A qui du bailleur ou du locataire incombe le coût du ravalement ?

L’obligation de délivrance du bailleur encore et toujours ! A défaut de stipulation expresse, le coût des travaux de ravalement de l’immeuble peut incomber au bailleur, même si le bail prévoit qu’ils doivent être supportés par le preneur.

Les circonstances sur lesquelles la Cour de cassation a dû se prononcer sont singulières.

C’est certainement l’une des raisons qui n’a pas permis la publication de cette décision au bulletin des arrêts, alors même que la solution, si particulière soit-elle, témoigne d’une fine analyse.

La Haute juridiction a approuvé la cour d’appel qui, après avoir énoncé que les travaux prescrits par l’autorité administrative relèvent, en vertu de l’article 1719 du code civil, de l’obligation de délivrance du bailleur et sont à la charge de ce dernier sauf stipulation expresse contraire, a relevé que le bail faisait obligation au preneur de supporter les frais de ravalement de l’immeuble mais ne comportait aucune stipulation concernant les travaux prescrits par l’autorité administrative.

La cour d’appel avait également constaté que l’injonction avait été faite au propriétaire de l’immeuble de procéder au ravalement de la façade sur rue et d’un mur pignon par arrêté du 17 novembre 2011 notifié au bailleur, qui était à la fois copropriétaire et gérant de la société bailleresse, ce dont il résultait que cet acte était opposable à la seconde.

La Haute juridiction poursuit en retenant que la cour d’appel, en a justement déduit que les travaux de ravalement étaient à la charge de la bailleresse et que la résolution de l’assemblée générale du 11 décembre 2013 du syndicat constitué de ces deux copropriétaires n’avait pas été librement votée mais dictée par l’arrêté du 17 novembre 2011, de sorte que la bailleresse ne pouvait se prévaloir du protocole d’accord conclu le 21 juin 1986 par lequel la locataire s’était engagée à exécuter la totalité du ravalement de l’immeuble, sur le fondement duquel aucune demande n’avait été adressée avant la mise en œuvre de la procédure d’injonction.

Les décisions condamnant les bailleurs à prendre à leur charge le coût des travaux de copropriété à défaut de stipulation expresse contraire, sont maintenant innombrables (Pour illustration : Cass. 3ème civ., 13 juin 2012, n° 11-17114 ; Cass. 3ème civ., 11 octobre 2018, n° 17-18553 ; Cass. 3ème civ., 16 mars 2023, n° 21-25.106).

La Cour de cassation a tout de même en l’espèce, retenu une conception particulièrement large de cette obligation de délivrance, en considérant que la clause du bail mettant le ravalement à la charge du locataire était insuffisante à lui faire supporter le coût de ce ravalement lorsque celui-ci, même décidé en assemblée générale des copropriétaires, a été rendu nécessaire par une injonction administrative.

Notons qu’une décision similaire avait été rendue dans le même sens, en date du 10 mai 2001 :

« Attendu que pour accueillir cette demande, l’arrêt retient que la société locataire ne conteste pas que, par application de l’article 3 du bail, elle est tenue d’effectuer le ravalement et que le fait qu’il y ait une injonction de l’autorité administrative ne modifie pas la nature de l’obligation d’entretien de la société Hôtel Le Bouquet de Montmartre ;

Qu’en statuant ainsi, alors que les travaux prescrits par l’autorité administrative sont à la charge du bailleur, sauf stipulation expresse contraire concernant ces travaux, la cour d’appel, qui n’a pas constaté que le bail contenait une telle stipulation, a violé le texte susvisé » (Cass. 3ème civ., 10 mai 2001, 96-22.442).

Toutefois, lorsque c’est le locataire qui est tenu d’effectuer des travaux de mise aux normes, et que le bail prévoit une autorisation préalable du bailleur pour procéder à tous travaux, cette autorisation doit effectivement être obtenue, sous peine de résiliation du bail (Cass. 3ème civ., 26 sept. 2001, Bull. civ. III, n° 102).

Rappelons par ailleurs, que si l’article R. 145-35, 1° du code de commerce prévoit désormais que « ne peuvent être imputés au locataire les dépenses relatives aux grosses réparations mentionnées à l’article 606 du code civil ainsi que, le cas échéant, les honoraires liés à la réalisation de ces travaux », tous les travaux de ravalement ne relèvent pas de ceux visés par l’article 606 du code civil.

Le ravalement peut être considéré comme une grosse réparation lorsque les travaux nécessitent la reprise de l’étanchéité de la façade, alors que tel ne serait pas le cas dans l’hypothèse de simples travaux de peinture.

On sait par ailleurs que depuis un arrêt du 13 juillet 2005 largement publié, la Haute juridiction a défini les grosses réparations comme celles qui intéressent « l’immeuble dans sa structure et sa solidité générale » (Cass. 3ème civ., 13 juil. 2005, Bull. civ. III, n° 155).

A défaut d’accord entre les parties sur la nature des travaux à réaliser et leur prise en charge, un expert judiciaire devrait être désigné.

Cass. 3ème civ., 15 juin 2023, n° 21-19.396
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