Indemnité d’éviction et Gain Pinel
mercredi 18 octobre 2023

Indemnité d’éviction et Gain Pinel

Le Gain Pinel, notion peu connue, permet, dans le cadre d’une procédure en fixation de l’indemnité d’éviction, de majorer parfois considérablement la valeur du droit au bail ! Les locataires doivent tirer profit de leur propriété commerciale.

Le statut des baux commerciaux permet au preneur à bail de percevoir, en cas de refus de renouvellement du bail, une indemnité d’éviction.


C’est l’application de l’article L. 145-14 du code de commerce, qui prévoit que :

« Le bailleur peut refuser le renouvellement du bail. Toutefois, le bailleur doit, sauf exceptions prévues aux articles L. 145-17 et suivants, payer au locataire évincé une indemnité dite d'éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement.

Cette indemnité comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre ».

Ce seul texte régit les modalités de fixation de l’indemnité d’éviction.

La jurisprudence l’a amplement complété.

La réparation du préjudice causé par l’éviction consiste, soit en l’indemnisation de la perte de la valeur marchande du fonds de commerce induite par le congé, soit en l’indemnisation de la valeur du droit au bail, laquelle constitue, suivant la jurisprudence constante de la Cour de cassation, un plancher d’indemnisation en matière d’indemnité d’éviction (Cass. 3ème Civ., 20 mai 1980 n°78-16116) ; 

La jurisprudence la plus récente définit la valeur du droit au bail de la manière suivante :

« La valeur du droit au bail se déduit par la différence entre la valeur locative de marché et la valeur du loyer si celui-ci avait été renouvelé, à laquelle il est d'usage d'appliquer un coefficient de situation en fonction de l'attractivité commerciale de la zone où sont situés les locaux » (CA Paris, 5-3, 19 avril 2023, n° 21/01082).

Dès lors, si le bail avait été renouvelé, et dans l’hypothèse où son loyer aurait été déplafonné, faut-il tenir compte du lissage du loyer tel qu’il résulte du dernier alinéa de l’article L. 145-34 du code de commerce issu de la loi n° 2014–626 du 18 juin 2014, dite « Loi Pinel », qui prévoit que :

« En cas de modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 145-33 ou s'il est fait exception aux règles de plafonnement par suite d'une clause du contrat relative à la durée du bail, la variation de loyer qui en découle ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l'année précédente ».

En effet, dans une telle hypothèse, le locataire n’aurait pas payé le loyer déplafonné la première année, mais seulement 10 % de plus que l’année précédente, et ce, jusqu’à atteindre la valeur locative de renouvellement (pour autant qu’elle soit atteinte).

Ce mécanisme a ainsi pour effet, même si cela n’était pas certainement pas envisagé par le législateur lors de l’écriture de cette loi, de générer une économie supplémentaire de loyer au bénéfice du locataire.

Cette théorie du « Gain Pinel » a été appliqué dans au moins deux décisions par les juridictions parisiennes (TGI Paris, 18e ch. 1re sect., 2 juin 2020, n° 17/06031 ; CA Paris, 30 novembre 2022, n° 20/02478).

Elles ne manquent pas, sur préconisations de leur expert judiciaires désigné, d’appliquer un taux d’actualisation, la formule de calcul devenant rapidement particulièrement complexe.

Il convient de préciser que dans la décision du tribunal de grande instance de Paris du 2 juin 2020 (susvisée), les juges du fond ont considéré que :

« Il n'est pas démontré qu'elle porterait une atteinte injustifiée et disproportionnée au droit de propriété. Elle n'est donc pas contraire à l'article I du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales protégeant le droit de propriété ».

En définitive, il apparaît, comme le souhaitait le législateur, que cette Loi Pinel, permet une protection plus importante, notamment en ce qu’elle peut induire une majoration de l’indemnité d’éviction !

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