Bail commercial et rupture abusive des pourparlers
lundi 18 septembre 2017

Bail commercial et rupture abusive des pourparlers

Attention au motif invoqué pour rompre les pourparlers !

La Cour d’appel de Lyon a rendu le 09/05/2017 un arrêt condamnant un candidat preneur à bail commercial ayant mis un terme aux pourparlers engagés avec le propriétaire.

Les faits sont les suivants : 

Dans son courriel du 29 mars 2012, la société Bowling Star s'est engagée à prendre en location les lieux présentés, sans précision de surface des locaux (« Suite à nos différents contacts, nous vous confirmons que nous prenons en location le local que vous nous avez présenté ». 

Le courriel énonçait ensuite les quelques points principaux sur lesquels les parties s’étaient accordées), à savoir : durée du bail, prix du loyer au m2, indexation, modalité de calcul du cautionnement, date de début de paiement des loyers, prise en charge des travaux de réfection.

Le propriétaire a ensuite adressé un projet de bail. 

Dans sa réponse, la société Bowling Star a demandé des amendements sur de nombreux articles.

Par message du même jour, le propriétaire a répondu positivement à l'intégralité de ces remarques.

La société Bowling Star a demandé si la superficie énoncée au bail commercial prenait « en compte la surface souhaitée par la salle de fitness ». 

En l’espèce, le loyer était fonction de la surface, selon un prix au m2.

Le bailleur a précisé :

« La superficie énoncée ne prend pas en compte la surface souhaitée par la salle de fitness (700 m²). Compte tenu de la non réponse à ce jour de la Gigagym, et conscient que la superficie est légèrement supérieure à celle initialement prévue et afin de vous faciliter dans votre gestion, nous vous proposons de modifier l'article 13 en vous donnant la possibilité de sous-location ».

Sur la conclusion du bail

Ainsi, la Cour d’appel a constaté qu'à ce stade les parties n'étaient pas pleinement d'accord sur la surface à louer et donc sur le prix.

Dès lors, la Cour d’appel a confirmé le jugement de première instance en ce qu'il a jugé que le bail n'était pas valablement conclu, faute de rencontre des volontés des cocontractants sur un élément déterminant du contrat.

Sur la rupture abusive des pourparlers

La société Bowling Star a justifié la rupture des pourparlers de la manière suivante :

« Après réunion de notre Commission de développement et devant les investissements nécessaires et l'absence de visibilité de l'évolution du quartier à courte ou moyenne échéance, nous ne donnons pas suite au projet d'installation d'un bowling et des activités connexes dans le bâtiment proposé [...]».

La Cour a relevé et constaté que, pour motiver la rupture des pourparlers :

- la société Bowling Star ne faisait aucunement référence à un quelconque désaccord sur les conditions du bail.

- cette rupture est intervenue immédiatement après l’échange précité des parties, sans demande d'explications complémentaires et sans tentative d'obtenir que le bail soit conclu pour la superficie convenue initialement ou pour un prix fixé en fonction de cette seule superficie.

La Cour d’appel relève que « Force est de constater que la société Bowling Star s'est bornée à évoquer des contingences internes ».

Elle en déduit que, compte-tenu du courriel adressé un mois avant, annonçant un engagement de prendre à bail, la rupture des pourparlers n'était pas intervenue de bonne foi.

Selon les juges du fond, il appartenait à la société Bowling Star de réunir sa « commission de développement » avant de s'engager comme elle l’a fait.

La Cour conclut que cette rupture a donc été abusive et a occasionné au propriétaire un préjudice constitué par une perte d'exploitation et l'immobilisation du bien pendant toute cette période et même au-delà puisque cette société a pu légitiment penser que la société Bowling Star était valablement et définitivement engagée.

Compte tenu de la valeur du bail (226 680 € par an la première année, sur la base de la surface réduite) et de la durée des pourparlers qui sera évaluée à 2 mois, la Cour a évalué le préjudice à la somme de 50 000 €.

Rappelons que la bonne foi dans les pourparlers est de l’appréciation souveraine des juges du fond. L’arrêt ci-dessus apparait sévère à l’encontre du candidat preneur alors qu’un désaccord demeurait entre les parties sur un point déterminant (la surface des locaux et donc le loyer). Toutefois, la motivation de l’arrêt laisse à penser que la position de la Cour aurait été différente si le candidat preneur, au lieu d’invoquer des raisons internes, avait motivé sa réponse en manifestant leur désaccord sur la surface louée et en laissant au propriétaire la faculté de se positionner sur ce point. 

Cet arrêt est à rapprocher d’un arrêt de la Cour d’appel de Paris qui a condamné le bailleur, dans des proportions bien moindres : La Cour a été jugé que la rupture des pourparlers par le propriétaire, en vue de la conclusion d'un bail commercial est fautive, dans la mesure où 1°) le seul point de désaccord concernait les garanties à fournir par le futur locataire, où 2°) aucune date butoir n'avait été évoquée, aucun délai n'était fixé dans la dernière correspondance émanant du propriétaire. Les juges du fond ont considéré que le propriétaire ne pouvait sans abus rompre des pourparlers 9 jours seulement après avoir envoyé une proposition correspondant aux souhaits du futur preneur, sans attendre la réponse à cette proposition (CA Paris, 16e ch. B, 13 déc. 2002, n° 2001/18540).

CA Lyon, civ. 1ère section B, 9 mai 2017 n°16/00694

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