Marques : lorsque c’est son usage qui la rend distinctive

Une marque peut devenir distinctive par l’usage qui en est fait. C’est ce qu’illustre cette décision de la Cour de Cassation. 

Nous avons régulièrement abordé dans ces chroniques les questions liées à la distinctivité des marques qui, nous vous le rappelons, est une condition de validité d’une marque. Ainsi, pour pouvoir être valablement enregistré, un signe ne doit pas être descriptif des produits ou services que l’on souhaite protéger par cette marque.

Si la distinctivité d’un signe que l’on souhaite utiliser à titre de marque est appréciée lors de l’enregistrement de la marque, le droit de la propriété intellectuelle reconnaît également la possibilité qu’un signe devienne distinctif par l’usage qui en a été fait. 

Cette décision de la Cour de cassation vient illustrer cette l’application de cette règle et vient par la même occasion clore une saga judiciaire qui durait depuis 2013. D’ailleurs, il convient de relever que la Cour de cassation qui était saisie pour la deuxième fois suite à un deuxième arrêt de la Cour d’appel de Paris saisie sur renvoi suite à une première cassation, a usé de la faculté qu’un article du code de l’organisation judiciaire lui confère, pour statuer au fond, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice. 

Le contentieux portait sur la marque Rent a Car, marque utilisée par une société de location de véhicule. La Cour de cassation retient tout d’abord que les éléments produits par la société Rent A Car montrent que la marque est clairement identifiée, parmi les français titulaires du permis de conduire, comme une marque de location de voiture. Elle fait même partie des marques de location les plus connues. Également, la marque verbale, c’est à dire sans mise en forme particulière, évoquait la marque semi Figurative dont l’intensité de l’usage et le caractère distinctif n’était pas contesté. Cet usage de la marque verbale démontrait que le public pertinent percevait ladite marque verbale comme une partie de la marque semi figurative, que la première avait acquis un caractère distinctif en conséquence de l’usage de la seconde. Elle relève également que la combinaison de l’usage intensif de la marque semi-figurative, dont le caractère distinctif n’était pas contesté, de la renommée de la dénomination sociale et de l’enseigne, l’usage intensif du nom commercial Rent a car, ainsi que du logo pour désigner l’activité de location de véhicule, le fait que les sondages démontrent que le consommateur moyen établissait un lien entre les termes Rent a Car et les services fournis par cette société, permettaient de démontrer que la marque avait acquis un caractère distinctif pour ces mêmes services.

Cet arrêt est intéressant puisqu’il vient illustrer les modalités d’acquisition de distinctivité d’une marque verbale par l’usage qui en est fait. On relève notamment en l’espèce que cette acquisition du caractère distinctif par la marque verbale est dérivé de l’usage d’une marque semi-figurative, dont la distinctivité n’était pas contestée. 

Pour les promoteurs de réseau, il convient, afin de pouvoir fonder valablement un contrat de distribution qui comportera une licence de marque, de toujours se baser sur une marque qui soit distinctive dès l’origine. À défaut. Il existe un risque important puisqu’en l’absence de distinctivité acquise par l’usage, l’ensemble des contrats qui seraient basés sur une marque non valide seraient nuls. 

Cass. Com., 7 juillet 2021 n°19-16028