lundi 13 mars 2017

Comment sécuriser la période précontractuelle lors du recrutement des franchisés ?

Une grande prudence doit être observée par les enseignes qui recrutent leurs futurs franchisés à l’occasion de la délivrance de l’information précontractuelle.

 

En effet, les franchiseurs sont soumis à une obligation générale d’information précontractuelle, qui repose sur le nouvel article 1112-1 du Code civil selon lequel « Celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant ». Les franchiseurs peuvent également être soumis à l’obligation spéciale d’information précontractuelle, qui les oblige à remettre un certain nombre d’informations dans le cadre d’un document d’information précontractuel (DIP), lorsque les conditions d’application de l’article L.330-3 du Code de commerce sont réunies. 

Ces informations ont pour objet de permettre au candidat de s’engager en toute connaissance de cause. Le franchiseur doit donc s’assurer de la sincérité des informations transmises. Sinon, le franchisé qui se serait engagé sur la foi d’informations précontractuelles non sincères, ou qui n’aurait pas reçu une information qui aurait pu déterminer son consentement, pourra soutenir que son consentement a été vicié, et agir en nullité du contrat de franchise

Si la nullité du contrat de franchise est prononcée, le franchiseur doit alors restituer au franchisé les sommes qu’il a versées au titre du contrat, comprenant notamment le droit d’entrée et les redevances. 

Des procédures permettant de sécuriser la période précontractuelle doivent être adoptées par les enseignes, en vue de se prémunir contre toute action en nullité du contrat de franchise sur le fondement d’un vice du consentement du fait d’un manquement à l’obligation d’information précontractuelle.

A ce titre, les enseignes devront collecter auprès des candidats un certain nombre d’informations qui pourraient leur être opposées dans le cadre d’une éventuelle action en nullité (1), mettre en place un processus rigoureux et organisé, afin d’attester de la sincérité des informations fournies (2), et permettre de conserver la preuve de la délivrance de l’information précontractuelle (3).  Enfin, le franchiseur pourrait se prémunir contre une action en nullité du contrat de franchise par le franchisé dans le cadre d’une action confirmatoire (4). 

1. La collecte des informations qui pourront être opposées au franchisé

a. Les questions au candidat sur sa formation, son expérience professionnelle et sa connaissance du marché 

Dans le cadre de l’appréciation du vice du consentement du franchisé, la jurisprudence procède à une analyse in concreto, c’est-à-dire au cas par cas. Les juges tiennent compte de la personne, de l’expérience et de la connaissance que le franchisé a de son marché. 

On peut donc opposer au franchisé son expérience et sa connaissance du marché considéré pour rejeter tout vice du consentement.

Le franchiseur a donc intérêt à recueillir, pendant la période précontractuelle, toutes les informations sur le candidat sur son expérience professionnelle, sur sa formation, sur sa connaissance du marché général et du marché local, ou encore sur les premières démarches qu’il aurait effectuées en vue d’adhérer à l’enseigne. Toutes ces informations pourront être opposées au franchisé dans le cas d’une éventuelle action en nullité du contrat de franchise du fait d’un vice du consentement. 

Des questions précises sur l’ensemble de ces éléments devront donc figurer dans le dossier de candidature. 

b. Amener le franchisé à réaliser ses propres investigations et lui faire reconnaître qu’il l’a fait 

Il conviendra de rappeler au candidat qu’en qualité de commerçant indépendant, il a le devoir de se renseigner, afin d’analyser la faisabilité économique de son projet. 

Ainsi, il est fréquemment reconnu que s’il n’a pas réalisé lui-même sa propre étude de marché, le franchisé n’est pas fondé à se plaindre d’un manquement du franchiseur à son obligation d’information précontractuelle. 

Dans le cadre d’une action en nullité fondée sur la remise de comptes prévisionnels, il peut également être reproché au franchisé de ne pas avoir vérifié auprès des autres membres du réseau, dont les coordonnées lui ont été transmises par le franchiseur, que les données qui lui ont été communiquées ont été réalisées par d’autres membres du réseau. 

Par conséquent, il est nécessaire de recommander au candidat de réaliser ses propres investigations (réalisation d’une étude de marché, établissement des comptes prévisionnels, contact avec les autres membres du réseau etc…). Le franchiseur devra conserver la preuve de la réalisation de ces démarches, en se faisant par exemple communiquer l’étude de marché réalisée par le candidat. 

Toutefois, concernant les comptes prévisionnels, les franchiseurs devront prendre soin de ne pas les valider s’ils leur sont transmis. Ils devront, le cas échéant, attirer l’attention du candidat s’ils étaient gravement erronés. 

Dans le contrat de franchise, il conviendra par ailleurs de faire reconnaître au franchisé qu’il a reçu  effectivement réalisé ces diligences, et qu’il estime en conséquence que son consentement est parfaitement éclairé. 

c. L’interrogation du candidat sur les informations non fournies qui seraient utile  à son consentement 

Le nouvel article 1121 du Code civil implique que tous les franchiseurs doivent désormais s’assurer que les informations fournies au candidat, notamment dans le cadre du DIP, sont suffisantes pour éclairer son consentement. En effet, le candidat ne doit pas pouvoir leur reprocher de d’avoir caché telle ou telle information pendant la période précontractuelle, sur le fondement de l’article 1121 du Code civil. 

Dans ce contexte, il appartient au franchiseur de faire reconnaître au candidat, pendant la période précontractuelle, qu’il a la faculté, dans le cas où il estimerait que les informations fournies n’étaient pas suffisantes, de signaler au franchiseur toute information qui serait utile à parfaire son consentement. Il appartiendrait alors au franchiseur, s’il était en possession de cette information, de la fournir au candidat franchisé.

2. La création d’un processus destiné à garantir la sincérité de l’information 

a. La rédaction d’un DIP structuré qui reprend toutes les informations exigées

Il est indispensable d’établir un DIP type, parfaitement structuré au regard des exigences légales, et en fonction de la situation personnelle de chaque candidat, d’adapter ensuite ce modèle. Le franchiseur devra vérifier que le DIP qu’il remet comporte toutes les informations requises par la loi, notamment concernant l’état local de marché, propre à chaque candidat.  

Il faudra également de veiller à mettre régulièrement à jour les informations délivrées dans le DIP

b. Un DIP mis à jour régulièrement

Il est régulier qu’un manquement du franchiseur à son obligation d’information précontractuelle soit reconnu du fait du caractère trop ancien des informations fournies, et en particulier dans les états de marché. 

En effet, la jurisprudence considère que la fourniture d’informations trop anciennes dans le DIP contribue à vicier le consentement du franchisé (CA Paris, 30 juin 2011 RG 06/20603, considérant que la fourniture d’informations trop anciennes ne permet pas au franchisé d’apprécier les perspectives de rentabilité du commerce qu’il envisage d’exploiter).

Le franchiseur doit donc mettre en place une procédure rigoureuse en vue d’assurer la mise à jour régulière du DIP

Les informations suivantes devront notamment être mises à jour : les évolutions éventuelles du franchiseur, les résultats comptables du franchiseur des deux dernières années précédant la remise du DIP, la liste des membres qui ont cessé de faire partie du réseau au cours de l’année précédant la remise du DIP, la liste des membres du réseau. 

Si le franchiseur réalise lui-même les états de marché remis au candidat, il conviendra également de veiller, à fournir des données les plus récentes possible, et à les dater. 

3. Sécurisation la preuve de la remise de l’information précontractuelle 

Parfois, le respect des obligations légales visées ci-dessus ne suffit pas à se garantir contre les actions en nullité de la part des franchisés. En effet, certains franchisés n’hésiteront pas, par opportunisme, à prétendre, après plusieurs années d’exécution de leur contrat, et alors même que le franchiseur a parfaitement respecté ses obligations, qu’ils n’ont jamais reçu les informations précontractuelles que le franchiseur avait l’obligation de leur fournir. 

Dans l’hypothèse où le franchiseur n'est pas en mesure de prouver qu'il a bien délivré les informations requises au titre de l’information précontractuelle, il se retrouve dans la même situation que s'il n'avait pas respecté son obligation. 

Il risque dès lors de se voir opposer la nullité du contrat de franchise du fait d’un vice du consentement, et d’en supporter les conséquences financières.  

C’est le franchiseur qui doit rapporter la preuve du respect de ses obligations.

S’il n’a pas mis en œuvre un processus rigoureux en vue de conserver la preuve du respect de son obligation d’information précontractuelle, le franchiseur peut se voir condamner alors même qu’il a respecté ses obligations. 

Une procédure normée pour la remise du DIP doit donc être mise en place, afin d’en assurer la preuve. 

Dans le cadre d’une remise d’un DIP en version papier, il est ainsi recommandé de remettre au candidat un exemplaire complet, et de lui faire parapher et signer un second exemplaire complet. Un simple accusé de réception du document, qui ne permettrait pas d’établir la preuve du contenu des informations remises, n’est pas suffisant. 

Pour  prouver que toutes les annexes du DIP ont bien été remises au candidat, il est recommandé de faire parapher chaque page du DIP, annexes comprises. 

Enfin, il conviendra de bien conserver ce document. 

Pour éviter les risques et les contraintes liées à l’archivage des DIP remis (perte, destructions, coûts, place etc…), la signature d’un DIP  électronique peut être envisagée via un procédé utilisant un processus de certification permettant d’identifier le candidat franchisé, la signature électronique, et un système d’horodatage permettant de garantir la date de réception du DIP. 

Dès lors, le candidat ne pourra plus contester la date de délivrance ou la remise effective des informations contenues dans le DIP signé électroniquement.  

Au-delà de la preuve de la remise du DIP, il est nécessaire de conserver la preuve des tous les éléments permettant d’établir que le candidat a reçu ou recueilli des informations indépendamment du DIP (sur l’enseigne,  sur les membres du réseau, sur le savoir-faire, sur les produits ou services objets du contrat par exemple). 

Ces éléments sont autant d’informations qui ont participé à parfaire son consentement, et qui pourront lui être opposés s’il prétendait que son consentement a été vicié. 

Par exemple, si le franchiseur propose à ses candidats de prendre connaissance d’une partie du manuel-opératoire, de la charte graphique ou encore de la charte architecturale du réseau, il conviendra de lui faire remplir une fiche de consultation du document. Sur cette fiche devront notamment figurer les références du document consulté, la date de consultation, la durée de la consultation, ainsi qu’une question à l’attention du candidat pour établir si cette consultation lui a permis de répondre aux questions qu’il pouvait se poser sur le document présenté. 

4. La prescription abrégée

La réforme du droit des obligations entrée en vigueur le 1er octobre 2016 crée de nouvelles opportunités pour les enseignes, en particulier dans le cadre de l’information précontractuelle, parmi lesquelles figure l’action confirmatoire visée à l’article 1183 du Code civil.

Cet article dispose que :

 « Une partie peut demander par écrit à celle qui pourrait se prévaloir de la nullité soit de confirmer le contrat soit d'agir en nullité dans un délai de six mois à peine de forclusion. La cause de la nullité doit avoir cessé. 

L'écrit mentionne expressément qu'à défaut d'action en nullité exercée avant l'expiration du délai de six mois, le contrat sera réputé confirmé ». 

Ainsi, le franchiseur peut, après quelques mois d’exécution du contrat de franchise, demander par écrit à son franchisé soit de confirmer le contrat de franchise soit d’agir en nullité dans un délai de 6 mois à peine de forclusion, notamment sur le fondement d’un vice du consentement du fait de l’information précontractuelle du franchiseur.  

Par exemple, cette action pourra être mise en œuvre concernant l’état général et local de marché, ou encore les comptes prévisionnels qui auraient été remis au franchisé. 

Le franchisé devra alors évaluer sa connaissance de l’état général et local de marché au regard des informations fournies par le franchiseur, ou encore la rentabilité de son activité, au regard notamment des comptes prévisionnels. 

Faute d’action en nullité dans le délai de 6 mois, le contrat sera réputé confirmé. Le franchisé ne pourra donc plus agir en nullité du contrat de franchise du fait d’un dol portant sur l’état général ou l’état local de marché, ou du fait d’une erreur sur la rentabilité. Ce mécanisme se révèle particulièrement intéressant pour les franchiseurs. Il leur permet de se prémunir contre toute action en nullité du contrat de franchise au titre de l’information précontractuelle.   

Cette action devra cependant être mise en œuvre avec discernement, en raison des difficultés managériales que cela pourrait créer avec le franchisé, et des exigences sur le plan juridique de cette action. 

En effet, cette action ne produit son plein effet que si la cause de nullité du contrat a cessé. En matière de vice du consentement, cela signifie que le vice doit avoir été découvert par la victime. En clair, le franchisé doit avoir compris, par exemple s’agissant des états de marché,  qu’une information qui aurait dû lui être fournie par le franchiseur ne l’a pas été. S’agissant des comptes prévisionnels, le franchisé doit avoir compris qu’il ne réalisera pas son budget prévisionnel et mesuré l’écart entre celui-ci et sa réalisation. Il est évident qu’à défaut, l’action n’aura aucun autre effet que de faire apparaître le franchiseur comme particulièrement déloyal.

Il faudrait finalement que le franchiseur mette en œuvre cette action dans un délai assez court, après la conclusion du contrat, mais suffisamment tard pour que le franchisé ait pu prendre connaissance de l’information qui ne lui aurait pas été délivrée, ou qu’il ait été en mesure de comparer sa prévision à sa réalisation. 

Pour les raisons exposées ci-dessus, on pourra préférer à cette action d’autres techniques, moins impactantes de la relation avec le franchisé, comme la prescription anticipée. Dans ce cas, les parties conviennent conventionnellement, de ramener le délai de prescription à un an au lieu de cinq. Le délai courant à partir de la découverte du vice en matière de vice du consentement, le franchiseur doit, en présence d’une clause de prescription abrégée, contribuer à la découverte du vice pour acquérir la prescription le plus tôt possible.

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