Rupture brutale et modification du contrat
mardi 17 décembre 2019

Rupture brutale et modification du contrat

La rupture brutale peut résulter d’une modification du contrat si cette modification porte sur un point substantiel de la relation dont elle conditionne la poursuite.

Dans un arrêt du 3 octobre 2019, la Cour d’appel de Paris rappelle que la rupture brutale d’une relation commerciale établie peut résulter d’une proposition de modification du contrat, si elle porte sur un point substantiel de la relation et que l’autre partie en fait une condition de la poursuite de la relation.

En l’espèce, à partir de janvier 2006, la société Vindemia a conclu plusieurs contrats successifs de prestation de services avec la société Cam Diffusion confiant à cette dernière la sélection, pour son compte, de fournisseurs, de produits et le suivi des achats.

En 2015, le contrat n’a pas été renouvelé.

La société Cam Diffusion a alors assigné la société Vindemia devant le Tribunal de commerce de Paris notamment en réparation du préjudice subi du fait de la rupture brutale de la relation commerciale établie.

Pour rappel, l’ancienne rédaction de l’article L. 442-6 I 5° du Code de commerce, applicable au moment des faits, précisait que « Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : […]

De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée […] ».

Afin de pouvoir mettre en œuvre les dispositions précitées, il convient de démontrer dans un premier temps une relation commerciale établie puis dans un deuxième temps une rupture brutale.

Dans un premier temps, la Cour rappelle que le caractère établi résulte d’une relation « suivie et stable et que les parties pouvaient légitimement s’attendre à ce qu’elle se poursuive ».

La société Vindemia invoque le fait que le contrat étant arrivé à son terme et que son cocontractant ne pouvait se prévaloir d’un droit au renouvellement.

Or, la Cour relèvera que bien que le contrat soit arrivé à son terme fin 2014, les parties avaient entrepris des négociations en vue du renouvellement du contrat et les commandes s’étaient poursuivies au cours du premier semestre 2015. Un contrat à durée indéterminée a ainsi pu naître entre les parties, sans que celui-ci n’ait été formalisé. La relation entre les parties était donc établie au sens de l’article L. 442-6 du Code de commerce.

Dans un deuxième temps, la société Vindemia tentera d’imputer la rupture de la relation à son cocontractant qui, lors des négociations, a demandé l’insertion de nouvelles stipulations dans leur contrat bouleversant ainsi l’économie du contrat.

La Cour rappelle que « si la demande, par une partie, d’une modification défavorable à l’autre, portant sur un point substantiel de la relation, caractérise une rupture brutale de la relation commerciale établie, cela ne vaut que si la partie en fait une condition de la poursuite de la relation ».

En l’espèce, la Cour relève que la société Cam s’est bornée à formuler une simple proposition, à laquelle la société Vindemia n’a pas répondu, ne serait-ce que pour la refuser et qu’elle n’a pas fait de cette modification une condition de la signature d’un nouveau contrat.

La société Vindemia échoue donc à démontrer que la rupture serait imputable à la société Cam.

Or, la société Vindemia ne conteste pas que les commandes passées à la société Cam ont subi une baisse drastique avant de cesser complétement sans qu’aucun préavis écrit ne soit donné. La société Vindemia a donc bien rompu brutalement sa relation avec la société Cam.

Enfin, concernant l’indemnisation du préjudice subi, la Cour rappelle classiquement que la durée du préavis s’apprécie selon la durée de la relation commerciale et d’autres circonstances, notamment l’état de dépendance économique éventuel du partenaire évincé.

En l’espèce, la société Cam ne démontre pas un tel état de dépendance économique : les contrats n’ayant mis à sa charge aucune obligation d’exclusivité et le seul fait qu’elle réalise une part importante de son chiffre d’affaires ne suffit pas à caractériser un tel état.

Ainsi, eu égard à la durée de 9 ans de la relation, la société Vindemia aurait dû respecter un préavis de huit mois et sera condamnée à indemniser la société Cam du préjudice subi du fait de la brutalité de la rupture.

Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 5, 3 octobre 2019, n° 17/01356

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