Le champ d’application du déséquilibre significatif est élargi par l’ordonnance du 24 avril 2019
jeudi 17 octobre 2019

Le champ d’application du déséquilibre significatif est élargi par l’ordonnance du 24 avril 2019

Le champ d’application du déséquilibre significatif tel que visé par l’ancien article L.442-6-1 2° du Code de Commerce a été considérablement élargi par l’ordonnance du 24 avril 2019.

Le texte ancien visait tout producteur, commerçant, industriel ou personne, immatriculés au répertoire des métiers, comme auteur du déséquilibre significatif. Le texte issu de l’ordonnance vise toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services. Il en résulte une extension du champ d’application du texte. Un professionnel libéral qui exerce une activité de services est désormais soumis au contrôle du juge portant sur le déséquilibre significatif. Il va falloir que les cabinets d’avocats revoient leurs conditions générales de services !

Le bail commercial devrait rester hors du champ d’application du nouveau texte car la Cour de Cassation s’était fondée uniquement sur le fait que le bailleur n’avait pas une activité de services. Toutefois, certains bailleurs rendent des services de communication lorsque l’on songe aux baux commerciaux négociés dans le cadre de centres commerciaux par les bailleurs institutionnels qui rendent des services donc de communication pour l’ensemble des preneurs.

Il existe une réduction très claire du champ d’application de l’article 1171 du Code Civil, le déséquilibre significatif de droit commun. Les travaux parlementaires de la Loi de ratification de l’ordonnance du 20 avril 2018 sur l’article 1171, précisaient que ceux-ci n’avaient vocation à s’appliquer que si les textes du Code de la Consommation et du Code de Commerce ne s’appliquaient pas. Cela réduit, du fait de cette extension du champ de l’article L.442-6 ancien, bien entendu le champ de l’article 1171. Cela le réduit notamment en rapport de consommateur à consommateur et à quelques autres types de contrats tels que le bail commercial, hors peut-être l’hypothèse des centres que je viens de vous présenter.

Le champ du texte est aussi élargi s’agissant de la victime. Autrefois, on visait le partenaire commercial. Désormais on vise l’autre partie. Ce critère est un critère qui, finalement, est beaucoup moins exigeant. Il a été adopté en réaction à la jurisprudence. La DGCCRF n’a pas caché sa volonté d’éradiquer une jurisprudence notamment de la Cour d’Appel de Paris. Le rapport au Président de la République précisait que le 1° de l’actuel L.442-6 exige que l’auteur de la pratique obtienne un avantage sans contrepartie de son partenaire commercial en exigeant notamment que le partenaire formalise la volonté des parties de construire une relation suivie excluant par là même, toute relation commerciale qui n’aurait pas vocation à être reconduite dans la durée. Donc, cette notion de partenaire commercial devenait gênante pour l’exercice du contrôle. On lui a donc substitué dans la réforme, celle de partie au contrat. C’est un second élargissement du texte.

Ensuite, à quel moment s’apprécie le déséquilibre significatif ?

L’ancien texte ne précisait rien. Le texte nouveau dit que le déséquilibre significatif peut être contrôlé comme pratique restrictive de concurrence lors de la négociation d’un contrat commercial, de la conclusion de ce contrat ou de son exécution. Le gouvernement reconnaît qu’il consacre ici une modification du champ d’application qui est appréhendé traditionnellement plutôt au stade de la négociation et de l’exécution. Il n’y avait pas de moment indiqué précédemment, je vous l’ai dit.

Qu’est-ce que ça veut dire le déséquilibre significatif dans la négociation ? Est-ce que cela concerne toute négociation ? S’agit-il de punir de manière autonome le déséquilibre significatif dans la négociation ? C’est certain et cela va beaucoup plus loin que l’ancien droit puisque cela signifie que l’on va sanctionner la négociation même si elle n’aboutit pas à la conclusion de l’accord. Autrefois, il fallait qu’il y ait conclusion de l’accord pour qu’il y ait déséquilibre significatif.

Mais alors, que devient la condition de soumission ?

Le fait de ne pas avoir consenti à une clause déséquilibrée devrait montrer que l’on n’avait pas été soumis. Il n’y aurait donc alors que tentative de soumission. Mais en droit des contrats, on est libre de conclure ou de ne pas conclure. C’est cette liberté qui justifie d’ailleurs qu’en cas de rupture des pourparlers, même s’il y a faute, on n’indemnise pas les gains manqués du contrat. C’est la célèbre jurisprudence Manoukian. Le risque ici avec le texte nouveau, est que cela ne consacre finalement un accroissement des fautes dans la rupture des pourparlers. Refuser de signer parce qu’on se serait trouvé confronté à des clauses disproportionnées auxquelles l’autre partie ne veut pas se soumettre, deviendrait une faute. Cela pourrait aussi jouer lors de la renégociation comme par exemple la renégociation du prix en cours de contrat ou lors de la renégociation à l’occasion d’un renouvellement de contrat si les conditions juridiques que l’on impose sont plus strictes pour l’autre partie que celles du contrat qui est à renouveler. Il pourrait alors y avoir une responsabilité.

Dans l’exécution, une clause donc équilibrée, si elle a été stipulée que l’une des parties refuse de l’appliquer ou l’applique mal, on fait une interprétation unilatérale à son seul avantage, pourrait devenir finalement une clause sujette au contrôle du déséquilibre significatif. C’est donc moins la clause qui est examinée que la pratique de la clause. On avait déjà été confronté à cela dans le passé avec l’arrêt Provera de la Chambre Commerciale du 3 mars 2015 où, ce qui finalement avait été jugé, était le déréférencement pour raison de sous-performance du produit et donc, ce critère de sous-performance était laissé à l’appréciation du grand distributeur Cora. La Cour de Cassation avait alors affirmé que la sous-performance du produit était directement liée aux conditions dans lesquelles le distributeur le présente à la vente ce que nie le fait qu’elle peut être dû au produit lui-même.
Voilà donc un exemple de déséquilibre significatif dans l’exécution.

On le voit : prévoir le déséquilibre significatif dans l’exécution du contrat permettra désormais au ministre d’intervenir même pour faire constater uniquement l’abus dans l’exécution. On voit que cette réforme consacre à nouveau un champ d’application élargi du déséquilibre significatif et que le ministre pourra engager de nouvelles actions de manière beaucoup plus larges sur ce fondement.

Les pratiques restrictives de concurrence deviennent donc encore plus stratégiques qu’elles ne l’étaient à la faveur de cette réforme du 24 avril 2019.

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