
COVID-19 : Obligation de fermeture : peut-on invoquer la force majeure (fait du prince) pour ne pas payer ses loyers ?
Votre point de vente est fermé par décision administrative dans le cadre de la lutte contre le COVID 19 : quels sont vos droits ?
Coronavirus COVID-19 et Force majeure par fait du prince
En vertu de l’article 1218 du Code civil, la force majeure est un évènement qui empêche l’exécution du contrat, et qui a les caractères suivants :
– il est extérieur aux parties au contrat (il échappe au contrôle du débiteur) ;
– il est imprévisible, ce qui s’apprécie au moment de la conclusion du contrat ;
– il est irrésistible, ce qui qui se caractérise par l’impossibilité d’éviter ses effets par des mesures appropriées (art. 1218 du Code civil).
Le fait du Prince est défini comme « une décision de l’autorité publique qui a pour conséquence de porter atteinte à l’équilibre financier de situations contractuelles et qui, en matière civile, peut constituer un cas de force majeure » (G. Cornu, Assoc. H. Capitant, Vocabulaire juridique : Puf, Quadrige, 8e éd., 2007, V° Fait du prince, a et b).
Il désigne ainsi un acte des pouvoirs publics constituant un obstacle absolu et insurmontable à l’exécution d’obligations conventionnelles ou légales.
Par exemple, constitue un tel obstacle à l’exécution du contrat:
- le non-renouvellement, par l’Administration, de l’agrément donné à un salarié nécessaire pour travailler dans un établissement de jeux (Cass. soc., 7 mai 2002 : N° de pourvoi: 00-42370).
- la saisie par les autorités publiques de marchandises que le transporteur devait livrer (Cass. com., 5 oct. 1953 : Bull. civ. 1953, III, n° 280)
- Le retrait par l’administration au motif de précautions sanitaires d’un permis de construire (Cass. 3ème civ, 1 juin 2011 N° de pourvoi: 09-70502)
Les conditions pour que soit admise la force majeure résultant du fait du Prince sont les suivantes :
- Le fait du Prince s’entend d’une mesure régulière.
- Une mesure qui n’est pas provoquée par la faute de celui qui voudrait s’en prévaloir (par exemple, la fermeture d’un établissement pour activité illicite).
- Les juges des deux ordres de juridiction exigent ensuite que le fait du Prince présente, au moment de la conclusion du contrat, un caractère imprévisible pour le débiteur.
- Le fait du Prince doit enfin présenter un caractère irrésistible pour le débiteur.
Un arrêt admet même que le fait d’être mis dans l’impossibilité de continuer son activité dans les mêmes conditions par le fait du Prince est un cas de force majeure.
C’était l’hypothèse d’une clinique, dont le siège se trouvait en Guadeloupe, et qui avait reçu de l’autorité administrative l’ordre d’évacuer ses locaux, en raison d’un risque d’éruption du Volcan la Soufrière, et de les transférer dans d’autres bâtiments plus éloignés du Volcan, mais non conçus pour abriter la totalité de ses activités, ce qui l’a conduite à licencier du personnel ou à suspendre des contrats de travail. La Cour d’appel avait jugé qu’il n’y avait pas impossibilité absolue d’exécution, mais sa décision est cassée parce qu’elle avait bien été mise dans l’impossibilité de continuer de fonctionner dans les mêmes conditions qu’auparavant (Cass. Soc. 19 nov. 1980 n° de pourvoi 78-41574) :
Or, face à la pandémie de Coronavirus COVID-19, le gouvernement s’est résolu à prendre plusieurs mesures radicales restreignant la liberté du commerce et de l’industrie et notamment la fermeture des lieux accueillant du public.
L’état du droit résulte :
– d’un premier arrêté du 14 mars 2020 publié au JO du 15 mars 2020 ;
– d’un deuxième arrêté du 15 mars 2020, publié au JO du 16 mars 2020, et complétant le premier arrêté.
Dans le préambule de ce dernier arrêté, il est énoncé une règle générale :
Considérant que l’observation des règles de distance étant particulièrement difficile au sein de certains établissements recevant du public, il y a lieu de fermer ceux qui ne sont pas indispensables à la vie de la Nation tels que les cinémas, bars ou discothèques ; qu’il en va de même des commerces à l’exception de ceux présentant un caractère
L’article 1er de l’arrêté du 15 mars (rectifiant celui du 14 mars) vise les catégories d’établissements recevant du public (ERP) concernées par la fermeture :
– « – au titre de la catégorie L : Salles d’auditions, de conférences, de réunions, de spectacles ou à usage multiple ;
« – au titre de la catégorie M : Magasins de vente et Centres commerciaux, sauf pour leurs activités de livraison et de retraits de commandes ;
« – au titre de la catégorie N : Restaurants et débits de boissons, sauf pour leurs activités de livraison et de vente à emporter, le “room service” des restaurants et bars d’hôtels et la restauration collective sous contrat ;
« – au titre de la catégorie P : Salles de danse et salles de jeux ;
« – au titre de la catégorie S : Bibliothèques, centres de documentation ;
« – au titre de la catégorie T : Salles d’expositions ;
« – au titre de la catégorie X : Etablissements sportifs couverts ;
« – au titre de la catégorie Y : Musées ;
« – au titre de la catégorie CTS : Chapiteaux, tentes et structures ;
« – au titre de la catégorie PA : Etablissements de plein air ;
« – au titre de la catégorie R : Etablissements d’éveil, d’enseignement, de formation, centres de vacances, centres de loisirs sans hébergement, sauf ceux relevant des articles 4 et 5.
Les ERP de la catégorie M sont autorisés à maintenir leurs activités de « livraison et de retraits de commande ». Les ERP de la catégorie N sont autorisés à maintenir leur activité de « vente à emporter et de livraison » : ils ne peuvent pour autant pas accueillir de public et sont donc empêchés de fonctionner dans des conditions normales.
Ces arrêtés constituent de manière indubitable un cas de fait du prince. Ils constituent donc la force majeure. La force majeure, dans le cas de ces arrêtés atteint l’obligation de délivrance du bailleur.
L’obligation de délivrance du bailleur ne peut pas être exécutée
L’obligation de délivrance du bailleur (article 1719 du code civil) oblige le bailleur à :
- délivrer au locataire un local apte à l’exercice de l’activité autorisée à la clause destination du bail et donc un local ouvert au public ;
- faire jouir paisiblement le locataire pendant la durée du bail.
Vous ne pourrez bien entendu pas reprocher au bailleur cette situation qu’il subit lui-même pour mettre à sa charge vos pertes d’exploitation ou lui rendre les clés de son local. En revanche, il est normal puisqu’il n’est plus en mesure de vous délivrer le local contractuellement prévu, que la contrepartie de cette obligation essentielle du bailleur, le loyer, qui ne peut s’acquérir qu’au fur et à mesure de la jouissance du local par le preneur à bail.
C’est la raison pour laquelle tout preneur à bail dont le local ne peut plus être mis à sa disposition du fait des arrêtés des 14 et 15 mars 2020 est fondé à opposer à son bailleur l’article 1219 du Code civil relatif à l’exception d’inexécution.
Invoquer la force majeure pour ne pas payer le loyer
L’article 1219 du Code civil dispose qu’« Une partie peut refuser d’exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l’autre n’exécute pas la sienne ».
Donc, si l’une des parties est dans l’impossibilité d’exécuter son obligation (même si cela est dû à la force majeure), l’autre peut refuser d’exécuter la sienne. La jurisprudence précise toutefois que l’exception d’inexécution doit être proportionnée. Cela signifie que l’exception d’inexécution doit être partielle si vous exploitez en vente livrée ou en click & collect les locaux loués.
En synthèse, le bailleur n’est pas fondé à vous demander de payer vos loyers si votre commerce est contraint à la fermeture par décision gouvernementale.
L’exception d’inexécution doit être exprimée et formalisée : il vous appartient de l’opposer formellement au bailleur de vos locaux commerciaux. Pour cela, il est important d’écrire individuellement à son bailleur pour formaliser votre position et caractériser la force majeure.
C’est pourquoi nous vous proposons, pour 49 € HT + le coût de la LRAR électronique*, d’écrire par courrier d’avocat à votre bailleur pour :
• Obtenir non pas des reports de loyers mais la remise définitive de vos loyers pendant votre fermeture,
• Eviter que le bailleur ne vous oppose un défaut d’ouverture fautif et cherche à résilier le bail commercial ou vous priver d’indemnité d’éviction en fin de bail s’il ne renouvelle pas.
*soit 7.48 € HT pour un courrier de 2 pages recto/verso en noir et blanc.
Pour agir et demander l’annulation de vos loyers à votre bailleur pendant la période de fermeture administrative de votre point de vente :
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