Contrat de franchise et clause d’approvisionnement exclusif
Eclairage intéressant sur les clauses d’approvisionnement exclusif dans les contrats de franchise, sur leur validité et sur les liens entre le franchisé et le fournisseur référencé (CA Paris, 11 mai 2016).
Un franchisé avait conclu un contrat de franchise avec un franchiseur, pour l’exploitation d’une boulangerie. Le contrat de franchise imposait au franchisé de ne s’approvisionner qu’auprès du fournisseur spécifiquement référencé et désigné dans le contrat, lequel avait développé un process innovant de fabrication de pain traditionnels et spéciaux au levain naturel, livrés congelés.
Les clauses du contrat de franchise organisant cet approvisionnement expliquaient que les produits du fournisseur référencé constituent « un facteur de transmission du savoir-faire au franchisé et participe au développement de la marque et de l’enseigne » et que la « spécificité des produits fabriqués par [le fournisseur] contribue à l’image et à l’identité du réseau du fait de leur originalité et de la qualité des produits fournis ».
Considérant que le franchiseur avait manqué à de nombreuses obligations, le franchisé a notifié au franchiseurla résiliation du contrat de franchise 51 mois avant le terme de celui-ci. Le franchiseur a assigné le franchisé en vue d’être indemnisé du dommage résultant de la résiliation anticipée du contrat. Condamné en première instance par le tribunal de commerce de Marseille, le franchisé a interjeté appel.
Parallèlement, le fournisseur référencé a assigné l’ancien franchisé pour obtenir l’indemnisation du préjudice résultant de la rupture fautive de la convention de fourniture exclusive contenue dans le contrat de franchise, estimé à la marge correspondant aux commandes qui auraient dû être passées jusqu’au terme normal du contrat. A titre subsidiaire il sollicitait l’indemnisation du préjudice résultant de la rupture sans préavis des relations commerciales établies avec le franchisé. Le tribunal de commerce de Marseille a condamné l’ancien franchisé à verser au fournisseur une somme d’environ 460.000 euros au titre de la rupture fautive du contrat de franchise.
Le franchisé a interjeté appel devant la Cour d’Appel de Paris.
S’il est fréquent qu’à la suite de rupture de relations par des franchisés, les fournisseurs référencés cherchent à obtenir l’indemnisation du préjudice subi, leurs demandes sont souvent fondées sur la rupture abusive des relations commerciales établies ou sur la responsabilité délictuelle : la résiliation fautive du contrat de franchise leur a causé un préjudice qui doit être indemnisé. En l’espèce, le fournisseur invoquait l’existence d’une stipulation pour autrui résultant du contrat de franchise. Le franchisé contestait cette qualification, considérant que le fournisseur était tiers au contrat de franchise.
La cour, après avoir rappelé que la stipulation pour autrui est « un contrat en vertu duquel un personne appelée stipulant demande à une autre personne, appelée promettant, de s’engager envers une troisième personne, le tiers bénéficiaire » relève que le contrat précise que le franchiseur a demandé au franchisé de s’engager à se fournir exclusivement auprès du fournisseur identifié au contrat. Elle en conclut qu’il y avait une volonté manifeste des parties de faire naitre au profit du fournisseur un droit contre le franchisé et ce, dès l’accord entre le franchiseur et le franchisé.
Le franchisé contestait par ailleurs la validité de la clause d’approvisionnement, considérant qu’elle s’analysait en une clause de non concurrence au sens du règlement européen d’exemption n° 2790/1999 du 22 décembre 1999 (remplacé désormais par le règlement n° 330/2010 du 20 avril 2010). Or, ce règlement précise que les clauses de non-concurrence d’une durée supérieure à cinq ans ne permettent pas de bénéficier de l’exemption que ce règlement accorde à des accords qui pourraient sinon être sanctionnés au titre des ententes.
La Cour d’appel considère également que la clause d’approvisionnement exclusif s’analyse en une clause de non-concurrence au sens du règlement d’exemption. Elle rappelle toutefois que les accords de franchise, au-delà de l’exemption catégorielle résultant du règlement, peuvent bénéficier d’exemptions individuelles. Elle rappelle ainsi que les clauses « indispensables pour empêcher que le savoir-faire transmis et l’assistance apportée par le franchiseur profitent à des concurrents », comme celles qui « organisent le contrôle indispensable à la préservation de l’identité et de la réputation du réseau symbolisé par l’enseigne » ne constituent pas des restrictions de la concurrence au sens de l’article 101 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE) et de l’article L. 420-1 du Code de commerce.
Après avoir relevé les justifications à la clause d’approvisionnement résultant du contrat, la Cour d’Appel souligne que le franchisé n’apporte aucun élément de preuve pour démontrer que la clause ne serait pas indispensable à la protection du savoir-faire, à la préservation de l’identité et la réputation du réseau, alors que cette preuve lui incombait. Elle considère donc que la clause d’approvisionnement exclusif doit être réputée valable.
Par contre, compte tenu de l’absence de décision d’appel contre la décision de première instance dans le litige opposant le franchisé au franchiseur, et de son nécessaire impact sur le litige opposant le franchisé au fournisseur, la cour d’appel a sursis à statuer sur les conséquences de la rupture, le temps que cette décision soit rendue.
Le fondement juridique de la stipulation pour autrui utilisé dans cette affaire peut présenter un intérêt pour justifier une demande d’indemnisation par un fournisseur. En effet, en créant un lien juridique direct entre le franchisé et le fournisseur, elle permet au fournisseur de réclamer la perte de marge qu’il aurait dû percevoir jusqu’au terme normal du contrat. Une action fondée sur une rupture des relations commerciales établies ne permet pour sa part que d’obtenir la marge correspondant à la durée du préavis non effectué, lequel sera notamment fonction de la durée de la relation écoulée sans que les tribunaux n’accordent généralement des préavis supérieurs à deux ans, pour des relations commerciales ayant pu durer plusieurs dizaines d’années. En l’occurrence, le fournisseur réclamait la marge correspondant aux 51 mois qui restaient à courir au titre du contrat.
Toutefois, cette solution dépendra de la rédaction du contrat de franchise concerné et du lien que les parties ont entendu créer entre le franchisé et le fournisseur.
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