Distinction entre l’action en contrefaçon et l’action en concurrence déloyale
lundi 5 septembre 2022

Distinction entre l’action en contrefaçon et l’action en concurrence déloyale

Les actes de contrefaçon ou l’exercice de procédés déloyaux par un concurrent présentent toutes deux un risque important pour l’activité d’une entreprise. Mais ces deux actions présentent des différences, tandis que leur articulation reste toujours un sujet source de débats.

I. L’ACTION EN CONTREFACON 

L’action en contrefaçon est attribuée au titulaire d’un droit de propriété intellectuelle, qu’il soit un droit de propriété industrielle ou un droit de propriété littéraire et artistique. Les droits de propriété intellectuelle de ce titulaire naissent à compter de leur dépôt et de leur enregistrement qui peuvent être notamment : 

Une marque1
Un dessin ou modèle2
Un brevet3
Un droit d’auteur4 ,
Un certificat d’obtention végétale5

La détention ainsi que la vente d’un élément contrefait, tel que visé ci-dessus, est assimilable à un acte de contrefaçon

Pour se défendre, la société dispose d’une action en contrefaçon qui lui est propre, reposant sur la seule violation de ce droit de la propriété intellectuelle en se fondant sur le droit de propriété intellectuelle concerné. 

Seules certaines juridictions spécialisées sont compétentes pour trancher des litiges fondés sur des actes de concurrence allégués.

II. L’ACTION EN CONCURRENCE DELOYALE 


L’action en concurrence déloyale vise, quant à elle, l’action attribuée à une société qui s’estime victime d’acte de concurrence qui peuvent se matérialiser sous différentes formes :  

La concurrence déloyale par dénigrement. 

Le dénigrement se définit comme l’affirmation malveillante dirigée publiquement contre un concurrent identifiable à l’égard de ses produits, de ses services ou de sa société elle-même. 

Le dénigrement requiert donc la réunion de trois conditions cumulatives à savoir ; 

1) Le propos doit être émis publiquement (CA Paris, 30 mai 2018, n°17/01693) ce qui n’est pas le cas à l’inverse, de propos émis dans une note interne (CA. Paris. 1 décembre 2004. n°03/05869). 
2) Le propos doit permettre d’identifier un concurrent (Cass. Com. 19 juin 2001. n°99-13.870).
3) Le propos doit être péjoratif sur un produit, un service ou le concurrent visé, tel que ses aptitudes professionnelles (Cass. Com. 15 janvier 2020. n°17-27-778).

Il n’est pas nécessaire que l’auteur des propos dénigrants soit le concurrent direct agissant dans le même secteur d’activité que l’entreprise victime de ces propos. En effet, la jurisprudence affirme que « même en l'absence d'une situation de concurrence directe et effective entre les personnes concernées, la divulgation, par l'une, d'une information de nature à jeter le discrédit sur un produit commercialisé par l'autre, peut constituer un acte de dénigrement » (Cass. Civ. 1. 1 juillet 2018. n°17-21-457). 

La concurrence déloyale par parasitisme. 

La jurisprudence définit le parasitisme comme l’action « pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d'une entreprise en profitant indûment de sa notoriété ou de ses investissements, indépendamment de tout risque de confusion » (Cass. Com. 9 juin 2015. n°14-11.242).  

Les juges apprécient l’acte de parasitisme en opérant une pondération entre la liberté de commerce et d’industrie des opérateurs économiques face aux faits compromettant la loyauté des relations d’affaires. Par exemple, il a été jugé comme un acte de parasitisme le fait pour un opérateur économique de reproduire « le catalogue d'une société [qui] présente des similitudes considérables avec celui d'une société concurrente qui ne peuvent ni être le fait du hasard, ni induites par la reprise de références communes et relève que ce catalogue est une reprise plagiaire qui se nourrit de la substance et de la forme du catalogue concurrent » (Cass. Com. 30 janvier 2001. n°99-10.654) alors qu’a l’inverse, le simple fait de proposer les mêmes services n’est pas une activité parasitaire, les idées étant de libre parcours (CA. Versailles. 14 septembre 2006. n°05/05533). 


La concurrence déloyale par désorganisation. 

La désorganisation peut se matérialiser par les actions d’un opérateur économique qui bouleverse l’organisation d’un concurrent ou d’un marché économique sur lequel il opère.

Concernant la désorganisation de l’entreprise, il a par exemple été jugée que le débauchage de salariés d’un concurrent par des procédés déloyaux est un acte de concurrence déloyale, tels que la proposition de salaires anormalement élevés ou encore, les intentions malveillantes de l’emploi en lui-même telles que le fait d’embaucher un salarié pour reprendre les secrets de fabrique de l’entreprise concurrente. 

Concernant la désorganisation du marché, la concurrence déloyale peut être qualifiée lorsqu’un concurrent qui ne respecte pas les obligations légales auxquelles il est soumis, obtient un avantage concurrentiel ou économique provoquant un bouleversement du marché à l’égard de ses autres concurrents en raison de cette distorsion de concurrence.  L’exercice d’une activité en violation de la loi est un exemple de cette désorganisation justifiant une concurrence déloyale ; pour un chauffeur de taxi ne disposant pas des autorisations nécessaires (Cass. Com. 16 mai 1984, no 83-11.678) ou pour des médecins n’ayant pas respecté les obligations déontologiques dans leur publicité, détournant ainsi la clientèle de leurs confrères (Cass. Civ. 1re, 4 nov. 1992, no 89-21.899). 

La concurrence déloyale par confusion. 

La confusion repose sur les manœuvres d’un concurrent qui cherche à acquérir la notoriété d’une autre entreprise en s’appropriant ou en imitant les signes distinctifs de cette société, ses produits ou ses services afin de rallier sa clientèle. La confusion sera qualifiée si une assimilation erronée de ses entités est opérée par le public en prenant en compte les domaines d’activités, les zones géographiques d’implantation… 

Par exemple, il a été jugé que l’enseigne « Old England » commercialisant des vêtements féminins dans un centre commercial aux abords de Nice entraine la confusion avec l’enseigne « Madam Old England », enseigne qui commercialise des vêtements féminins dans Nice puisque ces deux enseignes, aux noms quasiment similaires, exerçant la même activité de vente de vêtements à destination du public féminin et dans une même zone géographique identique, porte à confusion (Cass. Com. 25 octobre 1982. n°25-10.182). 

Chacune des actions en concurrence déloyale susmentionnées se invocables sur le droit de la responsabilité délictuelle via l’article 1241 du Code Civil qui dispose que « Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». 

La société victime devra, pour faire prospérer son action, démontrer l’existence d’une faute constituée par l’un ou les situations de concurrence déloyale visées ci-dessus, un préjudice ainsi qu’un lien de causalité. 

Outre une action au fond, cette action pourra même être diligentée en référé pour cesser une pratique commerciale déloyale dans les meilleurs délais et ce, même sous astreinte, et tendra à l’allocation de dommages et intérêts et l’éventuelle publication de la décision. 

III. LA DISTINCTION ENTRE ACTION EN CONTREFACON ET ACTION EN CONCURRENCE DELOYALE 

Comme il l’a été explicité ci-dessus, l’action en contrefaçon et l’action en concurrence déloyale ne reposent pas sur les mêmes fondements et sur les mêmes actions, chacune étant distinctes. 

Les deux actions peuvent être présentées au cours d’une même instance mais l’appréciation de leur régime, leur condamnation et leur réparation ne doit pas être confondue. 

En effet, la Cour de Cassation a estimé que « le cumul d’une action en contrefaçon et d’une action en concurrence déloyale n’est possible que si aux faits de contrefaçon spécialement condamnés par la loi viennent s’ajouter d’autres faits dont le caractère abusif ou excessif résulte des principes généraux du droit ou des usages fondés sur des règles de probité commerciale ; qu’il s’ensuit qu’un tel cumul d’actions implique qu’existent des faits distincts de contrefaçon d’une part et de concurrence déloyale de l’autre, une action en concurrence déloyale ne pouvant compléter une action en contrefaçon que si l’acte déloyal n’est pas l’accessoire de celui de contrefaçon mais en est détachable » (Cass. Com. 31 mars 2004. n°02-14.902 – Cass. Com. 19 janvier 2010. n°08-15.338, 08-16.459 et 08-16.469). 

Prenons deux exemples relatifs à la vente de produits pour étayer ce principe. 

En 2016, la Cour de Cassation a estimé que la contrefaçon, qualifiée par la reproduction servile de chaussures d’un concurrent, était cumulable avec l’action en concurrence déloyale, puisque ce contrefacteur avait apposé sur les chaussures contrefaites, un logo qui portait le discrédit sur les chaussures de la société victime (Com. 3 mai 2016, no 13-23.416). 

A l’inverse, en 2018, la Cour de Cassation a rejetée l’action en concurrence déloyale au motif que les produits contrefaits (produits vendus dans les même formats et dans une gamme identique à ceux de la société qui est véritablement titulaire des droits de propriété intellectuelle) ont été sanctionnés au titre de l’action en contrefaçon et que la simple reproduction contrefaisante de produits est insuffisante à elle seule pour prouver la confusion entre les deux marques sans pouvoir caractériser la confusion ou le parasitisme (Cass. Civ. 1. 24 octobre 2018. n°16-23.214). Seule l’action en contrefaçon a donc été retenue par la Cour de Cassation. 

Pour conclure, et selon les éléments factuels, l’action en contrefaçon et l’action en concurrence déloyale peuvent être invoquées à titre cumulatif ou supplétif. 

Faire appel à conseil spécialisé permet d’agir de la manière la plus efficace en choisissant la qualification la plus adaptée, et la stratégie qui en découle, pour faire respecter ses droits, et réparer ses préjudices. 

1 Articles L. 713-3 à L. 731-4 du Code de la Propriété Intellectuelle
2 Articles L. 511-1 à L. 522-2 du Code de la Propriété Intellectuelle
3 Articles L. 611-1 à L. 615-22 du Code de la Propriété Intellectuelle
4 Articles L. 111-1 à L. 139-1 du Code de la Propriété Intellectuelle
5 Articles L. 623-1 à L.623-44 du Code de la Propriété Intellectuelle.

Guillaume Gouachon
Avocat Associé

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