Bail commercial et effets de la clause résolutoire
lundi 17 janvier 2022

Bail commercial et effets de la clause résolutoire

Le preneur à bail commercial qui se voit signifier un commandement de payer visant la clause résolutoire encourt la résiliation du bail commercial.

Principe de la clause résolutoire dans un bail commercial :

La clause résolutoire prévue dans un bail commercial permet au bailleur d’obtenir la résiliation du bail commercial lorsque le preneur a manqué à l’une de ses obligations.

La clause résolutoire peut être invoquée à tout moment, même après le terme du bail commercial en cas de tacite prorogation.

La résiliation, organisée par la clause résolutoire, est de plein droit.

Cela signifie que le juge, qui doit être saisi par le bailleur pour constater l’acquisition de la clause résolutoire, n’est pas en mesure d’apprécier la gravité du manquement.

Dès lors que l’infraction est commise, et si les conditions de mise en œuvre de la clause résolutoire sont respectées, la résiliation s’impose automatiquement.
 

Mise en œuvre de la clause résolutoire dans un bail commercial 

Le jeu de la clause résolutoire exige le respect de plusieurs conditions :

- L’obligation reprochée par le bailleur doit être prévue par la clause résolutoire. 

La jurisprudence vérifie que la ou les obligations reprochées par le bailleur sont bien prévues dans le bail commercial.

La clause résolutoire doit lister expressément les manquements permettant sa mise en œuvre.

Le juge interprète strictement lesdits manquements en faveur de celui qui s’oblige, soit le preneur.

Ce dernier doit être en mesure de pouvoir comprendre les manquements qui lui sont reprochés et ainsi mis en mesure d’y remédier.

- Le bailleur doit agir de bonne foi

La jurisprudence refuse de constater l’acquisition d’une clause résolutoire mise en œuvre de mauvaise foi.

Par exemple, est de mauvaise foi le bailleur qui sollicite la réalisation de travaux dans un délai impossible à respecter.

Est également de mauvaise foi, le bailleur qui réclame des sommes indues. 

Concernant les loyers et charges, le bailleur doit faire figurer dans ses demandes l’affectation précise des sommes réclamées (décompte des sommes dues).

- Le bailleur doit respecter le délai d’un mois

La jurisprudence sanctionne les clauses résolutoires visant un délai inférieur à un mois.

Le bailleur ne peut pas saisir le juge avant l’expiration de ce délai.

Au contraire, dans le délai d’un mois, le preneur peut assigner au fond en opposition au commandement de payer, en vue d’obtenir des délais.

Limites à l’automaticité de la résiliation du bail commercial :

Le preneur dispose de deux mécanismes limitant le jeu de la clause résolutoire insérée dans un bail commercial :

• Premier mécanisme : le commandement de payer :

La clause résolutoire ne peut pas être sollicitée avant l’expiration d’un délai d’un mois suivant la délivrance d’un commandement de payer.

L’article L. 145-41 du Code de commerce, qui est d’ordre public, dispose :

« Toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai. (...) »

Ce commandement doit reproduire la clause résolutoire ou annexer la page du bail commercial mentionnant la clause résolutoire.

Il doit également préciser l’infraction reprochée de sorte que le preneur puisse rectifier le tir.

Si le preneur exécute l’obligation qui lui est reprochée dans le délai d’un mois, il sera réputé n’avoir commis aucun manquement au bail commercial.


• Deuxième mécanisme : la suspension de la clause résolutoire

Si le preneur n’exécute pas l’obligation dans le délai d’un mois, il a la possibilité de solliciter en justice la suspension de la clause résolutoire.

L’article 1343-5 du Code civil permet en effet au preneur de demander au juge des délais pour payer sa dette locative.

Ces délais sont susceptibles d’être obtenus dans la limite de deux ans, « compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier » (C. civ., art. 1244-1 ancien et art. 1343-5 nouveau).

Ces délais ont pour conséquence de suspendre la clause résolutoire.

La demande des délais peut être formulée dans le cadre d’une assignation devant le juge des référés du tribunal judiciaire.

Si le bailleur prend l’initiative de la procédure en assignant le preneur devant le juge des référés du tribunal judiciaire, la demande de délai peut être formulée, à titre reconventionnel, dans le cadre de conclusions en défense.

Si le preneur n’exécute pas l’obligation dans le délai d’un mois et si le juge n’accorde pas de délai emportant la suspension de la clause résolutoire, le bail commercial est résilié.

Si le juge accorde des délais de paiement, le preneur devra les respecter.

Faute de respect d’une seule échéance, le bail commercial est immédiatement résilié.

Illustration jurisprudentielle de la suspension des effets de la clause résolutoire du bail commercial  

La Cour de cassation a rendu le 6 juillet 2017 deux arrêts rappelant certaines règles relatives à la mise en œuvre des demandes de délais de paiement et de suspension des effets de la clause résolutoire.

Dans la première affaire, le propriétaire d'un local commercial a délivré au preneur un commandement de payer visant la clause résolutoire puis l'a assigné en acquisition de cette clause. Entre temps, le Preneur a réglé sa dette et devant le juge, il sollicitait des délais de paiement et la suspension des effets de la clause résolutoire.

La Cour d’appel de Basse-Terre a accueilli la demande du bailleur en retenant « que le preneur admet qu'il a réglé sa dette après l'expiration du délai d'un mois fixé par le commandement, qu'il est constant que seul le règlement de la dette de loyer dans le mois du commandement de payer peut paralyser l'effet de la clause résolutoire et que c'est donc à bon droit que le premier juge a rejeté la demande de délai et de suspension des effets de la clause ; »

Cet arrêt est cassé par la haute Cour au visa des articles L. 145-41 du code de commerce, 561 et 562 du code de procédure civile :

« Attendu que les juges, saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues par l'article 1244 du code civil, peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets d'une clause résolutoire, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle était saisie d'une demande de suspension de la clause résolutoire et qu'elle devait examiner la situation du preneur au jour de sa décision, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; »

Ainsi, la Cour d’appel ne pouvait pas motiver sa décision en affirmant que le non-paiement du loyer dans le mois du commandement de payer paralyserait nécessairement l’effet de la clause résolutoire.

La haute juridiction rappelle que le juge peut accorder des délais de paiement et suspendre la réalisation et les effets de la clause résolutoire aussi longtemps que la résiliation du bail commercial n’a pas été constatée par une décision ayant acquis l’autorité de la chose jugée.

Il convient de situer cet arrêt dans le contexte jurisprudentiel :

La Cour de cassation avait déjà eu l’occasion de rappeler à plusieurs reprises que, lorsque le locataire a régularisé sa situation postérieurement au délai d’un mois mais avant que le juge statue, le juge doit impérativement accorder des délais pour éviter que la clause résolutoire soit déclarée acquise (V. notamment Cass. 3e civ., 4 mai 2011, n° 10-16.939, FS-D).

En pratique, il peut paraître étonnant d’accorder des délais de paiement pour une dette qui semble déjà payée. Mais, ces délais ne sont pas accordés pour permettre un échelonnement d’un paiement qui a déjà eu lieu. Ils sont accordés rétroactivement pour régulariser la situation, et pour rendre le paiement satisfactoire. Ainsi pour pallier le caractère tardif du paiement réalisé, la solution consiste donc à accorder des délais de paiement rétroactifs correspondant aux dates de paiement ou de régularisation des inexécutions et à constater en conséquence que les dits délais ont été respectés et que la clause résolutoire n'a pas joué.

C’est certainement ainsi qu’il faut comprendre l’arrêt de la Cour de cassation du 6 juillet 2017. 

Par ailleurs, on peut s’interroger sur l’incidence d’une telle solution jurisprudentielle sur les clauses des baux stipulant que le paiement postérieur au délai d’un mois est sans effet sur l’acquisition de la clause résolutoire. De notre point de vue, ces clauses sont inefficaces dès lors que l’article L. 145-41 du code de commerce, et l’ancien article 1244-1 du code civil (devenu l’article 1343-5 du même code suite à l’ordonnance du 10 février 2016) sont d’ordre public. Aucune clause ne peut empêcher le juge d’accorder des délais de paiements si les conditions sont remplies.

Dans la deuxième affaire rendue le même jour, le juge des référés avait accordé des délais de paiement au preneur pour s’acquitter de l’arriéré et avait fixé un calendrier de paiements mensuels, « sous peine de résiliation définitive du bail faute de respect d’une seule de ces échéances ».

L’intérêt de cet arrêt est de rappeler que :

- d’une part, le respect des échéances fixées par le juge des référés est impératif et la sanction irrévocable (sauf cas de force majeure retenu une fois par la jurisprudence dans le cas où le retard était dû à un dysfonctionnement informatique de la banque cass. 3e civ. 16 avril 1986 bull. civ. III n°41) ;

- d’autre part, la mauvaise foi du bailleur dans l’exécution de la décision, postérieurement au non-respect des échéances, est inopérant. (Cass. civ. 3e, 6 juillet 2017, n°16-12998
Cass. civ. 3e, 6 juillet 2017, n°16-17817)


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