Quand invoquer la faute grave d’un agent commercial ?
vendredi 5 mai 2023

Quand invoquer la faute grave d’un agent commercial ?

La Cour de cassation change sa jurisprudence pour considérer désormais que le manquement d’un agent commercial découvert après la résiliation de son contrat ne le prive pas de son droit à indemnité. 

Un agent commercial a en principe droit à une indemnité lorsque se termine son contrat. Celle-ci est usuellement équivalente à deux années de commission. Il existe toutefois des cas dans lesquels cette indemnité n’est pas due, définis à l’article L.134-13 du Code de commerce. Parmi ces cas il est notamment prévu l’hypothèse dans laquelle l’agent commercial a commis une faute grave. Le 1° de l’article L.134-13 précise ainsi que la réparation prévue par l’article L.134-12 n’est pas due lorsque « la cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l’agent commercial ». 

Le caractère grave de la faute commise par l’agent est apprécié souverainement par les tribunaux.

Se pose par contre la question de savoir à quel moment une faute grave de l’agent doit être invoquée pour pouvoir justifier du droit à indemnité de l’agent. Plus précisément, un agent commercial dont le contrat a été résilié sans que ne soit invoquée une faute grave à son encontre perd-il son droit à indemnité si une telle faute grave est découverte après la résiliation de son contrat ?

C’est sur cette question que s’est prononcée la Cour de cassation le 16 novembre dernier, à l’occasion d’un arrêt qui est venu changer radicalement la jurisprudence française établie jusqu’à présent. En effet, la jurisprudence française considérait jusqu’à présent que si un manquement grave était découvert même postérieurement à la résiliation du contrat de l’agent commercial, l’existence de ce manquement privait l’agent commercial de son droit à indemnité. Autrement formulé, dès lors qu’il pouvait être invoqué un manquement grave contre un agent commercial, même si ce n’était pas ce manquement qui était à l’origine de la résiliation de son contrat, l’agent devait être privé de son droit à indemnité (par ex : Cass. com., 1er juin 2010, n°09-14.115 ou Cass. com., 19 juin 2019, pourvoi n° 18-11.727).

Toutefois cela était contraire à la jurisprudence européenne, rendue sur le fondement de la directive 86/653/CE du 18 décembre 1986 relative à la coordination des droits des Etats membres concernant les agents commerciaux indépendants. La Cour de Justice de l’Union Européenne considérait que cette exception au droit à indemnisation de l’agent était d’interprétation stricte. En conséquence, l’article 18 a) de la directive ne saurait être interprété comme ajoutant un cas de déchéance non expressément prévu par le texte (CJUE, 28 oct. 2010, Volvo Car Germany GmbH, C-203/09). Dans un autre arrêt (CJUE 19 avr. 2018, CMR c/ Demeures terre et tradition SAR, C-645/16), la CJUE rappelait que toute interprétation de l’article 17 de la directive pouvant être au détriment de l’agent était exclue.

La chambre commerciale de la Cour de cassation a donc relevé qu’il apparaissait « nécessaire de modifier » sa jurisprudence. Elle a donc décidé de « retenir désormais que l’agent commercial qui a commis un manquement grave, antérieurement à la rupture du contrat, dont il n’a pas été fait état dans la lettre de résiliation et a été découvert postérieurement à celle-ci par le mandant, de sorte qu’il n’a pas provoqué la rupture, ne peut être privé de son droit à indemnité. »

La Cour de cassation fait donc désormais une interprétation stricte du 1°) de l’article L. 134-13 pour n’écarter l’indemnisation de l’agent que si la faute grave a « provoqué » la rupture. 

Cette décision fait suite à une autre évolution récente de la jurisprudence en lien avec la notion de négociation, qui avait appliqué le statut d’agent commercial aux mandataires qui n’avaient aucune faculté de négocier les prix des biens ou services qu’ils proposent au nom et pour le compte de leur mandant, contrairement à ce qui était précédemment admis. Cette évolution, qui au lieu de résulter d’une interprétation stricte des textes, comme dans la présente décision, résultait d’une interprétation extensive de ceux-ci. Elle résultait par contre comme en l’espèce d’un alignement de la Cour de cassation (Cass. com., 16 juin 2021, n°19-21.585) sur la position de la CJUE (CJUE, 4 juin 2020, n°C-828/18). 

Cass. com., 16 nov. 2022, n°21-17.423

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