
La bonne foi et le commandement de payer
Les locataires peuvent éviter la résiliation de leur bail commercial, en invitant la juridiction saisie à vérifier que le bailleur agit de bonne foi. A défaut, comme en témoigne cette décision de la cour d’appel de Paris, le bail ne peut être résilié.
La résiliation du bail commercial : clause résolutoire ou résiliation judiciaire
La clause résolutoire est un mécanisme contractuel, prévu entre les parties, pour faciliter la résiliation du bail pour une faute qui serait commise par le preneur.
À la différence de la résiliation judiciaire, le juge qui est appelé à statuer sur une demande d’acquisition d’une clause résolutoire ne disposera d’aucun pouvoir d’appréciation de la gravité de l’infraction commise (Cass. 3e civ., 3 avr. 2012 n°11-15.378)
C’est dire que si l’infraction est validée par le juge, le bail est censé être résilié.
Il s’agit donc d’une clause particulièrement dangereuse pour le locataire.
C’est la raison pour laquelle le statut des baux commerciaux encadre cette prérogative du bailleur.
L’encadrement par le statut des baux commerciaux de la mise en œuvre de la clause résolutoire
D’une part, l’article L. 145-41 du code de commerce, qui est d’ordre public, précise que toute clause résolutoire ne produit effet qu’un mois après un commandement resté infructueux.
D’autre part, le preneur peut solliciter des délais. Il s’agira souvent de délais de paiement et le juge des référés mettra en place un échéancier de paiement.
Dès lors, comme toute prérogative contractuelle, la clause résolutoire doit être mise en œuvre de bonne foi et le juge doit en empêcher un usage déloyal et ce, conformément à l’article 1104 du code civil.
Un commandement de payer délivré de mauvaise foi est privé d’effet
Il est maintenant de jurisprudence constante en matière d’acquisition de clause résolutoire d’un bail commercial, qu’un commandement est privé d’effet lorsque celui-ci est délivrée de mauvaise foi (Cass. 3ème civ., 13 mai 1997, n° 95-17172 ; Cass. 3ème civ., 27 octobre 2010, n° 09-69820 ; Cass. 3ème civ., 1er décembre 2016, n° 15-25884 ; Cass. 3ème civ., 23 mai 2015, n° 14-12606 ; Cass. 3ème civ., 10 septembre 2020, n° 19-17141).
La Haute juridiction a de nouveau rappelé ce principe dans une récente décision en date du 25 avril 2024, en statuant ainsi :
« En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la clause résolutoire avait été mise en œuvre de bonne foi par la bailleresse, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision » (Cass. 3ème civ., 25 avril 2024, n° 23-10384).
Les dernières décisions de la cour d’appel de Paris poursuivent cette construction jurisprudentielle (Pour illustration : CA Paris, 6 octobre 2022, n° 22/01407).
Il faut de plus garder à l’esprit que le juge a l’obligation de rechercher, à la demande du locataire, si le bailleur revendique le bénéfice de la clause résolutoire de bonne ou de mauvaise foi (Cass. 3ème civ., 5 juin 1991, n° 8921166 ; Cass. 3ème civ., 8 septembre 2016, n° 13-28063).
La jurisprudence sanctionne ainsi le bailleur dont l’attitude, appréciée à la date de délivrance du commandement, révèle que sa volonté réelle est étrangère aux motifs visés au commandement.
Il a pour illustration été jugé que le bailleur agissait de mauvaise foi lorsque :
- le bailleur savait que le locataire était absent au moment où le commandement a été délivré ;
- le bailleur s’est prévalu comme motif de déplafonnement des travaux exécutés par le locataire, à l’égard desquels il a fait ensuite délivrer un commandement ;
- le bailleur fait preuve d’une intention maligne d’évincer le preneur d’un magasin qu’il préméditait de reprendre « sans bourse déliée ».
Dans son arrêt rendu le 3 octobre 2024, la cour d’appel de Paris a considéré que le bailleur faisait preuve de mauvaise foi dès lors que les locaux étaient devenus inexploitables du fait qu’il avait manqué à son obligation de délivrance.
Le bailleur étant dès lors responsable de la situation, il ne pouvait tenter de résilier le bail par l’usage d’un commandement de payer.
Une décision similaire avait d’ailleurs été rendue par la Haute juridiction, lorsque le bailleur avait fait délivrer commandement de payer les loyers alors que les locaux étaient inexploitables en l’absence de travaux de mise en conformité dont la charge lui incombait (Cass. 3ème civ., 11 février 2004, AJDI 2004, p. 197).
Les locataires commerçants peuvent ainsi s’opposer aux commandements de payer qui leur sont délivrés à la requête de leurs bailleurs, en invoquant notamment leur mauvaise foi.
Cour d’appel de Paris, 3 octobre 2024 n°24/011459
Nicolas PCHIBICH
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