
Quel moyen opposer au bailleur pour suspendre le paiement des loyers COVID ?
Dans un arrêt rendu le 16 décembre 2021, la Cour d’appel de Douai, statuant au fond sur la question de la licéité d’une mesure d’exécution, apporte une réponse éclairée.
Face à un bailleur qui sollicite le paiement des loyers relatifs aux périodes de fermeture administrative d’un local, un preneur peut invoquer différents motifs juridiques tels que : la suspension des effets du contrat, l’exception d’inexécution, la force majeure et la perte de la chose louée.
En effet, contrairement à ce que peuvent prétendre certains bailleurs, la jurisprudence en matière de loyers des périodes de fermeture administrative n’est pas encore fixée.
Ainsi, les décisions rendues, en référé mais également au fond, sur le fondement de la perte de la chose louée sont particulièrement intéressantes.
C’est ainsi qu’ont retenu le moyen tiré de la perte de la chose louée :
– Statuant au fond : le Tribunal Judiciaire de Toulouse (1er juillet 2021 n°21/02415) et celui de La Rochelle (23 mars 2021 n° 20/02428),
– Statuant en matière de référé : la Cour d’appel de Paris (12 mai 2021, n°20/17489, Pôle 1 Chambre 2 ; 7 mai 2021, n°20/15102, Pôle 1, Chambre 8), et celle de Versailles (14ème chambre, 4 mars 2021, n°20/02572).
Très récemment, ce motif d’exonération des loyers des périodes de fermeture administrative a été retenu par la Cour d’Appel de Douai statuant au fond.
Dans son arrêt, rendu le 16 décembre 2021, sur un appel interjeté à l’encontre d’une décision du Juge de l’exécution de Lille, la Cour a considéré :
« Ainsi, entre le 15 mars 2020 et le 10 mai 2020, la société X n’a pu, en application des mesures susvisées, utiliser les locaux loués conformément à leur destination essentielle, c’est-à-dire pour y recevoir sa clientèle.
(…)
Dès lors, l’impossibilité dans laquelle elle s’est trouvée pendant la période en cause d’utiliser les lieux loués conformément à la destination convenue s‘analyse en une perte partielle de la chose justifiant qu’elle soit, au titre de cette période, dispensée du paiement des loyers, l’absence de faute du bailleur étant inopérante… »
Ce faisant la Cour d’appel a rejeté l’argumentation du bailleur consistant à soutenir que la perte de la chose louée ne concernerait que la destruction physique des locaux et non sa « perte juridique ».
Cette « perte juridique », qualifiée de partielle, résulte de l’impossibilité pour le preneur d’utiliser les locaux conformément à leur destination contractuelle.
Sur ce fondement, la Cour d’appel considère que les loyers de la période de fermeture des locaux n’étaient pas dus.
Dans cette affaire, le preneur a donc pu voir diminuer le montant de la saisie-attribution qui avait été pratiquée par le bailleur sur ses comptes.
D’un point de vue pratique, il est rappelé la nécessité pour le preneur afin de préserver ses droits :
– En premier lieu, de notifier au bailleur une argumentation juridique justifiant du non-paiement des loyers en cas de fermeture administrative COVID, et exposant les motifs de la suspension des effets du contrat, de l’exception d’inexécution, de la force majeure et, en particulier, de la perte de la chose louée.
– En deuxième lieu, de nouer un dialogue avec le bailleur en vue de rechercher les bases d’un protocole d’accord.
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