Prévisionnels communiqués par le franchiseur au franchisé
jeudi 5 décembre 2019

Prévisionnels communiqués par le franchiseur au franchisé

Absence de manquement du franchiseur à son obligation d’information précontractuelle malgré la fourniture de comptes prévisionnels.

Dans un arrêt du 24 octobre 2019, la Cour d’appel de Versailles confirme un jugement rendu par le Tribunal de commerce de Versailles, le 24 janvier 2018, qui a débouté un franchisé de sa demande en nullité du contrat de franchise, en raison de l’absence de manquement du franchiseur à son obligation d’information précontractuelle.

En l’espèce, un franchiseur qui exploite un réseau de franchise de restaurants sous l’enseigne « Bistrot du boucher », a remis un document d’information précontractuel (ci-après « DIP ») et des comptes prévisionnels à un candidat.

Seulement sept mois après l’ouverture du restaurant, la société franchisée sera placée sous procédure de redressement judiciaire, ultérieurement convertie en liquidation judiciaire.

La société franchisée assignera le franchiseur en nullité du contrat de franchise en invoquant notamment deux manquements du franchiseur relatifs à son obligation d’information précontractuelle :

- Remise d’un DIP incomplet et erroné ;

- Etablissement de comptes prévisionnels irréalistes et trompeurs.

Concernant la transmission d’informations précontractuelles incomplètes ou erronées dans le DIP, la Cour d’appel rappelle dans un premier temps les dispositions de l’article L.330-3 du Code de commerce :

« Toute personne qui met à la disposition d'une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d'elle un engagement d'exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l'exercice de son activité, est tenue, préalablement à la signature de tout contrat conclu dans l'intérêt commun des deux parties, de fournir à l'autre partie un document donnant des informations sincères, qui lui permette de s'engager en connaissance de cause.

Ce document, dont le contenu est fixé par décret, précise notamment, l'ancienneté et l'expérience de l'entreprise, l'état et les perspectives de développement du marché concerné, l'importance du réseau d'exploitants, la durée, les conditions de renouvellement, de résiliation et de cession du contrat ainsi que le champ des exclusivités. »

La Cour rappelle ensuite que l’état local du marché « ne correspond pas à une analyse du marché (cette analyse incombant au seul franchisé), mais simplement à une présentation générale de la situation locale ».

Ainsi, même si les dispositions du DIP prévoyaient une assistance du franchiseur pour l’étude d’implantation, cela ne signifiait pas pour autant que le franchiseur devait lui-même réaliser une telle étude. Il appartenait au seul franchisé de la réaliser, comme cela était par ailleurs prévu dans le contrat de franchise signé entre les parties.

De plus, la Cour constate que le franchisé avait précisé dans son dossier de candidature le nom de ses concurrents en ajoutant « la concurrence est toujours bonne » ce qui démontre, selon la Cour, qu’il « avait parfaitement conscience de l’impact que pouvait avoir la concurrence sur l’ouverture de son restaurant ». Cette solution est classique : si le franchiseur doit fournir un état du marché, l’étude du marché revient au franchisé.

Compte tenu de ces éléments, la Cour rejette un quelconque manquement de la part du franchiseur à son obligation d’information précontractuelle telle qu’elle résulte du DIP.

Concernant l’établissement par le franchiseur d’un compte prévisionnel irréaliste et trompeur, la Cour rappelle d’abord que le franchiseur n’est pas tenu de fournir un compte prévisionnel. Si néanmoins, il décide d’aller au-delà de son obligation légale et d’en fournit un, il doit alors fournir une information sincère et loyale, à défaut de quoi il engage sa responsabilité.

La Cour relève ensuite que le franchiseur n’a pas remis de comptes prévisionnels mais un « avant-projet » comportant un premier tableau intitulé « investissement prévisionnel et financement » et un second tableau intitulé « hypothèse de compte de résultat » contenant une projection de chiffre d’affaires. Il était indiqué en bas de chacune des pages « document non contractuel à valeur indicative ».

Par ailleurs, le franchiseur avait pris le soin de préciser à son franchisé « de bien tout contrôler » avant de transmettre l’avant-projet à son expert-comptable pour que ce dernier établisse un dossier complet et que ces hypothèses devaient être confirmées ou infirmées par une étude de marché.

Sur la base de ces constatations, la Cour va estimer que cet avant-projet « ne peut en aucune manière constituer un véritable compte de résultat prévisionnel » et que le franchiseur ayant émis toutes les réserves utiles dans son avant-projet, aucune erreur sur la rentabilité ne peut lui être imputée, ni aucune réticence dolosive ou dol.

La Cour adopte ici une position favorable au franchiseur.

Le document transmis comportait bien des comptes complets, comportant des hypothèses de chiffres d’affaires et l’expert-comptable du franchisé n’avait pas augmenté les hypothèses de chiffre d’affaires : les chiffres communiqués par le franchiseur était donc ceux qui avaient pu déterminer le franchisé à conclure le contrat de franchise.

La mention « avant-projet », si elle peut permettre de penser qu’un travail complémentaire était requis pour finaliser ce document, n’est pas de nature à écarter la qualification de comptes prévisionnels. De deux choses l’une, soit le franchiseur transmet des données comptables historiques, et il ne réalise pas de prévisions, transmettant des données objectives et certaines. Soit il transmet des projections, et transmet des états financiers prévisionnels, subjectives et incertaines.

De même, la mention « non contractuelle » ne peut avoir aucune portée : à ce stade de la relation, aucun contrat n’est conclu entre le franchisé et le franchiseur. Le Franchisé reçoit une information précontractuelle. La responsabilité du franchiseur est une responsabilité civile délictuelle. Cette mention n’est pas de nature à l’exonérer de sa responsabilité civile délictuelle. Il est particulièrement curieux que la Cour s’y soit attachée.

Finalement, la Cour retient qu’un franchiseur peut éviter la mise en cause de sa responsabilité dès lors qu’il fait preuve d’assez de réserves dans les documents précontractuels qu’il transmet à son futur franchisé, et ce quand bien même il transmettrait un chiffre d’affaires prévisionnel.

L’on en retiendra qu’il ne nuit pas au franchiseur de mentionner sur les documents précontractuels de nombreuses réserves de lecture pour inciter le franchisé à se renseigner, à procéder à l’examen critique des informations précontractuelles remises, assisté de ses conseils … quitte à faire dire au juge qu’une prévision n’en est pas une … L’on en retiendra qu’il s’agit aussi d’une solution probablement critiquable et qu’il convient de demeurer prudent, la communication de données historiques objectives ne constituant de fait pas des projections incertaines construites par le franchiseur permettant d’assurer à l’enseigne une plus grande sécurité juridique.

CA Versailles, 24 Octobre 2019, n° 18/02778

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