Arrêt Coty : licéité de l’interdiction faite aux distributeurs de recourir à des plateformes tierces
lundi 11 décembre 2017

Arrêt Coty : licéité de l’interdiction faite aux distributeurs de recourir à des plateformes tierces

L’arrêt Coty reconnaît la liberté pour les promoteurs de réseaux d’insérer une clause dans leur contrat de distribution sélective, de franchise, de licence de marque ou de concession, prévoyant l’interdiction de la commercialisation de leurs produits sur une marketplace non-agréée.

Coty Germany vend des produits cosmétiques de luxe en Allemagne au travers d’un réseau de distribution sélective. Coty Germany justifie son système de distribution sélective en alléguant que « la nature des marques de Coty Prestige exige une distribution sélective destinée à préserver l’image de luxe attachée à ces marques ». 

Ainsi, les points de vente physiques exploités par ses distributeurs agréés doivent respecter un certain nombre d’exigences en termes d’environnement, d’aménagement et d’agencement. 

Par ailleurs, conformément à la jurisprudence Pierre Fabre, si Coty Germany n’interdit pas à ses distributeurs d’avoir recours à la vente sur Internet, elle encadre les modalités de vente de ses produits sur le site Internet de ses distributeurs, et leur interdit de se servir de plateformes tierces non agréés.

Parfümerie Akzente est un distributeur agréé des produits de Coty Germany qu’il commercialise aussi bien dans ses points de vente physiques que sur Internet, au moyen de sa propre boutique en ligne, ainsi que par l’intermédiaire de la plateforme « amazon.de ». 
Parfümerie Akzente contestant la clause contractuelle lui interdisant d’avoir recours à une telle plateforme, Coty Germany l’a attrait devant les juridictions allemandes afin de le contraindre à se soumettre à l’organisation contractuellement définie pour son réseau de distribution sélective. 

S’interrogeant sur la licéité de la clause encadrant la vente de produits agréés sur Internet en interdisant le recours à des plateformes tierces, le tribunal régional supérieur de Francfort-sur-le-Main allemand a posé une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne à cet égard. 

1) La licéité du réseau de distribution sélective de produits de luxe

Faisant référence à sa jurisprudence constante, la CJUE rappelle qu’un réseau de distribution sélective n’enfreint pas les dispositions du droit de l’Union européenne relatives aux ententes dès lors que :

 
1. le choix des revendeurs s’opère en fonction de critères objectifs de caractère qualitatif, fixés d’une manière uniforme à l’égard de tous les revendeurs et appliqués de façon non discriminatoire, 
2. que les propriétés du produit en cause nécessitent, pour en préserver la qualité et en assurer le bon usage, un tel réseau de distribution, et
3. que les critères définis n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire. 

La CJUE précise que la nécessité de la mise en place d’un réseau de distribution sélective pour des produits de luxe résulte directement (i) non seulement des caractéristiques matérielles desdits produits, (ii) mais également de l’allure et de l’image de prestige qui leur confèrent une sensation de luxe. Or, cette sensation de luxe constitue un élément essentiel des produits car elle permet aux consommateurs de les distinguer des autres produits semblables. Ainsi, il est nécessaire de préserver cette sensation de luxe dans la mesure où elle détermine la qualité même de ces produits. 

2) La licéité de la clause contractuelle interdisant le recours à la vente des produits agréés sur des plateformes tierces non agréés

 
La CJUE considère que l’article 101§1 TFUE ne s’oppose pas à une clause contractuelle interdisant aux distributeurs agréés d’un système de distribution sélective dès lors que certaines conditions sont réunies (2.1). 

Quand bien même les juridictions de renvoi venaient à considérer que la clause en cause restreint la concurrence au sens de l’article 101§1 TFUE, elle pourra bénéficier, en vertu de l’article 101§3 TFUE d’une exemption au titre du règlement n°330/2010 (2.2). 

2.1. L’interdiction des ententes prévue par le droit de l’Union européenne ne s’oppose pas à l’interdiction faite aux distributeurs agréés de revendre leurs produits sur des plateformes tierces 

Pour qu’un fournisseur soit en mesure d’interdire à ses distributeurs agréés de revendre leurs produits sur des plateformes tierces, la clause en question doit : 

1. viser à préserver les caractéristiques essentielles des produits concernées (en l’espèce, il s’agissait de préserver l’image de luxe des produits concernés), 
2. être objective et uniforme et s’appliquer sans discrimination à l’égard de tous les distributeurs agréés, et
3. être proportionnée au regard de l’objectif poursuivi (en l’espèce, préserver l’image de luxe de ces produits). 
Bien qu’il appartienne aux juridictions nationales de vérifier si ces conditions sont remplies, la CJUE observe pour sa part que la clause en cause est licite. 

Selon la CJUE, l’interdiction de vendre sur des plateformes Internet tierces au réseau de distribution des produits faisant l’objet d’un contrat de distribution sélective, est cohérente au regard des caractéristiques propres du système de distribution sélective, dont la conformité au droit de l’Union européenne a déjà été vérifié. 

Dans l’affaire Coty, cette clause permettait en effet au fournisseur de préserver l’image de luxe et de prestige des produits dans la mesure où :

- le fournisseur peut ainsi contrôler que ses produits seront vendus en ligne dans un environnement qui correspond aux conditions qualitatives convenus avec ses distributeurs agréés, 

- ces produits de luxe ne seront pas vendus sur un canal de vente utilisé pour tout type de produit mais bien au travers de boutiques en ligne propres aux distributeurs agréés, maintenant ainsi la sensation de luxe attachée à ces produits, qui en est la caractéristique principale.  

Par ailleurs, il ressort du dossier soumis à la Cour que les juges allemands considèrent que cette clause est objective et uniforme et qu’elle s’applique sans discrimination à l’égard de tous les distributeurs agréés. 

Enfin, la CJUE observe que la clause en cause est proportionnée au regard de l’objectif poursuivi dans la mesure où : 

- elle n’interdit pas de manière absolue aux distributeurs agréés de vendre sur Internet les produits contractuels, mais seulement sur des plateformes tierces,

- nonobstant l’importance croissante des plateformes tierces dans la commercialisation des produits des distributeurs, le canal de distribution le plus important, dans le cadre de la distribution sur Internet, est toutefois constitué par les boutiques en lignes propres aux distributeurs (Rapport final de la Commission européenne sur l’enquête sectorielle sur le commerce électronique).

2.2. Application de l’exemption catégorielle prévue par le règlement 330/2010 

 
Les relations entre les entreprises d’un réseau, opérant chacune à un niveau différent de la chaîne de production ou de distribution – que ce soit en vertu de contrats de distribution sélective ou exclusive, de franchise, de licences de marques, de concession ou de commission-affiliation – sont strictement encadrées par le Règlement d’Exemption  330/2010 de l’Union européenne. 


Dans l’hypothèse où la juridiction de renvoi conclurait que la clause litigieuse tombe sous l’interdiction des ententes prévue par le droit de l’Union européenne, la CJUE observe que cette clause pourra vraisemblablement bénéficier d’une exemption par catégorie. 
En effet, selon la CJUE, ladite clause ne constitue : 

- ni une restriction des ventes passives aux utilisateurs finals 

o la clause en cause ne prohibe pas le recours à Internet comme mode de commercialisation des produits contractuels

- ni une restriction de clientèle

o il n’est pas possible de délimiter, au sein du groupe des acheteurs en ligne, les clients de plateformes tierces, et

o par ailleurs, le contrat de distribution sélective autorise, sous certaines conditions, les distributeurs agréés à faire de la publicité par l’intermédiaire d’Internet sur des plateformes tierces et des moteurs de recherche en ligne : les clients sont donc en mesure de trouver l’offre Internet des distributeurs agréés en utilisant de tels moteurs. 

CJUE 6 décembre 2017, aff.C-230/16, Coty Germany GmbH/Parfümerie Akzente GmbH

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