Publicité comparative : qualifications et sanctions
mardi 29 mars 2022

Publicité comparative : qualifications et sanctions

Il est assez fréquent de recourir à la publicité comparative, soit pour augmenter son référencement naturel, soit pour mettre en avant les caractéristiques et les fonctionnalités de ses produits. Cependant, les frontières sont parfois ténues avec le dénigrement ou les pratiques commerciales déloyales, qui rendent illicite la publicité comparative.

La publicité comparative est régie par les articles L 122-1 et suivants du Code de la consommation.

Cette réglementation est applicable à toute publicité qui compare des biens ou services en identifiant, implicitement ou explicitement, un concurrent ou des biens ou services proposés par un concurrent (C. consom. art. L 122-1, al. 1). 

Selon l’article L122-1 du Code de la consommation :

« Toute publicité qui met en comparaison des biens ou services en identifiant, implicitement ou explicitement, un concurrent ou des biens ou services offerts par un concurrent n'est licite que si :

 1° Elle n'est pas trompeuse ou de nature à induire en erreur ;
 2° Elle porte sur des biens ou services répondant aux mêmes besoins ou ayant le même objectif ;
 3° Elle compare objectivement une ou plusieurs caractéristiques essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives de ces biens ou services, dont le prix peut faire partie. »

Il est précisé dans l’article L. 122-2 du Code de la consommation que :

« La publicité comparative ne peut :

 1o Tirer indûment profit de la notoriété attachée à une marque «de produits ou de services », à un nom commercial, à d'autres signes distinctifs d'un concurrent ou à l'appellation d'origine ainsi qu'à l'indication géographique protégée d'un produit concurrent ;
 2o Entraîner le discrédit ou le dénigrement des marques, noms commerciaux, autres signes distinctifs, biens, services, activité ou situation d'un concurrent ;
 3o Engendrer de confusion entre l'annonceur et un concurrent ou entre les marques, noms commerciaux, autres signes distinctifs, biens ou services de l'annonceur et ceux d'un concurrent ;
 4o Présenter des biens ou des services comme une imitation ou une reproduction d'un bien ou d'un service bénéficiant d'une marque ou d'un nom commercial protégé. »

Sont pénalement sanctionnées les infractions à la réglementation relative aux publicités comparatives. S’appliquent,  le cas échéant, les peines prévues (C. consom. art. L 132-25) :

- en cas de pratique commerciale trompeuse (C. consom. art. L 132-2 s.) ; Il s’agit de sanctions pénales dès lors que la publicité comparative est constitutive d’une pratique commerciale trompeuse. L’annonceur risque une peine d’emprisonnement de deux ans et une amende de 300.000 euros. Le montant de l’amende peut s’élever jusqu’à 10% du chiffre d’affaires moyen annuel, calculé sur la base des trois derniers chiffres d’affaires annuels connus à la date des faits, ou jusqu’à 50% des dépenses engagées pour la réalisation de la publicité ou de la pratique constituant le délit.
- en cas de contrefaçon de marque (CPI art. L 716-9 et L 716-12). Les sanctions encourues dans ce cas peuvent aller jusqu’à  quatre ans d’emprisonnement et 400.000 euros d’amende..

D’autre part, votre publicité constitue également un dénigrement illicite.

Le dénigrement consiste à jeter le discrédit en répandant des informations malveillantes sur les produits, les services, le travail ou la personne d'un concurrent, sans reposer sur des éléments objectifs.

A ce titre, des dommages-intérêts peuvent être infligés pour concurrence déloyale, sur le fondement de l'article 1240 du Code civil relatif à la responsabilité civile extracontractuelle.

Il est de jurisprudence constante que le demandeur n'a pas à prouver l'existence de son préjudice, celui-ci résultant nécessairement de la faute commise (Cass. com. 14-6-2000 : RJDA 12/00 n° 1184).

Les exemples de condamnation de sociétés ayant diffusé des publicités comparatives considérées comme illicites sont nombreux, et transposables à la publicité litigieuse que vous diffusez au préjudice de ma cliente.

Dans cet ordre d'idées, est spécialement révélateur le différend qui a opposé deux entreprises de vente par correspondance, concernant la rapidité de leurs délais respectifs de livraison, les juges du fond jugeant en ces termes : « une société ne saurait manifestement dénigrer le produit adverse sous couvert d'une publicité comparative profitable au consommateur et attribuer de façon fallacieuse à son propre service des vertus supérieures. » (CA Douai, 2 oct. 1995 : JCP E 1995, pan. 1222). 

Dans une autre affaire, la société CEGETEL a été condamnée à indemniser la société France Télécom pour dénigrement dans une publicité comparative. Celle-ci mentionnait les propos « Vous êtes au courant que le prix du téléphone va baisser et comme une bonne nouvelle n'arrive jamais seule, votre abonnement va augmenter […] Eh oui, tout n'est pas comme le 7 ! Parce qu’aujourd’hui prendre le 7 c'est sans abonnement […] » (T. com. Nanterre 19 octobre 1999 n° 99F01233, France Telecom c/ SCS Cegetel)

Une publicité diffusée par une radio musicale représentant, entre le slogan « quand X est deuxième radio de France ça fait un drôle d'effet » et un tableau comparatif des chiffres relatifs à son auditorat et ceux de trois radios nationales généralistes, une boule de bowling la représentant roulant en direction de trois quilles correspondant à celles-ci et renversant deux d'entre elles, parmi lesquelles figurait son concurrent a été jugée illicite. Pour les juges du fond, cette publicité, qui représentait ledit concurrent comme une quille vacillante sur le point de tomber sous le coup de la boule de la société diffusant la publicité comparative, présentait un caractère nettement dénigrant (CA Paris 10-9-1999 : RJDA 11/99 n° 1263).

Le Tribunal de Commerce de Nanterre a également jugé illicite : « une publicité comparative reproduisant par un papier déroulé sur lequel est inscrit dix-huit fois le mot le mot abonnement au pluriel, un petit animal facilement indentifiable comme un coyote. Le Juge des référés du Tribunal de commerce de Nanterre considère « que dès lors l'allusion est claire pour un consommateur moyen qui comprend qu'il s'agit du système proposé par COYOTE ; que la comparaison est soulignée par le titre en gros caractères « pourquoi payer un abonnement. Le juge relève ensuite que « que de façon pernicieuse la société INFORAD ne se livre pas à une comparaison directe des appareils mais qu'au contraire elle reste très laconique sur les fonctionnalités de l'appareil qu'elle propose à la vente; que ce laconisme laisse croire à un consommateur moyen qu'il s'agit d'un appareil comparable à celui proposé par COYOTE SYSTEM alors que de l'aveu même d'INFORAD il s'agit d'un appareil ayant des fonctionnalités différentes plus nombreuses semble-t-il pour celui de la société COYOTE ; Que ce manque de précision constitue une tromperie qu'il y aura lieu de faire cesser en statuant dans les termes ci-après». (Ordonnance de référés T. com Nanterre, 5 juillet 2012)

Autre exemple de publicité jugée illicite : une campagne diffusée à Paris par une société de location de véhicules comparant les prix de cette société à ceux pratiqués par un concurrent. Cette campagne ne précisait pas que la location au prix annoncé n'était possible, le samedi, qu'à la condition de se rendre dans une agence à la périphérie de Paris. Elle  a été jugée illicite dans la mesure où l'omission de cette restriction importante pouvait induire le consommateur en erreur et l'empêcher de procéder à une comparaison objective des différences entre les offres (Cass. com. 1-7-2008 n° 07-15.839 : RJDA 12/08 n° 1317).

A été jugée comme illicite une publicité effectuée par un fabricant d'aspirateurs sans sac comparant l'un de ses aspirateurs à celui d'un concurrent avec la photographie des deux aspirateurs sous laquelle le message suivant était inscrit en gros caractères « X concentre ses efforts sur le silence ». En effet,  les juges du fond ont considéré :

- qu’elle n'est pas objective car la photographie des deux modèles d'aspirateurs permet d'identifier l'aspirateur concurrent mais pas celui de l'annonceur, de sorte que le consommateur ne peut pas comparer les caractéristiques spécifiques de chaque modèle ;
- que la publicité est trompeuse dès lors que l'affirmation « X concentre ses efforts sur le silence » induit que le fabricant concurrent délaisse la puissance d'aspiration de son appareil, alors qu’il s’agit d’un critère essentiel de choix d'un aspirateur, pour ne se concentrer que sur l'absence de bruit, critère qui revêt moins de pertinence ;
- qu’elle est dénigrante car les termes « Mais son appareil perd 1/4 de son aspiration » incitent à faire croire, par leur généralité, que dans tous les cas l'aspirateur X perd un quart de sa puissance d'aspiration, ce qui est inexact (CA Paris 5-11-2010 n° 09/21980 : RJDA 6/10 n° 687).

Une publicité diffusée par le constructeur automobile Renault a également été jugée illicite par la Cour d’Appel de Versailles. Elle reprenait le slogan « Qui mieux que Renault peut entretenir votre Renault ? » et dans laquelle des réparateurs, présentés sous une enseigne inexistante, étaient habillés dans des tenues similaires à celles portées par les salariés de centres de réparation automobile implantés en milieu urbain ou périurbain. Les juges du fond ont en effet considéré que les réparateurs, qui figuraient implicitement l'ensemble des réparateurs appartenant à des centres de réparation automobile ou des garagistes artisans étrangers au réseau du constructeur, étaient indéniablement présentés comme ignorants et totalement dépassés par la technologie des véhicules Renault (CA Versailles 16-3-2011 n° 10/00956 : RJDA 8-9/11 n° 741).

A été jugée comme illicite, une publicité présentant, à côté d'une cafetière à piston Bodum surmontée du slogan « Clearly the best way to brew coffee » (Assurément le meilleur moyen de faire du café), un amoncellement de capsules de café percées et déformées renvoyant implicitement aux capsules de la marque Nespresso, accompagné du slogan « Make taste not waste » (Faites du goût pas des déchets). La publicité mettait exclusivement en avant une caractéristique négative du produit d'un concurrent, présentée dans des conditions de nature à jeter le discrédit sur celui-ci (Cass. com. 25-9-2012 n° 11-21.266 : RJDA 12/12 n° 1110).

En dernier lieu, s’agissant de comparaisons effectuées uniquement en termes de prix, la Cour de cassation a, quant à elle, jugé que, pour que la comparaison soit pertinente pour le consommateur, les produits comparés doivent être identifiés ou désignés avec suffisamment de précision. Il peut ainsi être vérifié qu'ils répondent aux mêmes besoins, ce qui n'est pas le cas lorsqu'un tableau comparatif se contente de lister les produits sans autre précision (Cass. com. 31-10-2006 n° 05-10.541 : RJDA 4/07 n° 415).

Les infractions aux règles relatives à la publicité comparative peuvent par ailleurs être constatées et poursuivies par les agents de l’Administration économique qui peuvent, après une procédure contradictoire, enjoindre au professionnel de cesser la pratique de publicité comparative illicite, dans un délai raisonnable. Si, à l’issue de ce délai, le professionnel n’a pas respecté l’injonction de la DGCCRF, celle-ci peut prononcer une amende administrative à l’encontre de l’opérateur, d’un montant maximum de 3.000 € pour une personne physique et 15.000 € pour une personne morale.

Les agents de la DGCCRF peuvent également agir devant la juridiction civile pour demander au juge d’ordonner la cessation de la pratique, après en avoir avisé le Procureur de la République.

Enfin, la Loi pour par la Confiance Numérique prévoit des dispositions particulières applicables aux plateformes de comparaison en ligne qui doivent faire apparaître sur leur site une rubrique spécifique dédiée aux modalités de comparaisons.

Il est donc particulièrement important de faire contrôler par un conseil spécialisé le contenu comparatif, pour en conserver l’attractivité, tout en limitant le risque de sanctions qui peuvent s’avérer très lourdes.

Guillaume Gouachon 
Avocat Associé 


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