Le bailleur peut-il offrir le renouvellement à des conditions distinctes de celles du bail expiré ?
mercredi 10 avril 2024

Le bailleur peut-il offrir le renouvellement à des conditions distinctes de celles du bail expiré ?

Le congé délivré par un bailleur est un acte unilatéral mettant fin au bail et le renouvellement proposé doit s’opérer aux clauses et conditions du bail expiré. Par conséquent, le congé offrant le renouvellement à de nouvelles conditions, sauf le loyer, s’analyse en un congé avec refus de renouvellement ouvrant droit à indemnité d’éviction.  

Un bailleur délivre à ses locataires un congé avec offre de renouvellement subordonné, à : 

 « - la régularisation d'un nouveau bail conforme aux textes en vigueur s'agissant notamment de la clause d'indexation des loyers ; 

- modification de la contenance des lieux loués (notamment exclusion obligatoire des lieux publics dont la plage et le poste de secours) ; 

- modification des obligations du preneur (notamment quant à l'entretien des espaces verts - golf compris dans les lieux loués) 

- proposition d'un loyer principal annuel ne pouvant être inférieur à la somme de 10 194 euros » (cf arrêt CA Bordeaux du 21 Juin 2022 – n° 19/06161). 

Après s’être maintenus un temps dans les locaux, après l’expiration du bail d’origine, les locataires les libèrent et assignent le bailleur en paiement d’une indemnité d’éviction

Le Tribunal Judiciaire d’Angoulême analyse le congé comme un refus de renouvèlement rendant le bailleur débiteur d’une indemnité d’éviction. 


Le bailleur interjette appel. 

La Cour d’appel infirme le jugement aux motifs que : 

Les locataires sont fondés : « à soutenir que ces modifications, qui portent atteinte à la fois à la contenance des lieux loués et aux obligations du preneur, ne peuvent s'inscrire valablement dans le cadre d'un congé avec offre de reprise qui a pour objet de renouveler le bail commercial aux clauses et conditions du bail d'origine, à l'exception du loyer ». 

Mais que « Pour autant, les termes du congé, inadaptés mais dénués d'ambiguïté, ne permettent pas de retenir, comme l'a fait le tribunal, qu'il doit s'interpréter comme un congé sans offre de renouvellement alors qu'il exprime au contraire explicitement une offre de régularisation d'un nouveau bail. » 

La Cour d’appel considère que le maintien des locataires dans les lieux, sans opposition du bailleur à l'expiration du bail initial, avant leur départ volontaire, leur interdisait de demander le versement d'une indemnité d'éviction. 

Les locataires se pourvoient en cassation en exposant : 

« que le congé avec offre de renouvellement à des clauses et conditions différentes du bail initial expiré, non acceptées par le preneur, met fin au bail commercial et oblige le bailleur à payer au preneur une indemnité d'éviction quand bien même ce dernier se serait maintenu dans les lieux en vertu d'un droit d'occupation précaire ». 

Se posait donc la question de l’incidence du maintien dans les lieux des locataires sur la qualification du congé avec offre de renouvellement à de nouvelle conditions, sauf le loyer. 

Au visa des article 1103 du Code civil et des articles L.145-8 et L.145-9 du Code de commerce, la Cour de cassation casse l’arrêt d’appel aux motifs que : 

« 5. Il résulte de ces textes qu'à défaut de convention contraire, le renouvellement du bail commercial s'opère aux clauses et conditions du bail venu à expiration, sauf le pouvoir reconnu au juge en matière de fixation de prix. 

6. La Cour de cassation retient qu'un congé est un acte unilatéral qui met fin au bail par la seule manifestation de volonté de celui qui l'a délivré (Cass., 3e Civ., 6 mars 1973, pourvoi n° 71-14.747, Bull. n° 164 ; Cass., 3e Civ., 12 juin 1996, pourvoi n° 94-16.701, Bull. n° 138). 

7. Il s'en déduit qu'un congé avec une offre de renouvellement du bail à des clauses et conditions différentes du bail expiré, hors le prix, doit s'analyser comme un congé avec refus de renouvellement ouvrant droit à indemnité d'éviction ». 

La Cour de cassation sanctionne ainsi la Cour d’appel qui s’est contredite : 

- en reconnaissant que les modifications proposées au bail d’origine sont incompatibles avec un congé comportant offre de renouvellement, 

- tout en considérant dans le même temps que le congé « exprimait néanmoins une offre de régularisation d’un nouveau bail ». 

En conséquence, le congé avec offre de renouvellement délivré aux locataires, à des conditions différentes que le bail d’origine, s’analyse en un congé avec refus de renouvellement offrant droit à une indemnité d’éviction.  

L’article L.145-14 du Code civil dispose, en effet, que  : « Le bailleur peut refuser le renouvellement du bail. Toutefois, le bailleur doit, sauf exceptions prévues aux articles L. 145-17 et suivants, payer au locataire évincé une indemnité dite d'éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement ». 

La Cour d’appel de renvoi sera ainsi amenée à statuer sur le montant de l’indemnité d’éviction.  

Cette solution « pro-preneur » doit être approuvée. 

Elle traduit une interprétation stricte mais exacte des textes. 

Le bailleur, qui offre le renouvellement à son locataire, doit lui proposer de régulariser un nouveau bail aux clauses et conditions anciennes, sauf : 

- les dispositions d’ordre public qui seraient devenues applicables (par exemple, celles issues de la Loi Pinel), 

- le loyer qui peut être fixé ultérieurement dans les conditions des articles L.143-33 et suivants du Code de commerce. 

A défaut de comporter une offre de renouvellement, le congé délivré par le bailleur emporte obligatoirement refus de renouvellement.  

Cour de cassation, 3e chambre civile, 11 Janvier 2024 – n° 22-20.872 

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