
Les contours du pouvoir de négociation de l’agent commercial
Le pouvoir de négociation de l’agent commercial peut résulter du fait de s’entretenir avec les clients pour favoriser la conclusion des ventes pour le compte du mandant.
Le 25 mai 2023, la Cour d’appel de Paris a rendu un arrêt venu préciser les critères de qualification de l’agent commercial, notamment au regard de ses missions (Cour d’appel de Paris, 25 mai 2023, n°20/13729).
La société Agence de Vente (ci-après « AVD ») entre en relation commerciale avec la société Reilhe Martin qui la charge de la commercialisation de différentes gammes de volailles, gibiers et viande pour la clientèle de grandes et moyennes surfaces et certains magasins spécialisés. Cette collaboration n’est pas formalisée par un contrat écrit.
La société Reilhe Martin finit par mettre un terme cette collaboration en accordant à la société en charge de la commercialisation des produits un préavis de trois mois.
La société AVD réclame alors à la société Reilhe Martin le paiement de la somme de 6.397 euros à titre d’indemnité de rupture, ce qui correspond à deux ans de commissions, conformément aux dispositions du Code de commerce relatives au statut de l’agent commercial.
La société Reilhe Martin ne déférant pas à cette demande, la société AVD l’assigne alors devant le Tribunal de commerce de Paris en vue d’obtenir le paiement de la somme précitée.
En première instance, la société AVD est déboutée de l’ensemble de ses demandes, elle interjette alors appel de la décision rendue.
La société AVD revendique le statut d’agent commercial au motif qu’elle a eu le mandat de commercialiser au nom et pour le compte de la société Reilhe Martin différentes gammes de volailles, gibiers et viande pour la clientèle de grandes et moyennes surfaces et certains magasins spécialisés sur un territoire composé de neuf départements. Elle considère notamment qu’en recherchant et en fidélisant la clientèle par ses visites, ses relations et la gestion des commandes des clients, celle-ci a agi pour le compte de la société Reilhe Martin. Elle ajoute en outre qu’elle percevait pour cette mission une commission de 3% sur le chiffre d’affaires réalisé.
La société Reilhe Martin, quant à elle réfute cette argumentation. Elle se fonde sur le fait que la société AVD ne justifie pas de son inscription au registre des agents commerciaux, que l’extrait Kbis que celle-ci produit ne fait pas mention de l’activité d’agent commercial, et que la société AVD ne détenait aucun pouvoir de négocier et de conclure des contrats pour son compte. Elle argue que la société AVD n’avait qu’une simple mission de courtier dont la mission était de la mettre en relation avec des clients sans pour autant conclure ni négocier de contrats en son nom et pour son compte.
La Cour d’appel rappelle les trois conditions « nécessaires et suffisantes » – découlant l’article 1er de la directive 86/653/CEE du Conseil du 18 décembre 1986 transposée en droit français par la loi n°91-593 du 25 juin 1991 aux articles L. 134-1 et suivants du code de commerce – qui permettent la qualification de l’agent commercial.
Elle rappelle que pour être qualifié d’agent commercial, une personne doit :
(i) posséder la qualité d’intermédiaire indépendant ;
(ii) être liée contractuellement de façon permanente au commettant ; et
(iii) exercer une activité consistant soit à négociation la vente ou l’achat de marchandises pour le commettant, soit à négocier et à conclure ces opérations pour le compte de celui-ci.
En l’espèce, le débat entre les parties portait sur cette troisième condition et notamment sur le pouvoir de conclure des contrats ou de négocier de la société AVD.
La Cour rappelle qu’il importe peu que l’agent commercial ne conclue pas lui-même les contrats qu’il est chargé de négocier, et que sa mission ne s’entend pas exclusivement du pouvoir de modifier les prix et produits ou services mais consiste à faire en sorte que l’offre du mandant reçoive une acceptation du client. Cela peut être caractérisé par le démarchage de la clientèle, l’orientation de son choix en fonction de ses besoins, sa fidélisation par des actions commerciales, ou encore la valorisation du produit.
La Cour indique notamment que les tâches principales d’un agent commercial consistent à apporter de nouveaux clients et développer les opérations avec les clients existants. L’accomplissement de ces tâches peut être assuré au moyen d’actions d’information et de conseil, ainsi que de discussions, qui sont de nature à favoriser la conclusion de l’opération commerciale pour le compte du commettant, même si l’agent commercial ne dispose pas de la faculté de modifier les prix des marchandises vendues ou des services rendus.
La Cour conclut des pièces versées au débat que la mission de la société AVD consistait à démarcher des magasins sur un territoire déterminé, à s’entretenir avec les clients pour favoriser la conclusion des ventes au profit de la société Reilhe Martin et à prendre leurs commandes les transmettre à cette dernière. Ces actions, selon la juridiction ne peuvent être qualifiées de courtage lequel se borne à la mise en relation entre deux parties.
La Cour infirme donc le jugement rendu par le Tribunal de commerce.
Il résulte de cet arrêt que le pouvoir de négociation de l’agent commercial est appréhendé de manière large par les juridictions. Il apparaît que ce pouvoir découle notamment de l’ensemble des actions positives entreprises par l’agent pour amener à la conclusion des opérations commerciales pour le compte du commettant, dont le fait de s’entretenir avec les clients.
Cour d’appel de Paris, 25 mai 2023, n°20/13729
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