Rupture brutale de relations commerciales établies et crise du secteur d’activité

La baisse des commandes, inhérente à un marché de crise, n’engage pas la responsabilité de son auteur au titre de la rupture brutale de relations commerciales établies.
 

L’article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce impose, en cas de rupture d’une relation commerciale établie, de respecter un préavis écrit tenant compte de l’ancienneté de cette relation. Cette disposition légale prohibe la rupture brutale y compris lorsqu’elle n’est que partielle, celle-ci pouvant être constituée par une diminution substantielle du volume de commandes entrainant une baisse significative du chiffre d’affaires (en ce sens, Cass. com. 7 juillet 2014, n°03-11.472 ; Cass. com. 23 janvier 2007, n°04-16.779). Il a toutefois été jugé que la rupture brutale de relations commerciales établies n’était pas caractérisée dès lors que la diminution de commandes intervenait de façon non délibérée (en ce sens, Cass. com., 12/02/2013, n°12-11.709).

La Cour de cassation a eu l’occasion de rappeler cette solution dans un arrêt en date du 8 novembre 2017, dans lequel elle confirme la décision des juges du fond d’avoir refusé d’imputer à un distributeur une rupture brutale de la relation commerciale établie avec son fournisseur en raison d’une situation conjoncturelle affectant le marché du textile.

En l’espèce, un distributeur, qui commercialisait des chemises, a confié, à partir de l’année 2000, à un fournisseur, la maîtrise d’œuvre de chemises fabriquées au Bangladesh, moyennant une rémunération par le biais de commissions calculées en fonction du volume des commandes. Reprochant à son distributeur d’avoir diminué le volume de ses commandes à partir de l’année 2008, le fournisseur l’a assigné en paiement de dommages et intérêts pour rupture brutale de relations commerciales établies et agissements parasitaires.

Débouté de ses demandes en première instance ainsi que devant la Cour d’appel de Paris, le fournisseur a formé un pourvoi en cassation.

Pour rejeter le pourvoi, la Cour de cassation juge, en premier lieu, que la Cour d’appel de Paris a pu retenir que la baisse des commandes du distributeur, inhérente à un marché en crise, n’engageait pas sa responsabilité, dès lors que, après avoir constaté que le distributeur n’avait pris aucun engagement de volume envers son partenaire, elle relevait que le distributeur avait « souffert d’une baisse de chiffre d’affaires d’un peu plus de 15 % du fait de la situation conjoncturelle affectant le marché du textile, baisse qu’elle n’a pu que répercuter sur ses commandes dans la mesure où un donneur d’ordre ne peut être contraint de maintenir un niveau d’activité auprès de son sous-traitant lorsque le marché lui-même diminue ».

Les juges du fond relevaient par ailleurs que, dans le même temps, le distributeur avait proposé une aide financière à son fournisseur pour faire face à la baisse de ses commissions « démontrant sa volonté de poursuivre leur relation commerciale » et ajoutaient que le fournisseur avait reçu des commissions au cours des douze derniers mois de l’année 2009, nonobstant le fait que le distributeur ait momentanément cessé de passer des commandes au cours de cette année.

En second lieu, les juges du fond relevaient que le fournisseur avait annoncé le 5 janvier 2010 qu’il augmentait le coût unitaire des chemises au motif que la baisse des commandes entraînait une augmentation de ses coûts de production, ce à quoi le distributeur a répondu le lendemain qu’il ne lui était plus possible de lui commander des chemises par suite de cette augmentation. Faisant ainsi ressortir que « la situation observée en 2010 était, elle aussi, une conséquence de la crise du secteur d’activité et de l’économie nouvelle de la relation commerciale qui en était résultée », la Cour de cassation juge que la Cour d’appel a légalement justifié sa décision.

Cass.com., 8 novembre 2017, n°16-15.285

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