
Nullité du contrat de franchise pour manquement à l’obligation d'information précontractuelle
La dissimulation de l’état du réseau, la fourniture d’un état de marché local incomplet et la fourniture de comptes prévisionnels inadaptés ont eu pour effet de vicier le consentement du franchisé, justifiant le prononcé de la nullité du contrat de franchise.
Par un arrêt en date du 17 janvier 2018, le Cour d’appel de Paris a prononcé la nullité d’un contrat de franchise en raison du manquement par un franchiseur à son obligation d’information précontractuelle prévue à l’article L. 330-3 du Code de commerce ayant eu pour effet de vicier le consentement du franchisé.
En l’espèce, un document d’information précontractuel (DIP) ainsi « qu’une étude d’implantation sur la ville de Poitiers » avaient été remis par le franchiseur au franchisé, en vue de l’exploitation d’un salon de coiffure dans un local neuf situé en zone commerciale.
La galerie commerciale n’ayant finalement pas souhaité l’implantation de l’enseigne du franchiseur, ce dernier a proposé au franchisé d’acquérir un fonds de commerce situé dans le centre-ville de Poitiers, auprès d’un autre membre du réseau de franchise mais exploitant un fonds de commerce sous une autre enseigne du groupe auquel appartient le franchiseur, ce qu’a fait le franchisé.
L’exploitation a rencontré des difficultés et huit mois plus tard, le Tribunal de commerce de Poitiers a ouvert une procédure de sauvegarde au bénéfice de la société franchisée. Le plan de continuation approuvé par jugement n’ayant pas été respecté, le Tribunal de commerce de Poitiers en a prononcé la résolution ainsi que la liquidation judiciaire de la société franchisée.
Entre temps, le franchisé n’avait pas été en mesure de régler ses redevances de franchise pendant la période d’observation et, après mise en demeure et négociations infructueuses entre les parties, le franchiseur a prononcé la résiliation du contrat de franchise, à effet immédiat.
Suite à cette résiliation, le liquidateur judiciaire de la société franchisée et son dirigeant (ci-après désignés le « franchisé ») ont assigné le franchiseur devant le Tribunal de commerce de Paris, lequel a notamment débouté le franchisé de sa prétention à voir prononcer la nullité du contrat de franchise.
Le franchisé a fait appel du jugement rendu et a demandé à la Cour d’appel de Paris d’infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a constaté que le DIP remis au franchisé ne contenait pas toutes les informations légales requises concernant le marché local de la coiffure à Poitiers et les frais spécifiques à l’affiliation au réseau de franchisés sous l’enseigne du franchiseur.
La Cour d’appel de Paris a fait droit à la demande de nullité du franchisé en retenant un manquement du franchiseur à l’obligation d’information précontractuelle prévue à l’article L. 330-3 du Code de commerce.
Au titre de sa motivation, la Cour d’appel de Paris commence par rappeler le principe issu des anciens articles 1108 et 1109 du Code civil (devenus respectivement les articles 1128 et 1130 du Code civil suite à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations), selon lequel le consentement de la partie qui s’oblige est une condition essentielle de la validité d’une convention et il n’y a point de consentement valable si ce consentement n’a été donné que par erreur ou surpris par dol.
La Cour relève ensuite qu’il résulte de la combinaison des articles R. 330-1 4° à 6° du Code de commerce et L. 330-3 du même code, qu’ « un manquement à l’obligation d’information précontractuelle prévue à l’article L 330-3 du code de commerce n’entraîne la nullité du contrat de franchise que s’il a eu pour effet de vicier le consentement du franchisé ».
C’est après avoir énoncé ces règles, que les juges d’appels recherchent si le DIP remis au franchisé ne fait pas ressortir un défaut d’information du franchiseur.
- Sur l’état du réseau
La Cour d’appel de Paris relève que les entreprises ayant quitté le réseau étaient mentionnées sur une liste en annexe sans distinction d’enseignes, alors même que le franchiseur reconnaissait que la clientèle des salons n’était pas la même d’une enseigne à une autre lui appartenant, certaines enseignes étant qualifiés de « low cost ».
Ainsi, le franchisé n’avait pas été informé du départ du réseau de 11 franchisés de l’enseigne sous laquelle elle exploitait son activité, dans les 12 mois précédant la signature du contrat.
Selon la Cour, « le nombre ainsi que les motifs (non renouvellement, cessions…) de ces départs constituaient pourtant un élément d’information essentiel pour la candidate à la franchise qui n’a ainsi pas été en mesure d’appréhender avec exactitude la pérennité du réseau. »
- Sur l’état du marché local
Sur ce point, la Cour rappelle que s’il appartient au franchisé, sur la base des éléments communiqués par le franchiseur, de réaliser lui-même une analyse d’implantation précise, encore faut-il que les éléments essentiels fournis par celui-ci pour éclairer son cocontractant soient exacts et complets et lui permettent de se déterminer en toute connaissance de cause.
En d’autres termes, les états de marchés communiqués par le franchiseur doivent être complets.
Or, le DIP renvoyait en l’espèce, dans un chapitre relatif à présentation générale du secteur économique de la coiffure au niveau national, à la lecture d’une étude d’implantation établie par le franchiseur et spécifique à l’ouverture du salon initialement choisi par le candidat, mais non à celui de son installation située dans le centre-ville de Poitiers.
Les juges relèvent ainsi que si cette étude fait état des atouts de l’implantation initialement envisagée, « aucun élément précis sur la zone de chalandise du centre-ville n’y figure ».
Surtout, l’étude ne faisait pas état de « la présence d’une enseigne […] concurrente directe située dans la zone de proximité immédiate du salon repris par [la candidate].
Cette omission fait dire aux juges d’appel que « le document précontractuel ne renseigne donc pas sur la zone de chalandise alors qu’en l’espèce, ce renseignement était essentiel à la candidate franchisée pour appréhender la concurrence ».
- Sur les comptes prévisionnels
Enfin, le franchiseur avait remis un prévisionnel au franchisé.
Rappelons que le franchiseur n’est pas tenu de remettre un compte d’exploitation prévisionnel au candidat à la franchise. Si toutefois il le fait, il est alors tenu de donner des informations sincères et vérifiables.
En l’espèce, s’il n’était pas démontré, selon la Cour, le caractère « grossièrement erroné » des chiffres retenus dans le compte d’exploitation prévisionnelle remis au franchisé, ces chiffres avaient toutefois été établis par le franchiseur à partir des chiffres d’affaires précédemment réalisés par le salon sous une autre enseigne appartenant au franchiseur et qui n’était pas positionnée sur le même segment « low cost » du marché.
Ainsi, le prévisionnel remis au franchisé ne s’adressait pas à la clientèle de l’enseigne sous laquelle le franchisé avait exploité son activité, de sorte que le compte prévisionnel établi par le franchiseur était inadapté.
Pour caractériser le dol ayant vicié le consentement, les juges d’appel relèvent la circonstance selon laquelle, le franchisé, « [âgé] de 23 ans lors de la conclusion du contrat et alors novice en affaires, n’a pas pu apprécier justement les perspectives de rentabilité, les dites données constituant la substance même du contrat de franchise pour lequel l’espérance de gains est déterminante »
Il est à noter que la solution aurait probablement été tout autre si le Franchisé avait conservé l’enseigne du franchiseur initialement exploité dans le fonds de commerce : il aurait en effet alors bénéficié, du fait des mentions obligatoires dans les actes de cession de fonds d’une connaissance exacte des chiffres d’affaires et résultats passés qu’il pouvait espérer reproduire en reprenant le fonds.
En d’autres termes, si le franchisé avait été dûment informé des points invoqués ci-avant, il n’aurait pas contracté ou aurait contracté à d’autres conditions et notamment, pour un autre emplacement.
La Cour d’appel de Paris prononce en conséquence l’annulation du contrat de franchise.
Comme le rappelle la Cour, la nullité d’un contrat emporte son effacement rétroactif, de sorte qu’il est censé n’avoir jamais existé et a pour effet de mettre les parties dans leur état initial.
Ainsi, le franchiseur doit être condamné à restituer le droit d’entrée et l’intégralité des redevances de franchise versées par le franchisé.
Le franchiseur est en outre condamné en raison des différents manquements à ses obligations précontractuelles à indemniser le dirigeant de la société franchisé de son préjudice résultant de la perte d’une chance de ne pas investir ses fonds dans la franchise (et non par les pertes subies en termes de rémunération), perte évaluée à la somme de 10.000 € dans cette affaire.
CA, Paris, 17 janv. 2018, n° 15/17647
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