Interprétation stricte de la prorogation légale de compétence du Tribunal de grande instance.
La prorogation légale de compétence du Tribunal de grande instance prévue à l’article L. 522-2 du Code de la propriété intellectuelle ne trouve à s’appliquer qu’à l’égard d’une question connexe de concurrence déloyale.
1. Les articles L. 521-3-1 et L. 522-2 du Code de la propriété intellectuelle prévoient :
« L. 521-3-1 :
Les actions civiles et les demandes relatives aux dessins et modèles, y compris lorsqu’elles portent également sur une question connexe de concurrence déloyale, sont exclusivement portées devant des tribunaux de grande instance, déterminés par voie réglementaire.
L. 522-2 :
Un décret en Conseil d’Etat détermine le siège et le ressort des juridictions de première instance et d’appel qui sont compétentes pour connaître des actions et des demandes prévues à l’article 80 du règlement (CE) n° 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires, y compris lorsque ces actions et demandes portent à la fois sur une question de dessins ou modèles et sur une question connexe de concurrence déloyale. »
Le décret visé à l’article L. 522-2 ci-dessus a inséré un article R. 522-1 qui, combiné à l’article R. 211-7 du Code de l’organisation judiciaire, prévoit que les actions et demandes de dessins ou modèles communautaires sont portées devant le Tribunal de grande instance de Paris :
« R. 522-1 :
Les actions et demandes en matière de dessins ou modèles communautaires prévues par l’article L. 522-2 sont portées devant les tribunaux de grande instance mentionnés à l’article R. 211-7 du code de l’organisation judiciaire.
R. 211-7 du Code de l’organisation judiciaire :
Le tribunal de grande instance compétent pour connaître des actions en matière de marques, dessins et modèles communautaires, dans les cas et conditions prévus par le code de la propriété intellectuelle, est celui de Paris. »
La même règle est prévue aux articles L. 716-3 et L 717-4 du Code de la Propriété intellectuelle pour les actions civiles et les demandes relatives aux marques, ou à l’article L.615-17 du même code pour les actions civiles et les demandes relatives aux brevets d’invention.
De manière générale, l’article L. 331-1 du Code de la propriété intellectuelle prévoit que ce principe s’applique pour les actions civiles et les demandes relatives à la propriété littéraire et artistique :
« Les actions civiles et les demandes relatives à la propriété littéraire et artistique, y compris lorsqu’elles portent également sur une question connexe de concurrence déloyale, sont exclusivement portées devant des tribunaux de grande instance, déterminés par voie réglementaire ».
2. En l’espèce, une société et son gérant assigne la société La Redoute pour contrefaçon de leurs droits sur des modèles qu’ils avaient protégés ainsi que pour concurrence déloyale, abus de dépendance économique et rupture brutale d’une relation commerciale établie.
Devant le juge de la mise en état du Tribunal de Grande Instance, la société La Redoute avait soulevé l’incompétence, notamment matérielle, de la juridiction saisie pour connaître des demandes relatives à la rupture brutale d’une relation commerciale établie et à l’abus de dépendance économique.
La Cour d’appel a estimé que le Tribunal de grande instance de Paris était compétent pour connaître de l’ensemble des demandes aux motifs que l’exposé des faits à l’origine du litige établissait l’existence d’un lien entre les faits de contrefaçon, de concurrence déloyale, de rupture d’une relation commerciale établie et d’abus de dépendance économique, qui se sont enchainés à la même époque en affectant les rapports entre les mêmes parties qui entretenaient des flux d’affaires et qu’en raison de ce lien et de l’influence potentielle de la solution donnée à chacune des actions initiées, il apparaissait utile de les instruire et juger ensemble.
La Cour d’appel avait ainsi jugé le Tribunal de grande instance de Paris compétent sur le fondement de la connexité (art. 101 du Code de procédure civile).
La Cour de cassation casse l’arrêt en ce qu’il a déclaré le Tribunal de grande instance de Paris compétent pour connaître de l’ensemble du litige au motif que « la prorogation légale de compétence du tribunal de grande instance prévue par ce texte ne trouve application qu’à l’égard d’une question connexe de concurrence déloyale ».
La Cour de cassation confirme donc que l’article L. 522- 2 du Code de la propriété intellectuelle est d’interprétation stricte : le Tribunal de grande instance de Paris n’est pas compétent pour connaître de questions connexes autres que celle relative à la concurrence déloyale, peu importe l’existence de lien de connexité entre les faits invoqués.
On rappellera qu’aux termes d’un jugement rendu le 22 juin 2012, le Tribunal de grande instance de Paris avait jugé que « si la rupture abusive des relations commerciales a une nature délictuelle, il est constant que cette demande ne constitue pas une demande au titre des faits connexes de concurrence déloyale puisqu’elle vise à sanctionner une rupture brutale des relations commerciales et non des actes fautifs au regard du risque de confusion dans l’esprit de la clientèle » (TGI Paris, 22/06/2012, n°11/12556).
Par ailleurs, il aurait été étonnant que la Cour de cassation adopte une position contraire.
On rappellera que la rupture brutale des relations commerciales (C. com. art. L. 442-6) et l’abus de dépendance économique (C.com. L. 420-2) relèvent de la compétence exclusive de huit (8) tribunaux de commerce (C.com art. D.442-3 et R. 420-3).
La Cour de cassation a par ailleurs qualifié la compétence spéciale prévue à l’article L. 442-6 du Code de commerce de « pouvoir juridictionnel exclusif » des juridictions spécialisées. (Cass, Com, 31/03/2015, n° de pourvoi 14-10016). Les autres juridictions n’ont aucun pouvoir de juger dans ces affaires. Il s’agit d’une fin de non-recevoir.
Cass.com. 6 septembre 2016, RG n° 15-16.108
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