L’articulation entre « avantage sans contrepartie » et « déséquilibre significatif »

« Avantage sans contrepartie » et « déséquilibre significatif » : des fondements qui se cumulent, se recoupent mais dont le régime diffère. 

A l’heure où l’on parle d’avancer les négociations commerciales, il est intéressant de s’arrêter sur la décision rendue par la Cour d’appel de Paris du 10 mai 2023, au sujet notamment de la restitution des avantages accordés par une société de vente en gros de produits agricoles (SARL MPH Distribution), à différentes sociétés du Groupe Casino.

Rappels du cadre normatif applicable aux pratiques restrictives de concurrence

Cette décision se distingue particulièrement par ses nombreux rappels du cadre normatif applicable aux pratiques d’avantage sans contrepartie et de déséquilibre significatif.

Ainsi, par exemple, s’agissant de l’application de l’article L442-6 I 1° (devenu l’article L441-1) du code de commerce, relatif à l’avantage sans contrepartie, la Cour d’appel de Paris, reprenant la solution donnée par la Cour de cassation le 11 janvier dernier (Com, 11 janvier 2023, 21-11.163), rappelle que cet article s’applique aux réductions de prix, tels que les émissions d’avoirs ou l’octroi de réductions tarifaires.

De la même manière, s’agissant de la charge de la preuve de l’avantage sans contrepartie, la Cour rappelle qu’il appartient à la SARL MPH Distribution de prouver l’obtention (ou sa tentative) par son partenaire commercial d’un avantage quelconque et aux sociétés du Groupe Casino, d’établir au contraire la réalité et l’effectivité de la contrepartie, suffisante pour rééquilibrer le contrat appréhendé dans sa globalité.

Articulation entre la pratique d’avantage sans contrepartie et de déséquilibre significatif

Mais surtout, la Cour apporte des clarifications quant à l’articulation entre les pratiques d’obtention d’avantage sans contrepartie et de soumission (ou tentative) à un déséquilibre significatif.

On retiendra particulièrement que ces deux fondements peuvent être invoqués cumulativement ; pour autant, le préjudice ne sera évidemment indemnisé qu’une seule fois.

S’agissant du grief d’avantage sans contrepartie, c’est par la caractérisation de la cause de l’avantage que sa licéité pourra être démontrée. On notera que la cause ne doit pas nécessairement constituer un service commercial. En l’espèce, la Cour retient que si l’avoir est en soit un avantage, il faut identifier sa cause pour déterminer s’il existe une contrepartie. Celle-ci pouvait par exemple résider dans une simple correction de facture ou un retour de marchandise. En l’occurrence, la société MPH Distribution échouait dans sa démonstration.

S’agissant du grief de déséquilibre significatif, ou plus précisément de soumission ou tentative de soumission à un déséquilibre significatif, celui-ci requiert la double preuve de la soumission et du déséquilibre significatif. Cette notion se recoupe avec celle de l’avantage sans contrepartie ; en effet, pour écarter le grief, la Cour que l’absence de disproportion manifeste de contrepartie exclut l’existence d’un déséquilibre significatif. Ainsi, a contrario, l’absence de contrepartie constituera un élément d’appréciation du caractère significatif du déséquilibre.

Surabondamment, la Cour d’appel va mener l’examen de la soumission après avoir précisé que « l’absence d’avantage attendu par le cocontractant ou de réciprocité des obligations est de nature à éclairer subjectivement, à raison de la dimension purement unilatérale de la démarche, une volonté d’assujettissement », et constitue alors un indice de la soumission.

Encore faudra-t-il à celui qui se prétend victime d’étayer cet indice pour démontrer la soumission (ou tentative). En l’espèce, si la Cour retient l’existence d’une dépendance économique – qui « s’entend de l’impossibilité, pour une entreprise, de disposer d’une solution techniquement et économique équivalente aux relations contractuelles qu’elle a nouées avec une autre entreprise (Com, 12 février 2013, 12-13.603) » – elle relève l’existence d’une libre négociation exclusive de toute soumission.

Sur ce dernier point, on peut s’interroger sur la pérennité de cette interprétation de la soumission ; en effet, par décision du 7 juin 2023, la Cour d’appel a considéré que le critère de la dépendance économique était pertinent – même déterminant – pour l’analyse du critère de la soumission.

Déséquilibre significatif et avantage sans contrepartie : des régimes distincts

Enfin, cette décision apporte un dernier enseignement quant au régime juridique applicable à chacune de ces pratiques restrictives. Si elles paraissent perméables l’une à l’autre, leur régime juridique diffère.

Ainsi, comme le rappelle la Cour, la pratique d’obtention d’un avantage sans contrepartie « commande une analyse essentiellement objective et quantitative et s’opère terme à terme sans égard pour l’existence d’une soumission ». 

A l’inverse, la pratique de soumission (ou tentative) à un déséquilibre significatif, est « instrument de préservation de l’équilibre contractuel » dans son ensemble. Elle « implique une absence de négociation effective et autorise une mise en balance plus étendue et plus subjective et qualitative des droits et obligations des parties au contrat ».

Aussi, si ces deux fondements sont invoqués, il faudra procéder à des démonstrations distinctes.

Cour d’appel de Paris, Pôle 5 chambre 4, 10 mai 2023, n° 21/04967

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