Agent commercial, faute grave et indemnité de rupture

La Cour d’appel de Poitiers fait application de la jurisprudence récente de la Cour de cassation en matière de faute grave et d’indemnisation.

Il y a un peu plus d’un an, la Cour de cassation changeait sa position en matière d’invocation par un mandant d’une faute grave commise par un agent commercial (voir Cass. com., 16 nov. 2022, n°21-17.423).

Pour rappel, un agent commercial dont le contrat prend fin a droit à une indemnité compensatrice du préjudice qu’il subit, sur le fondement de l’article L.134-12 du code de commerce. Cette indemnité vient compenser le fait que l’agent commercial développe la clientèle d’un autre et ne se constitue pas pour lui-même un fonds de commerce qu’il pourrait valoriser.

L’article L.134-13 du code de commerce pour sa part définit plusieurs exceptions à ce droit à indemnité, parmi lesquels l’hypothèse où « la cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l’agent commercial ».

Jusqu’à l’arrêt précité de novembre 2022, la jurisprudence française considérait de manière extensive que la découverte d’une faute grave postérieurement à la notification de la résiliation du contrat justifiait de ne pas verser d’indemnité à l’ancien agent commercial. Depuis cet arrêt de novembre 2022 il convient au contraire de retenir qu’une faute grave découverte postérieurement à la résiliation du contrat n’empêche pas l’agent commercial de toucher son indemnité. Il s’agit là d’une interprétation plus stricte, dans la lignée de la position des juridictions européennes.

L’arrêt récent de la Cour d’appel de Poitiers fait donc application de cette nouvelle jurisprudence. En l’espèce une société avait résilié le contrat d’un de ses agents commerciaux au motif qu’il n’aurait pas respecté une obligation légale de formation continue. L’agent justifiant avoir accompli ses obligations de formation, il ne saurait y avoir aucune faute, a fortiori grave. Le mandant invoquait alors de nouveaux manquements considérés comme graves, lesquels n’avaient toutefois pas été visés à la lettre de rupture.

La Cour rappelle le principe posé par la Cour de cassation en novembre 2022 et relève qu’aucun des nouveaux manquements invoqués n’étant mentionnés dans la lettre de rupture du contrat, il n’est donc pas possible de priver l’agent commercial de son droit à indemnité.

Cette position appelle plusieurs remarques. Du point de vue de la loyauté contractuelle ou dans la conduite du contentieux, elle semble adaptée, en imposant aux mandants de donner l’ensemble des raisons ayant justifié la résiliation du contrat. Seules ces fautes pourront le cas échéant être discutées pour déterminer si le droit à indemnité est du ou non. Toutefois, dans certaines hypothèses il est tout à fait possible que des manquements ne soient découverts qu’après la résiliation du contrat, lesquelles seraient malgré tout constitutifs d’une faute grave et auraient pu fonder une résiliation aux torts de l’agent commercial, sans indemnité.

Cela revient à donner une prime aux agents les plus habiles à dissimuler leurs fautes, ou à ceux dont le mandant aurait manqué de rigueur en ne visant pas l’ensemble des fautes commises.

Il est donc essentiel pour les enseignes qui souhaitent mettre un terme aux contrats de leurs agents commerciaux pour faute grave, de recenser le plus exhaustivement possible les fautes reprochées avant de notifier la résiliation, laquelle devra viser l’ensemble desdites fautes, pour éviter toute impossibilité ensuite de se prévaloir d’autres manquements.

(CA Poitiers, 2e ch., 7 novembre 2023, n°22/01754).

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