Obligation de bonne foi du bailleur dans la délivrance d’un commandement de payer visant la clause résolutoire
vendredi 2 décembre 2022

Obligation de bonne foi du bailleur dans la délivrance d’un commandement de payer visant la clause résolutoire

Un commandement de payer délivré de mauvaise foi ne permet pas au bailleur de faire constater en référé l’acquisition de la clause résolutoire du bail commercial

En l’espèce, un preneur, exploitant un supermarché sous enseigne, rencontre des difficultés économique. Dans le cadre de la crise sanitaire du Covid-19, il adresse plusieurs courriers à son bailleur pour solliciter une franchise de loyer ainsi qu’une demande de renouvellement. Le bailleur ne prend pas la peine de répondre à ces différents courriers et croit utile de faire signifier à son preneur un commandement de payer visant la clause résolutoire. Avant l’expiration du délai d’un mois imparti au locataire, pour payer les sommes visées au commandement ou pour  le contester, le bailleur fait procéder à une saisie conservatoire sur ses comptes.

Le bailleur assigne alors le preneur en référé pour faire constater le jeu de la clause résolutoire, ordonner son expulsion et obtenir sa condamnation au paiement de l’arriéré et de diverses sommes. Le Juge des référés dit n’y avoir lieu à référé sur la demande en constatation de la clause résolutoire et, en ce qui concerne les sommes dues, accorde un échéancier de paiement de 24 mois au preneur. Le bailleur interjette appel.

La Cour d’appel de Paris, statuant en matière de référé, rappelle qu’en l’absence d’apurement des causes du commandement dans le délai imparti, « le locataire ne peut remettre en cause l’acquisition de la clause résolutoire sauf à démontrer la mauvaise foi du bailleur lors de la délivrance du commandement de payer. L’existence de cette mauvaise foi doit s’apprécier lors de la délivrance de l’acte ou à une période contemporaine à celle-ci ». 

La Cour constate qu’en l’espèce, le bailleur n’a jamais répondu aux courriers et à la demande de renouvellement du preneur et que la saisie-attribution a été pratiquée avant l’expiration du délai d’un mois suivant la délivrance du commandement. De fait, la Cour considère que le bailleur a agi et de mauvaise foi et que la demande d’acquisition de la clause résolutoire se heurte à une contestation sérieuse. Ce faisant, elle confirme l’ordonnance du Juge des référé.

Observations :

L’exigence de la bonne foi dans la délivrance du commandement est classique. L’arrêt a le mérite de le rappeler dans le contexte de la crise sanitaire. Même s’il a été jugé que les loyers des périodes de fermeture administrative sont exigibles (cf. notre commentaire sur les arrêts de la Cour de cassation du 30 juin 2020), le principe de la bonne foi, dans l’exercice d’une prérogative contractuelle, reste applicable au bailleur.

L’arrêt comprend également des développements intéressants sur le quantum de la dette locative, la Cour approuvant le Juge des référés de ne pas avoir :
- condamné le preneur au paiement des honoraires de gestion 
- accueilli la demande de provision issue de l’indexation du loyer fondée sur une clause ne fonctionnant qu'à la hausse.

Commentaire de l’arrêt rendu 6 Octobre 2022 par la Cour d'appel de Paris (Pôle 1, chambre 2,– n° 22/01407)

 

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