Attention au déplafonnement en cas de changement de destination du bail

Le changement d’activité du preneur, amiablement ou par le processus de déspécialisation, permet le déplafonnement du loyer, ce qu’il convient d’anticiper avec son bailleur.

La solution apportée par la Haute juridiction dans son arrêt en date du 15 février 2023 permet de rappeler les principes essentiels de la fixation du loyer du bail renouvelé, tout en apportant quelques précisions.

En matière de fixation du loyer du bail renouvelé pour les boutiques, on connaît les règles édictées par les articles L. 145-33 et L. 145-34 du code de commerce.

Le loyer du bail renouvelé doit être fixé à la valeur locative.

Cette valeur locative se détermine judiciairement au regard de cinq critères, à savoir :

1 Les caractéristiques du local considéré ;
2 La destination des lieux ;
3 Les obligations respectives des parties ;
4 Les facteurs locaux de commercialité ;
5 Les prix couramment pratiqués dans le voisinage ;

Le déplafonnement du loyer, c’est-à-dire, lorsque la valeur locative est supérieure au loyer issu de la variation des indices, ne peut être obtenu que si le bailleur arrive à démontrer, au cours du bail expiré, une modification notable des caractéristiques du local considéré, ou de la destination des lieux, ou des obligations respectives des parties, ou encore des facteurs locaux de commercialité.

Pour mémoire, l’article L. 145-51 du code de commerce dispose que :

« Lorsque le locataire ayant demandé à bénéficier de ses droits à la retraite ou ayant été admis au bénéfice d’une pension d’invalidité attribuée par le régime d’assurance invalidité-décès des professions artisanales ou des professions industrielles et commerciales, a signifié à son propriétaire et aux créanciers inscrits sur le fonds de commerce son intention de céder son bail en précisant la nature des activités dont l’exercice est envisagé ainsi que le prix proposé, le bailleur a, dans un délai de deux mois, une priorité de rachat aux conditions fixées dans la signification. A défaut d’usage de ce droit par le bailleur, son accord est réputé acquis si, dans le même délai de deux mois, il n’a pas saisi le tribunal judiciaire.

La nature des activités dont l’exercice est envisagé doit être compatible avec la destination, les caractères et la situation de l’immeuble.

Les dispositions du présent article sont applicables à l’associé unique d’une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, ou au gérant majoritaire depuis au moins deux ans d’une société à responsabilité limitée, lorsque celle-ci est titulaire du bail ».

En cas de mise en œuvre de cette déspécialisation au cours de la vie du bail commercial, il y a donc modification de la destination des lieux.

Cela étant, contrairement à la modification des caractéristiques du local considéré, des obligations respectives des parties, ou encore des facteurs locaux de commercialité, qui doivent présenter un caractère notable, il apparaît que la modification des obligations des parties constitue par elle-même une modification « notable » de la destination des lieux, sans qu’il soit nécessaire de démontrer une quelconque incidence favorable.

C’est en ce sens qu’a statué à plusieurs reprises la Cour de cassation (Cass. 3e civ.,18 janv. 2012, n° 11-10.072 ; Cass. 3e civ., 22 janv. 2013, n° 11-25.030 ; Cass. 3e civ., 11 avril 2019, n° 18-13668).

Dans sa décision du 15 février 2023, la Haute juridiction rappelle ce principe, en statuant ainsi :

« La cour d’appel a énoncé, à bon droit, que la cession du droit au bail, dans les conditions de l’article L. 145-51 du code de commerce, emportant malgré une déspécialisation, le maintien du loyer jusqu’au terme du bail, ne privait pas les bailleurs du droit d’invoquer, au soutien de leur demande en fixation du loyer du bail renouvelé, le changement de destination intervenu au cours du bail expiré.

Elle a relevé à juste titre qu’il ne pouvait être déduit du non-exercice par les bailleurs de leur droit de rachat prioritaire ou de l’absence d’opposition en justice à la déspécialisation, leur renonciation à solliciter, lors du renouvellement du bail, le déplafonnement du loyer ».

Les précisions apportées relatives à l’absence d’exercice par les bailleurs, de leur droit de rachat prioritaire ou de leur absence d’opposition à la déspécialisation, ne permettent pas de renoncer à solliciter, lors du renouvellement du bail, le déplafonnement du loyer, n’apparaissent donc pas surprenantes.

En définitive, il est opportun, lors d’une modification de la destination, quelle qu’en soit la forme, de trouver un accord avec le bailleur pour éviter le déplafonnement du loyer.

Enfin faut-il rappeler qu’en cas de modification de la destination non autorisée, le bailleur disposerait de deux alternatives, tenter de résilier le bail de ce chef ou d’en déplafonner le loyer.

Cass. 3ème civ., 15 février 2023, n° 21-25.849

Nicolas Pchibich

Avocat Associé

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