
Nouvelles précisions sur la nature de l’avantage sans contrepartie
Des précisions intéressantes concernant le champ d’application de la notion d’avantage sans contrepartie ou manifestement disproportionné par rapport au service rendu ont été apportées par un arrêt la chambre commerciale de la Cour de cassation du 11 janvier 2023 (n°21-11.163), publié au bulletin.
Cette affaire oppose le ministre de l’Économie à la société OC Résidences, constructeur de maisons individuelles, laquelle recourait aux services de sous-traitance proposés par la société 3J.
En 2013, la société 3J a saisi la Direccte d’une plainte concernant deux pratiques mises en œuvre par la société OC résidences :
– la déduction d’une remise systématique de 2% sur le prix appliqué par la société OC résidences au titre du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) dont bénéficiait le sous-traitant ;
– l’octroi d’un escompte de 3% prévu pour les paiements à bref délais mais appliqué pour des factures réglées en retard.
En 2017, le ministre de l’Economie a assigné la société OC Résidences aux fins de voir juger que ces pratiques contreviennent aux dispositions de l’article L. 442-6, I, 1° (ancien) du code de commerce en ce qu’elles constituent une obtention ou une tentative d’obtention d’un avantage sans contrepartie.
Pour rappel, l’article L. 442-6, I (ancien) du code de commerce disposait notamment que :
« I. – Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers :
1° D’obtenir ou de tenter d’obtenir d’un partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu. Un tel avantage peut notamment consister en la participation, non justifiée par un intérêt commun et sans contrepartie proportionnée, au financement d’une opération d’animation ou de promotion commerciale, d’une acquisition ou d’un investissement, en particulier dans le cadre de la rénovation de magasins, du rapprochement d’enseignes ou de centrales de référencement ou d’achat ou de la rémunération de services rendus par une centrale internationale regroupant des distributeurs. Un tel avantage peut également consister en une globalisation artificielle des chiffres d’affaires, en une demande d’alignement sur les conditions commerciales obtenues par d’autres clients ou en une demande supplémentaire, en cours d’exécution du contrat, visant à maintenir ou accroître abusivement ses marges ou sa rentabilité ;
2° De soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ; […] »
Cette affaire a donné lieu une saisine de la CEPC par le Tribunal de commerce, laquelle a estimé, dans son avis n°18-6, qu’« une remise liée au bénéfice du CICE, de même qu’un escompte justifié par un délai de paiement non respecté, constituent des avantages sans contrepartie effectivement rendue en violation de l’article L. 442-6, I, 1° du code de commerce ».
Suivant cet avis, le Tribunal de commerce a enjoint à la société OC Résidence de cesser ses pratiques commerciales illicites et l’a condamné à la restitution des sommes indues perçues, par un jugement du 18 janvier 2019.
Par un arrêt du 4 novembre 2020, la Cour d’appel de Paris a réformé partiellement le jugement de première instance en considérant, d’une part, que la pratique de l’escompte litigieux n’était pas établie par les éléments de l’enquête et, d’autre part, concernant la pratique de la remise de 2% au titre du CICE, que l’article L. 442-6, I, 1° du code de commerce, ne s’appliquait pas aux réductions de prix au motif que « lorsque le prix n’a pas fait l’objet d’une libre négociation, son contrôle judiciaire ne s’effectue pas en dehors du déséquilibre significatif, au sens de l’article L. 442-6, I, 2° du code de commerce » (CA Paris, ch. 5-4, 4 nov. 2020, RG n°19/09129).
Saisie d’un pourvoi, la Cour de cassation a eu l’occasion de préciser le champ d’application du contrôle de l’avantage obtenu sans contrepartie, en se prononçant sur les questions de savoir si l’article L. 442-6, I, 1° du code de commerce s’applique :
1) aux relations entre un constructeur de maison individuelle et ses sous-traitants ;
2) aux réductions de prix.
Concernant la première question, confirmant sur ce point l’arrêt d’appel, la Cour de cassation, considère que l’article L.442-6, I (ancien) du code de commerce trouve pleinement à s’appliquer dans le cadre d’une relation de sous-traitance dans la mesure où ce texte n’édicte aucune règle incompatible avec la protection spéciale des sous-traitant prévue par le code de la construction.
Concernant la seconde question, cassant et annulant sur ce point l’arrêt d’appel, la Cour de cassation considère que « l’application de l’article L.442-6, I, 1° du code de commerce exige seulement que soit constatée l’obtention d’un avantage quelconque (…) ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu, quelle que soit la nature de cet avantage ».
Dès lors, l’avantage consistant en une réduction de prix imposée peut donc être soumis au contrôle de l’article L. 442-6, I, 1° du code de commerce.
Cette solution est aisément transposable au nouvel article L. 442-1, I, 1° du code de commerce, issu de l’ordonnance du 24 avril 2019, dont la substance reste la même que l’ancien article L.442-6, I, 1°.
Pour critiquer une réduction de prix imposée, on pourra donc désormais se fonder sur le déséquilibre significatif ou sur l’avantage sans contrepartie en l’absence de déséquilibre significatif.
Enfin, concernant l’escompte, la Cour de cassation a considéré que la cour d’appel n’avait pas analysé les factures et tableaux récapitulatifs produits alors qu’elle avait retenu, pour accueillir l’appel formé par la société OC résidences, qu’il n’était « nullement contradictoirement établi » qu’un escompte aurait été perçu en dehors des prévisions contractuelles.
Il conviendra donc d’être attentif à l’arrêt de la cour d’appel de renvoi qui se prononcera sur la sanction au titre de l’octroi indu de la remise de 2% et sur la qualification de la pratique concernant l’escompte.
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