L’oeuvre se distingue de son support
lundi 22 octobre 2018

L’oeuvre se distingue de son support

Une décision de la chambre criminelle de la Cour de cassation  apporte une illustration très pratique à ce principe. 

L’auteur d’une oeuvre originale bénéficie de la protection prévue au titre des droits d’auteur (article L.111-1 et suivants du Code de la propriété intellectuelle). Ceux-ci se composent de droit patrimoniaux, cessibles, et du droit moral de l’auteur, incessible. Il s’agit d’une prérogative puissante puisqu’elle peut aller jusqu’au droit de repentir et de retrait de l’oeuvre par son auteur, sous réserve notamment d’indemniser l’acheteur de celle-ci. Si la protection offerte par les droits d’auteur permet à un auteur de s’assurer du respect de l’intégrité de son oeuvre, ils ne permettent toutefois pas à l’auteur de faire ce qu’il veut sur celle-ci. C’est ce qu’illustre cette décision. 

Dans cette affaire, le barman d’un café-concert lyonnais avait réalisé pour ledit bar une oeuvre apposée sur deux panneaux de bois destinés à recouvrir la vitrine du bar quand celui-ci était fermé. Les droits d’auteur, dont l’existence n’est pas contestée par les juridictions saisies, n’avaient pas été cédés par le barman à l’employeur.  

Un litige est survenu avec cet employé, lequel a par la suite été licencié. Dans le contexte de ce litige, ce barman est revenu taguer des dessins complémentaires, peu flatteurs dira-t-on, sur les panneaux qu’il avait déjà peint. Le propriétaire du café a porté plainte et le barman a été poursuivi pour dégradation sur le fondement de l’article 322-1 alinéa 2 du Code pénal. Il faisait valoir pour sa défense que puisque les droits d’auteur n’avaient pas été cédés, il pouvait modifier son oeuvre comme il l’entendait, sans autorisation préalable de son employeur. 

La Cour d’appel avait fait droit aux arguments du barman. La Cour de cassation casse cet arrêt rappelant que « la propriété incorporelle définie par l’article L.111-1 du code de la propriété intellectuelle est indépendante de la propriété de l’objet matériel ». L’auteur d’une oeuvre ne dispose pas du droit d’exiger du propriétaire l’objet matériel sa mise à disposition pour l’exercice de ses droits. La Cour d’appel aurait donc du rechercher si le propriétaire de la façade avait donné son autorisation pour l’apposition des nouveaux éléments, indépendamment de savoir s’il disposait des droits d’auteur sur l’oeuvre précédemment apposée. La Cour d’appel avait ainsi violé les articles L.111-3 du code de la propriété intellectuelle, 322-1 alinéa 2 du Code pénal et 544 du code civil. Pour mémoire cet article dispose que « la propriété est le droit de jouir et disposer des éléments de la manière la plus absolue, pourvu qu’on en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements ».  

Cet arrêt vient donc illustrer une limite des droits d’auteur. Le titulaire d’un bien sur lequel est apposé une oeuvre peut s’opposer à une modification de celle-ci. Toutefois, la propriété du support ne confère pas les droits d’auteur au propriétaire du support. Ainsi par exemple pour les enseignes, si une oeuvre a été réalisée sur le mur d’un établissement, le propriétaire de l’établissement pourra certes s’opposer à toute modification de celle-ci, mais il ne pourra pas reproduire l’oeuvre pour la diffuser auprès des autres établissements du réseau, que ceux-ci lui appartiennent ou soient des franchisés, sans l’accord express de l’auteur. Il devra pour cela avoir obtenu préalablement une cession de droits d’auteur à son profit. 

Il est donc essentiel pour les enseignes de sécuriser leurs droits d’auteur sur l’ensemble des éléments distinctifs qui peuvent être qualifiés d’oeuvres (logo, charte graphique, charte architecturale, photographies, slogans etc.) nécessaires au développement du réseau. Nous rappellerons à cet égard qu’un contrat de cession de droits d’auteur doit être écrit et comporter un certain nombre de précisions et de mentions portant notamment sur l’étendue de la cession opérée, sa durée ou encore les droits cédés. 

Cass. crim, 20 juin 2018, n°17-86402

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