Preuve de la soumission de son cocontractant à des obligations créant un déséquilibre significatif
mardi 2 octobre 2018

Preuve de la soumission de son cocontractant à des obligations créant un déséquilibre significatif

Rejet de l’action d’une partie fondée sur le déséquilibre significatif dès lors qu’elle n’est pas en mesure de prouver que son co-contractant l’a soumis ou a tenté de la soumettre à des obligations créant un tel déséquilibre.  

L’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 13 juin 2018 est l’occasion de revenir sur les conditions d’application de l’article L.442-6,I, 2° du Code de commerce, relatif au déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, et en particulier sur celui de la preuve d’une soumission ou une tentative de soumission à des obligation créant un déséquilibre.  

Conformément à l’article L. 442-6, I, 2° du code de commerce :  

« Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers :  

(…) 2° De soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ». 
Les deux éléments constitutifs de cette pratique restrictive de concurrence sont, en premier lieu, la soumission ou la tentative de soumission et, en second lieu, l'existence d'obligations créant un déséquilibre significatif.  

Dans cet arrêt, un concessionnaire a signé en 2002 avec un concédant un contrat de concession à durée indéterminée, ayant fait l’objet de deux avenants, lesquels ont été intégrés dans un autre contrat à durée indéterminée conclu entre les parties en 2005.  

L’article 2 du contrat prévoit que le concessionnaire dispose d’une exclusivité de revente des produits sur le territoire contractuel. 

L’article 10 de ce contrat stipule que « chacune des parties pourra mettre fin au présent contrat par notification écrite par lettre recommandée avec accusé de réception moyennant un préavis d’au moins un an. Toutefois, à l'expiration des six premiers mois de préavis et en dérogation aux dispositions de l'article 2 du présent contrat, le concessionnaire ne sera plus tenu, vis-à-vis du [Concédant], à son obligation d'exclusivité de marque et [le Concédant] aura en contrepartie la faculté de nommer un ou plusieurs distributeurs ou autres futurs concessionnaires sur le territoire défini à l'annexe 1 du présent contrat pour tout ou partie de la durée du préavis restant à courir ».

Le concessionnaire fait valoir que le concédant l’a soumis à des obligations créant un déséquilibre significatif au sens de l’article L. 442-6, I, 2° du code de commerce en lui imposant une clause selon laquelle les parties pourraient mettre fin à l’exclusivité qui lui était consentie à l’expiration des six premiers mois de préavis.  

S’agissant de la première condition, le concessionnaire soutient que cette clause lui avait été imposée, en rappelant notamment qu’elle avait fait l’objet d’un avenant en 2002 et qu’elle avait été intégrée dans le contrat de 2005.  

S’agissant du caractère déséquilibré de la clause, il affirme  notamment au regard des articles 1170 et 1174 du code civil, que celui-ci ressort de son caractère purement potestatif et que la soumission est caractérisée par l'existence d'un rapport de force déséquilibré entre les parties et par sa dépendance des vis-à-vis du concédant. Il soutient également que cette clause ne peut être favorable qu’au concédant, le concessionnaire n'ayant aucun intérêt à mettre fin à l'exclusivité qui lui était accordée à l'expiration des 6 mois du délai de préavis et est donc dépourvue de réciprocité.  

Le concédant fait pour sa  part valoir qu'au regard de la jurisprudence, la clause litigieuse, bien loin de créer un déséquilibre significatif entre les parties, facilite au contraire la reconversion du concessionnaire qui n'est plus tenu d'une obligation d'exclusivité de vente et de distribution. 

La Cour rappelle tout d’abord les principes applicables : 

« Les clauses sont appréciées dans leur contexte, au regard de l'économie du contrat et in concreto. La preuve d'un rééquilibrage du contrat par une autre clause incombe à l'entreprise mise en cause, sans que l'on puisse considérer qu'il y a inversion de la charge de la preuve. Enfin, les effets des pratiques n'ont pas à être pris en compte ou recherchés ».

Elle juge ensuite que : 

  • la circonstance que la clause critiquée ait fait l'objet d'un avenant le 1er janvier 2002 et ait été insérée dans le contrat de concession du 30 novembre 2005 ne saurait suffire à établir que le concédant a soumis ou tenté de soumettre son concessionnaire ; 
  • le concessionnaire ne démontre pas qu'il aurait fait part de réserves, mais n'aurait pu refuser la clause de peur de remettre en cause la continuité de la relation exclusive, et  ne démontre pas plus que le concédant aurait subordonné la poursuite des relations à l'acceptation de la clause litigieuse ou ne lui aurait ménagé aucune possibilité de négociation. 

La Cour juge en conséquence que le premier élément caractéristique de la pratique restrictive de déséquilibre significatif n'est pas constitué, et rejette la demande du concessionnaire fondée sur l'article L. 442-6, I, 2° du code de commerce.

Cet arrêt rappelle qu’il est indispensable pour les enseignes de conserver la preuve des négociations effectives des contrats conclus avec leur distributeurs, afin de pouvoir leur opposer en cas de contentieux, et d’échapper ainsi au grief du déséquilibre significatif.  

CA Paris, 13 juin 2018, n°15/14893

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