mardi 27 septembre 2016

Les pratiques de ventes subordonnées de SONY validées par la CJUE

La Cour de Justice de l’Union Européenne considère l’absence d’indication du prix de chacun des logiciels préinstallés, dans le cadre d’une vente conjointe d’ordinateurs et de logiciels préinstallés, ne constitue pas une pratique commerciale trompeuse.

Un consommateur avait acquis auprès de la société SONY un ordinateur contenant des logiciels préinstallés. Refusant d’installer ces logiciels sur l’ordinateur acquis, il demande à la société SONY de le rembourser de la partie du prix d’achat de l’ordinateur correspondant au coût des logiciels préinstallés, ce que la société SONY a refusé. La société SONY lui proposait en revanche d’annuler la vente et de lui rembourser la totalité du prix, moyennant la restitution du matériel, ce que le consommateur a refusé.

Ce dernier a alors assigné la société SONY devant le Tribunal d’instance afin d’être indemnisé du préjudice subi du fait de pratiques commerciales déloyales. Il est débouté en première instance de sa demande, ce qui est confirmé en appel. Un pourvoi en cassation est formé. La cour de cassation sursoie à statuer en vue de poser à la CJUE plusieurs questions préjudicielles relatives au caractère déloyal ou non de la pratique commerciale consistant à vendre des ordinateurs avec des logiciels préinstallés.

Deux questions préjudicielles étaient posées à la CJUE.

1. La première question posée à la CJUE était de savoir si une pratique commerciale consistant en la vente d’un ordinateur équipé de logiciels préinstallés sans possibilité pour le consommateur de se procurer le même modèle d’ordinateur non équipés de logiciels préinstallés constitue une pratique commerciale déloyale au sens de l’article 5, paragraphe 2, de la directive 2005/29.

Pour cela, la CJUE doit répondre à deux questions :

-    cette pratique est-elle contraire aux exigences de la diligence professionnelle ?
-    cette pratique altère ou est-elle susceptible d’altérer le comportement économique du consommateur moyen, par rapport au produit ?

Sur le premier point, la CJUE considère qu’une telle pratique est susceptible de répondre aux exigences des pratiques de marché honnêtes ou de principe général de bonne foi dans le domaine de la production de matériel informatique destiné au grand public, dans la mesure où :

-    le consommateur est dûment informé de l’existence de logiciels préinstallés et des caractéristiques de chacun de ces logiciels ;
-    la conformité de l’offre conjointe répond aux attentes d’une part importante des consommateurs, qui préfèrent l’acquisition d’un ordinateur ainsi équipé et d’utilisation immédiate à l’acquisition séparée d’un ordinateur et de logiciels ;
-    le consommateur a eu la possibilité d’accepter tous les éléments de l’offre ou d’obtenir la révocation de la vente.

Sur le second point, dans le cadre de l’appréciation de la seconde condition posée par l’article 5 paragraphe 2 de la Directive 2005/29, à savoir que la pratique en cause provoque ou est susceptible de provoquer une altération substantielle du comportement économique du consommateur moyen, la CJUE constate qu’avant de procéder à l’achat, le consommateur avait dûment était informé de ce que le modèle d’ordinateur en cause n’était pas commercialisé sans logiciels préinstallés.

Pour la CJUE, il appartient à la juridiction nationale de déterminer si dans les circonstances de l’espèce, à savoir lorsqu’un consommateur a été dûment informé, avant de procéder à l’achat, que le modèle d’ordinateur faisant l’objet  de la vente n’était pas commercialisé sans logiciels préinstallés et qu’il était, de ce fait, en principe libre de choisir un autre modèle d’ordinateur, d’une autre marque, pourvu de caractéristiques techniques comparables, vendu sans logiciels ou associés à d’autres logiciels, l’aptitude de ces consommateurs à prendre une décision commerciale en connaissance de cause a été sensiblement compromise.

La CJUE en conclut que la vente d’un ordinateur équipé de logiciels préinstallés sans possibilité pour le consommateur de se procurer le même modèle d’ordinateur non équipé de logiciels préinstallés ne constitue pas, en tant que telle une pratique commerciale déloyale au sens de la Directive 2005/29, sauf si cette pratique est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et altère ou est susceptible d’altérer le comportement du consommateur moyen, ce qu’il appartient à la juridiction nationale d’apprécier, en tenant compte des circonstances spécifiques de l’affaire.

2. Etait par ailleurs demandé à la CJUE de statuer sur le fait de savoir si, dans le cadre d’une offre conjointe consistant en la vente d’un ordinateur équipé de logiciels préinstallés, l’absence d’indication du prix de chacun des logiciels constituait une pratique commerciale trompeuse au sens de la Directive précitée.

La CJUE, après avoir rappelé qu’une pratique commerciale est réputée trompeuse si elle omet une information substantielle dont le consommateur moyen a besoin pour prendre une décision commerciale en connaissance de cause et qu’elle l’amène ou est susceptible de l’amener à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement, indique que le prix d’un produit proposé à la vente est considéré comme une information substantielle. Elle précise que c’est le prix global qui constitue une information substantielle et non le prix de chacun de ses éléments et en déduit que cette disposition fait obligation au professionnel d’indiquer au consommateur le prix global du prix concerné.

La question était ici de savoir si spécifiquement dans le cas d’une offre conjointe, portant sur un ordinateur et de multiples logiciels préinstallés, les prix des différents éléments composant un ensemble faisant l’objet d’une telle offre sont également susceptibles de constituer des informations substantielles.

Pour répondre à cette question, la CJUE souligne qu’en application de la Directive 2005/29 (article 7) :

-    constitue une information substantielle une information clé dont le consommateur a besoin pour prendre une décision commerciale en connaissance de cause ;
-    le caractère substantiel d’une information doit être apprécié à l’aune du contexte dans lequel s’inscrit une pratique commerciale et compte tenu de ses caractéristiques.

Au regard de ces éléments, la CJUE considère que la vente d’un ordinateur équipé de logiciels préinstallés ne constitue pas, en tant que telle, une pratique commerciale déloyale dès lors que l’ordinateur concerné n’était offert à la vente qu’équipé des logiciels préinstallés. Dès lors, l’absence d’indication du prix de chacun des logiciels préinstallés n’est ni de nature à empêcher le consommateur de prendre une décision commerciale en connaissance de cause, ni susceptible de l’amener à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement. Le prix de chacun de ces logiciels ne constitue donc pas une information substantielle.

La CJUE en conclut que l’absence d’indication du prix de chacun des logiciels préinstallés ne constitue pas une pratique commerciale trompeuse au sens de la Directive 2005/29.

La vente conjointe d’ordinateurs équipés de logiciels préinstallés a déjà fait couler beaucoup d’encre.

On sait que depuis 2009, les ventes liées ne peuvent être condamnées per se : la juridiction de l’Union européenne avait déjà précisé en 2009 que la Directive 2005/29 relative aux pratiques commerciales déloyales devait s’interpréter comme s’opposant à une réglementation nationale qui condamne per se les ventes liées (CJCE, 23 avril 2009, aff. C-261/07 et C-299/07) ;

La Cour de cassation avait suivi cette interprétation dès 2010, considérant qu’une vente liée ne peut être interdite que si, après une analyse in concreto, il est prouvé que la pratique commerciale est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et si elle altère ou est susceptible d’altérer de façon substantielle le comportement économique, par rapport au produit, du consommateur moyen (Cass.com., 13 juill.2010, pourvois n°09-15.304 et 09-66.970).

Cette interprétation avait été confirmée en droit français par une modification de l’ancien article L.122-11(1) du Code de la consommation rendant répréhensible les ventes liées qu’à condition qu’elles constituent une pratique commerciale déloyale au sens de l’article L.120-1(2) du Code de la consommation (Loi n°2011-525 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit du 17 mai 2011).

Le débat s’est donc ensuite déporté sur le fait de savoir si une telle pratique constituait une pratique commerciale déloyale et donc de définir si elle était contraire aux exigences de la diligence professionnelle, d’une part, et altérait ou était susceptible d’altérer le comportement économique du consommateur moyen, d’autre part.

Les juridictions françaises avaient ainsi considéré que :

-    le fait de vendre un ordinateur avec des logiciels préinstallés constitue une pratique commerciale déloyale si les caractéristiques principales des logiciels installés ne sont pas fournies ; la Cour de cassation considérant que cette information constitue une information substantielle susceptible de altérer la décision d’achat du consommateur (Cass. 1ère civ., 6 oct.2011, pourvoi n° 10-10.800) ;

-    la vente d’un ordinateur avec logiciel préinstallé n’est pas constitutive d’une pratique commerciale déloyale si le consommateur peut se procurer un ordinateur « nu » (Cass. 1ère civ., 5 févr. 2014, pourvoi n° 12-25.748).

N’avait en revanche pas été résolue la question de savoir si le fait d’offrir à la vente un ordinateur avec logiciel préinstallés, sans indiquer la valeur des éléments composant l’offre de vente, à savoir la valeur de l’ordinateur nu ainsi que des logiciels préinstallés, privait le consommateur d’une information substantielle pouvant altérer son comportement économique et donc sa décision d’achat.

C’est chose faite avec l’arrêt de la CJUE du 7 septembre 2016 commenté ci-dessus.

  (1) Nouvel article L.122-11 du Code de la consommation
  (2) Nouvel article L.121-1 du Code de la consommation

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