Nîmes confirme la décision rendue en première instance. Cet arrêt est partiellement cassé et annulé par la Cour de cassation, notamment en ce qu’il déboute le Fournisseur de ses demandes de paiement au titre de ses préjudices résultant de la résiliation anticipée du contrat.
Le litige est porté devant la Cour d’appel de Montpellier désignée comme juridiction de renvoi.
Le Fournisseur pour prouver, devant cette juridiction, que le Distributeur a violé la clause de non-concurrence produit trois bons de commandes – dont l’un est postérieur à la mise en demeure visant la clause résolutoire – desquels il résulte que le Distributeur a procédé à la vente de produits concurrents aux produits contractuels.
Le Distributeur oppose à cette production que les clients à l’origine des bons de commande sont de faux clients ayant été missionnés par le Fournisseur dans le but de le piéger, et que dès lors, ces documents doivent être écartés des débats en tant qu’ils constituent des éléments de preuve obtenus de manière illicite.
La Cour d’appel de Montpellier suit le raisonnement du Distributeur en jugeant que le Fournisseur a eu recours à « un stratagème consistant à faire appel aux services d’un faux client […] ayant suscité l’émission de bons de commande, totalement factices ». Les éléments émanant de ces faux clients ont donc été obtenus de manière déloyale, ce qui rend leur production irrecevable au titre de l’article 9 du Code de procédure civile, de l’article 6§1 de la Convention Européenne de de sauvegarde des Droits de l’Homme, et du principe de loyauté dans l’administration de la preuve.
La Cour d’appel de Montpellier juge en conséquence que les manquements imputés au Distributeur ne se trouvent pas caractérisés au point de justifier la mise en œuvre de la clause résolutoire, elle confirme donc le jugement rendu en première instance par le Tribunal de commerce de Nîmes, et déboute le Fournisseur de ses prétentions.
Par cette décision, la Cour d’appel de Montpellier rappelle l’importance et le caractère impératif de la loyauté de la preuve en contentieux. En l’espèce, les bons de commande ayant été obtenus au terme d’un stratagème réalisé à l’insu du Distributeur ne pouvaient être admis dès lors que celui avait été incité à commettre une faute civile.
Il conviendra, au regard de cette jurisprudence, de porter une attention particulière aux éléments obtenus grâce à l’intervention de « clients mystères » fréquente dans le cadre des contrats de franchise car il n’est pas sûr qu’ils puissent toujours être utilisés pour prouver une faute du franchisé en cas de contentieux.
En effet, s’il est admis que la DGCCRF (Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes) peut avoir recours à ce mode de preuve dans le cadre de ses enquêtes (e.g.enquête sur les garanties des produits électroniques et électroménagers), un tel mode de preuve ne saurait être admis dans le contentieux commercial entre personnes privées s’il ne répond pas au principe de loyauté de la preuve.
Cour d’appel de Montpellier, 6 juin 2023, n°22/05488
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